La question d’Honorius – aperçu en une page par Amandus 2016-01-19 23:10:26 |
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« La question d’Honorius est difficile historiquement, et n’est pas de celles que l’on tranche avec de la passion. Essayons d’en donner une idée à ceux qui ne peuvent l’étudier par eux-mêmes.
Honorius qui monta sur le Saint-Siège en 625, gouverna l’Église durant près de treize ans. Consulté insidieusement par Sergius, patriarche de Constantinople, sur la question de savoir si l’on devait reconnaitre en Jésus Christ une seule volonté ou deux volontés, l’une divine et l’autre humaine, le Pontife qui appréhendait qu’une nouvelle hérésie ne s’élevât à ce sujet dans l’Église, crut pouvoir répondre d’une manière évasive, et manqua l’occasion de redresser les mauvais sentiments du patriarche. Il espérait par cette réserve, ainsi que nous l’apprenons du Pape saint Agathon, l’un de ses successeurs, étouffer dans son foyer une erreur qui pouvait produire de grands ravages. Le trop complaisant Pontife se flattait de n’avoir pas trahi la vérité, du moment que dans sa lettre, il insistait sur les deux natures que la foi reconnaît en Jésus Christ ; et en effet, deux natures donnent à conclure deux volontés.
Mais ce qu’il n’avait pas prévu arriva. L’hérésie d’une seule volonté (le monothélisme), favorisée par la politique d’Héraclius à qui cette transaction semblait un moyen, bien illusoire d’ailleurs, d’éteindre l’hérésie d’une seule nature (le monophysisme), qui bravait encore les anathèmes du concile de Calcédoine, s’étendit avec la rapidité d’un incendie, propagée qu’elle était par Sergius de Constantinople et par Cyrus d’Alexandrie. Honorius eut à peine le temps de constater la grandeur d’un mal, qu’il eût été de son devoir de combattre dès l’origine avec plus de résolution.
Deux questions se présentent ici. Honorius a-t-il enseigné l’erreur dans sa lettre à Sergius ? A-t-il, dans cette lettre, parlé comme dit l’École, ex Cathedra ?
A la première question, il est aisé de répondre que le Pontife n’a point enseigné l’erreur. La lettre est sous les yeux de tout le monde dans les Actes du Ve Concile. On y voit un homme trop circonspect, il est vrai, qui mesure ses termes avec une précaution exagérée, en un mot qui craint de s’expliquer, de peur que sa parole ne produise une sensation quelconque. C’est la prudence du serpent, sans la simplicité de la colombe. Découvre-t-on sous ces faux-fuyants une erreur contre la foi ? Plusieurs l’ont prétendu ; mais ils ne sauraient prévaloir contre l’autorité de saint Maxime, docteur contemporain et le plus puissant adversaire du monothélisme. Ce saint abbé qui joint à ses autres mérites l’honneur de la palme du martyre, défend la pureté de la foi d’Honorius et vénère sa mémoire. On répond aisément aux passages de la lettre de ce Pape que quelques auteurs gallicans ont voulu incriminer, et il ne manque pas de théologiens de leur école qui aient défendu la pleine orthodoxie de la lettre à Sergius. Je citerai Noël Alexandre qui ne sera pas suspect ; auquel j’ajouterai Witasse, Tournely, Regnier, dont les noms sont d’une haute considération en Sorbonne .
Sur la seconde question je répondrai que la lettre d’Honorius à Sergius n’a rien de commun avec une définition apostolique. Sergius consulte le Pape sur la question qui agitait l’Orient, et dans laquelle il cherchait à compromettre le Siège apostolique. Honorius, après avoir exprimé clairement la foi sur les deux natures, s’applique à réfuter ceux qui diraient que dans le Christ la volonté humaine aurait pu être en contradiction avec la volonté divine, ou encore qu’il y aurait eu dans le Christ, comme dans l’homme tombé, un penchant qui l’eût incliné du côté opposé au bien. Amené enfin à répondre directement à la lettre captieuse de Sergius, il refuse de s’expliquer, sous prétexte que la question est subtile et du ressort des grammairiens, par lesquels il entend les philosophes. Il cherche à arrêter toute controverse sur le sujet des deux volontés dans le Christ, en imposant le silence, et déclarant que son intention est que l’on ne dise ni une volonté, ni deux volontés. Plus tard, ni essaie d’appliquer cette mesure dans une lettre dont il ne nous reste que des fragments, et qu’il adressa à Cyrus d’Alexandrie et à saint Sophrone de Jérusalem. Je le demande, quand un homme refuse de s’expliquer sur une question qu’on lui propose, a-t-on le droit de dire qu’il a manifesté son sentiment ? Honorius a-t-il enseigné qu’il n’y a dans le Christ qu’une seule volonté ? Nul ne pourrait le dire, sans calomnier ce, Pontife. A-t-il enseigné que l’on ne doit pas reconnaître dans le Christ deux volontés ? le prétendre, serait tout aussi injuste. Il n’y a donc qu’une seule conclusion à tirer de la lettre à Sergius ; c’est qu’Honorius n’a rien voulu décider, et qu’il n’a rien décidé en effet.
J’amènerai un rapprochement historique. A la suite des célèbres Congrégations de Auxiliis, Paul V finit par laisser les thomistes et les molinistes dans la liberté de suivre le sentiment respectif de leur école ; leur intimant seulement la défense de se traiter réciproquement d’hérétiques. Dira-t-on que Paul V, dans cette occasion, ait rendu une définition dans un sens ou dans un autre ? La situation est la même pour Honorius. Il a eu tort, sans doute, de croire qu’en imposant le silence sur la question des deux volontés, il éteindrait une controverse dont il ne voyait pas l’importance, et qui devait enfanter une hérésie formidable ; mais la faute qu’il a commise ne consiste pas dans ce qu’il a enseigné ; elle est tout entière en ce que, mis en demeure d’enseigner, il a refusé de le faire, cherchant à étouffer la controverse, au lieu de la résoudre. »
(Dom Prosper Guéranger, Défense de l’Église romaine contre les accusations du Révérend Père Gratry)
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