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Un souvenir lointain de la Pannonia sacra
par Lycobates 2015-10-06 22:18:14
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Il y a 70 ans, l'an du Salut 1945, en ce 7 octobre était intronisé Mgr. József Mindszenty (1892-1975), depuis un an et demi (4 mars 1944, consacré le 25 mars 1944) évêque de Veszprém, dans la cathédrale d'Esztergom (pour les amateurs : en allemand Gran, la "Etzelburg" du chant des Nibelungen).
En le promouvant à ce vénérable siège métropolitain et archiépiscopal le Pape l'éleva aussi à la dignité de prince-primat du Royaume apostolique de la Hongrie, dignités que Mgr. Mindszenty assumera sans interruption canonique, jusqu'à sa mort en exil, à Vienne, le 6 mai 1975.
Dignités assumées d'abord de fait et de droit, de 1945 à 1948, seulement de droit ensuite, car il en fut empêché physiquement de façon permanente par son internement à partir du 26 décembre 1948, avec un bref sursis du 30 octobre au 4 novembre 1956 lors du soulèvement hongrois, suivi de son séjour forcé à l’ambassade américaine jusqu’au 28 septembre 1971, et de surcroît empêché moralement à partir de fin 1973 par qui l’on sait.

Je dis bien "prince-primat du Royaume apostolique de Hongrie" de 1945 à 1975 et ce n'est pas une marotte.
Rappelons-le aux oublieux : la monarchie de Saint Étienne n'a jamais été abolie de droit en Hongrie, pas en 1918 ou 1921-22, pas en 1945-49, et à mon avis et celui d'autres, mais je ne suis pas constitutionnaliste, pas en 1989 non plus.
En effet, la monarchie ne fut point abolie en Hongrie après la mort en exil à Funchal (Madère), en 1922, de l'Empereur d'Autriche Charles I, qui fut aussi, en union personnelle, depuis 1916, le Roi apostolique de Hongrie, le dernier à être couronné et sacré sous cet ancien titre par l'archevêque d'Esztergom, à l'époque le cardinal Czernoch [Černoch], sous le nom de Charles IV (en hongrois : IV. Károly, en croate : Karlo IV., en slovaque : Karol IV.), et qui fut par ailleurs en même temps Charles III, Roi de Bohème.
Car après le renoncement du Roi apostolique Charles IV (soit l'Empereur Charles I) "à l'exercice du pouvoir de gouvernement" (mais pas au trône !) sous pression révolutionnaire en 1918 et quelques insurrections communistes heureusement vite réprimées, et même si la maison d’Autriche avait été démise (de façon inconstitutionnelle) de la royauté en Hongrie en 1921, le vice-amiral Miklós (Nikolaus) Horthy (Horthy von Nagybánya - en 1918 commandeur de la flotte impériale à Pola, et en tant que, comme beaucoup de Hongrois, calviniste convaincu, resté ambigu envers la maison d'Autriche) assuma de 1920 à 1944 (ou plus probablement à sa mort en exil à Estoril en 1957), la fonction, non pas de président, mais de Régent du Royaume (Magyar Királyság), d'une Hongrie bien réduite, en étant vacant (à partir de 1922), et d'abord empêché (de 1918 à 1922), le trône royal.

Mais revenons-en d'abord à Mgr. Mindszenty.
Né sous le nom de József (Joseph) Pehm, à Csehimindszent, dans le diocèse de Szombathely (all. Stein-am-Anger, jadis lieu de naissance de saint Martin devenu évêque de Tours) en 1892, diocèse pour lequel il fut ordonné prêtre en 1915, il changea son nom (allemand) au début de la deuxième guerre mondiale en Mindszenty, d'après son lieu de naissance, et il fut connu depuis, pendant toutes ses années d'épiscopat, sous le nom de Mgr. József Mindszenty. Une prise de conscience hongroise, sur laquelle je n'ai pas de commentaire à faire.

Lors de son premier consistoire (février 1946) le Pape l'éleva à la pourpre cardinalice, et Mgr. Mindszenty devint cardinal-prêtre de Saint-Étienne-le-Rond, sur le Caelius, siège du Collegium Germanicum et Hungaricum depuis 1580. Son internement de 1949 à 1956 puis son empêchement à partir de 1956 l’écartèrent des mainmises de 1958 et 1963, ainsi que des sessions joyeuses de la Nouvelle Pentecôte.
Parfois mine de rien, la Providence arrange bien les choses.

