Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Défense de prier dans la cathédrale de Strasbourg
par Jean Kinzler 2016-01-13 15:46:41
Imprimer Imprimer

Défense de prier, on consomme
PUBLIÉ LE 13/01/2016 À 10:14
À quoi ressemble la France après le 13 novembre ? Il faut vivre, consommer, accélérer le rythme. La vie intérieure peut attendre.
« Vous ne pouvez pas entrer dans la chapelle, une visite privée va commencer. » La grille de la chapelle du Saint-Sacrement se referme devant nous sur ces mots. Nous regardons autour de nous. Les accès à la nef par l’allée latérale sont toujours barrés, l’unique autre chapelle accessible est tout aussi déserte. Nous devons nous rendre à l’évidence : entre Noël et le jour de l’an, alors que la ville grouille de touristes, il est impossible de trouver une petite place pour prier dans la cathédrale de Strasbourg en début d’après-midi. Après vingt minutes dans une file à l’extérieur à attendre la réouverture à quatorze heures du bâtiment et dix autres minutes à attendre que la foule devant nous passe les (légers) contrôles de sécurité, la visite de la cathédrale a été expédiée en treize minutes montre en main, en comptant les deux et demi passées à essayer de contourner la foule massée devant l’horloge astronomique. Si nous n'avons pas pu prendre un temps de prière, les athées et agnostiques férus d’architecture et d’histoire de l’art en auraient tout autant été pour leurs frais. Désormais, la cathédrale de Strasbourg se visite au pas de charge, et interdiction formelle de s’arrêter en chemin. Prier dans un édifice religieux ? Prendre le temps d’admirer un monument historique ? Quelle idée saugrenue.

De quoi cette situation ubuesque est-elle le fruit ? Contactée, la responsable de l’événementiel pour la cathédrale s’est montrée désolée de la situation. La préfecture a imposé un parcours « obligatoire sans possibilité d’arrêt » et « la fermeture des chapelles dans la cathédrale ». En temps normal, a-t-elle expliqué, il y a toujours au moins une chapelle ouverte à la prière dans la cathédrale. Le touriste catholique n’est pas le seul à subir de tels désagréments. La présentation des tapisseries de la cathédrale, plusieurs messes et quatorze concerts ont été annulés depuis l’instauration de l’état d’urgence. Les responsables du presbytère nous ont précisé que personnel et paroissiens ont passé le mois de décembre à se battre pour que la préfecture ne ferme pas la cathédrale. Avoir pu visiter la cathédrale de Strasbourg le 30 décembre a donc été une chance : nous aurions pu trouver porte close. Reste cependant la question des priorités des autorités publiques. S’il s’agit d’empêcher des attroupements de foule pour ne pas offrir des cibles trop visibles à d’éventuels terroristes, le remède est pire que le mal. La cathédrale était censée être ouverte toute la journée sans interruption ; maintenant, la queue pour entrer barre la moitié de la place avant même l’heure d’ouverture prévue. Et à quoi bon empêcher des fidèles de s’asseoir dans la chapelle ou dans une chapelle latérale pour prier au nom de leur sécurité si l’attroupement de touristes devant l’horloge astronomique, juste avant la sortie – unique et donc obligatoire –, est permanent et massif ? Bizarrement, l’interdiction de s’arrêter pour prier ne s’applique pas quand il s’agit d’inciter le touriste à sortir son porte-monnaie : dans cette même cathédrale, le chaland est constamment invité à s’arrêter pour glisser une pièce dans un tronc et payer un cierge, un guide, un éclairage. Si bien qu’on en vient à se demander ce qui différencie désormais la cathédrale des musées qui l’entourent. Le visiteur aurait-il l’idée de ressentir à son tour le souffle divin qui mit en mouvement les bâtisseurs il y a un millénaire qu’il serait regardé comme un intrus, quelqu’un qui vient déranger les projets des hommes pour la maison de Dieu. La prière n’est plus la fonction principale de celle-ci, seulement une activité annexe qu’on daigne tolérer, à condition qu’elle se fasse discrète et n’entrave pas la bonne marche du reste.

Des cyniques feraient observer que l’instauration de l’état d’urgence et les mesures de sécurité qu’il entraîne ont permis d’accélérer comme jamais le flux des visites et d’optimiser le nombre de visiteurs passant chaque jour devant l’horloge astronomique. La ville ne devrait pas s’en plaindre, elle qui fait payer un euro cinquante le plan touristique à l’office du tourisme sis place de la cathédrale. De la part des autorités publiques, cette stratégie serait tout à fait conforme aux exhortations du premier ministre début décembre : « consommez, dépensez, vivez ». D’autres rappelleraient que les mesures de sécurité prises depuis le 14 novembre sont à double tranchant. D’un côté, les marches pour le climat prévues dans toute la France les 28 et 29 novembre ont été annulées par crainte de troubles à l’ordre public; de l’autre, après quelques jours d’hésitation, les marchés de Noël prévus un peu partout en France ont été maintenus. Le risque d’attentats serait-il étrangement moindre sur des lieux de haute consommation que dans des marches politiques ? « Ce n’est pas un choix technique, c’est un choix politique clairement assumé », commentait alors Maxime Combes, d’Attac. Un mois et demi plus tard, l’affluence du marché de Strasbourg n’est pas encore connue mais le marché de Colmar n’a visiblement pas souffert des attentats.

In fine, la vie de la France après le 13 novembre est bien ajustée au vide de l’époque. « Vivez ! », mais consommez. N’essayez pas de comprendre quoi que ce soit aux tenants et aboutissants des événements et de leurs conséquences : « il ne peut y avoir aucune explication qui vaille car expliquer c'est déjà vouloir un peu excuser », décrète le même premier ministre qui nous exhortait à consommer en toute sécurité. Fréquentez des lieux de prière si vous le souhaitez mais ne vous arrêtez pas pour prier, vous mettriez en danger vos co-visiteurs. Visitez un haut lieu touristique, mais ne prenez pas le temps d’en saisir l’histoire et la grandeur. Consommez. Accélérez le rythme. La vie intérieure, celle de l’âme et de l’esprit, n’est pas une urgence. Et tant pis si de nombreuses voix estiment que l’islamisme radical joue sur le vide spirituel et intellectuel de l’Occident. Pourquoi changer quoi que ce soit à une stratégie qui perd ? Il est pourtant urgent de réagir. Si nous nous refusons à redonner droit de cité à la vie intérieure, qu’elle soit intellectuelle ou spirituelle, athée ou religieuse, il ne servira à rien de lutter contre le terrorisme islamiste : d’avance, nous avons perdu.
lavie.fr/

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 Défense de prier dans la cathédrale de Strasbourg par Jean Kinzler  (2016-01-13 15:46:41)


132 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]