Bien conscient de sa nouvelle dignité, le nouveau prince-primat envoya après sa nomination un télégramme au gouvernement national-socialiste qui avait renversé en octobre 1944 le Régent Horthy (ce gouvernement allait bientôt être renversé lui-aussi par un gouvernement communiste, qui usurpera le pouvoir jusqu'en 1989) pour indiquer qu’il était prêt en tant que premier représentant de l’état après le Roi de servir la Hongrie. Le message fut clair.
Le cardinal ne reconnut pas non plus la prise de pouvoir communiste qui s’ensuivit et s'opposa avec le reste de l’épiscopat à l’abolition de la monarchie et la confiscation des terres, dont celles de l'Église, décidées de façon illégale par le parlement en 1946, pour créer la "république populaire".

En tant que prince-primat, prince du Saint-Empire depuis 1715, et d'office membre de la Chambre seigneuriale hongroise, l’archevêque d’Esztergom jouit d’un grand nombre de prérogatives et de privilèges, religieux et civils. Il est Legatus natus du Pape, donc légat d’office, non pour une mission déterminée, un titre rare qu’avec lui seulement quelques autres prélats portent, comme l’archevêque de Cologne et l’archevêque de Salzbourg (qui est à ce jour aussi primat d’Allemagne, primas Germaniae, avec le droit de porter la pourpre aussi sans être cardinal), celui de Gnesne (qui est primat de Pologne), et, avant la Réforme, l’archevêque de Cantorbéry. Cette légation comporte entre autres la juridiction de convoquer des synodes et le droit de la visitation des sièges épiscopaux (et p.ex. pour Salzbourg aussi le droit, plus mis en pratique, de nomination et du sacre des suffragants) dans son territoire. Le prince-primat hongrois est le garde des sceaux du Royaume et c’est lui qui ceint le Roi apostolique (dernièrement en 1916) avec la couronne de Saint Étienne.

Ainsi, en ce 7 octobre, jour historique pour la Hongrie, bien démunie aujourd'hui, je voudrais partager avec les intéressés dans ce forum, ces deux belles images, reproduites ci-après, d'abord celle du (relativement) jeune prince-primat, la soie moirée de sa chape et de la barrette indique en principe qu'il est déjà cardinal, caractérisé sur cette remarquable photo surtout par le port du chaperon d'hermine - à la différence des autres chaperons d'hiver qui sont en principe entièrement blancs, orné aussi des petites queues noires de ce sympathique animal qui au cours des siècles a tant contribué, quoique à son corps défendant, en toute humilité, mais aussi en toute dignité, à l'honneur de nos princes d'Empire séculiers et ecclésiastiques. Car le chaperon d'hermine en noir et blanc est le privilège singulier des princes-évêques de l'Empire, ici significatif de la qualité de prince-primat, Fürstprimas, hercegprímás en hongrois.

Et ensuite une image de son blason, complet faut-il le dire (on en retrouve souvent une version réduite, je suppose politiquement "correcte"), notamment avec la couronne princière de sa qualité de prince-primat, le Fürstenhut, et le manteau d'hermine, surmontés, comme il se doit, de son chapeau cardinalice et de la croix métropolitaine.
L'écu, orné du pallium de l'archevêque, comporte au côté dextre l'image de Sainte Marguerite de Hongrie, tenant un lys et le missel, sainte (canonisée en 1943 après une vénération immémoriale) chère à l'évêque Mindszenty depuis son épiscopat à Veszprém. Au côté sinistre figurent les trois roses d’argent des armoiries de la famille Pehm.

Ayons donc en ce jour du Rosaire de Notre Dame une pensée et une prière pour le repos de l'âme de ce grand confesseur (quoique peut-être non dépourvu de faiblesses) de la Foi et de l'Empire, sans oublier les pauvres âmes de ses pitoyables persécuteurs, laïcs et ecclésiastiques. Plus pitoyables ces derniers que les premiers.
Ainsi que pour la Hongrie actuelle, aux prises avec des imposteurs, laïcs et ecclésiastiques, encore plus pitoyables les derniers que les premiers, pour qu'elle se ressaisisse, avec la grâce de Dieu.

Memor esto Pannonia sacra unde excideris: et age poenitentiam, et prima opera fac.



     

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