bonsoir,
j'essaie de vous faire partager ma passion pour un des plus grands compositeurs du XVII e siècle, auteur de messes et de Requiems, et violoniste virtuose. Je me passionne d'autant plus pour lui qu'il est catholique et qu'il n'a rien a envier aux musiciens protestants de son époque. Biber est avec Johann Jacob Walther, Johann Paul von Westhoff et son maître Schmelzer l'un des violonistes les plus représentatifs du XVII e. Bach a été marqué par leur écriture lorqu'il composa ses sonates et partitas pour violon seul.
La Missa Bruxellensis
« A l’ère baroque, écrit E. Hintermaier, l’auteur du livret qui accompagne l’enregistrement de Jordi Savall, la culture musicale s’est épanouie non seulement dans les genres profanes et mondains de l’opéra, de la danse et de la musique instrumentale, mais aussi dans les multiples formes de la musique sacrée. Surtout la musique religieuse et liturgique à gros effectifs tentait d’apparaître au même titre que l’architecture et les beaux-arts, comme une émanation d’une ecclesia triumphans, Eglise triomphante au ciel, que l’art et la théologie, surtout à cette période, célébraient déjà comme une réalité sur terre. Musiciens et compositeurs étaient donc chargés, d’un côté, de faire resplendir fastes et magnificence de la musique céleste comme un reflet du Ciel, et de l’autre, de satisfaire au cérémonial de la cour princière, afin que les gens du commun puissent se faire une idée précise des « majesté, puissance et autorité » du prince.
Rien de surprenant, donc, à ce que les princes-évêques de Salzbourg aient mis en valeur cet effet de la musique, surtout dans des espaces sacrés, où ils glorifiaient Dieu par des cérémonies liturgiques, tout en confortant leur propre prestige. Peu de cours princières européennes pouvaient offrir, au XVIIe s., une musique aussi somptueuse que celle de l’Eglise Métropolitaine des archevêques de Salzbourg. Au moins deux exemples, remarquables, en illustrent l’emploi dans le cadre de célébrations liturgiques : d’une part, la fastueuse consécration de la nouvelle cathédrale de Salzbourg en 1628, en pleine guerre de Trente Ans, et de l’autre, en 1682, les magnifiques fêtes célébrant l’anniversaire de la fondation de l’archevêché par saint Rupert » (à cette occasion, on l’a vu, on fit exécuter la Missa Salisburgensis).
La Missa Bruxellensis, œuvre plus tardive, date d’après le papier de la copie, des années autour de 1700. Pour mémoire, cette messe porte ce vocable parce que c’est à Bruxelles que fut découverte la partition et qu’elle y est encore conservée. On doit se demander comme pour les autres messes à quelle occasion elle fut composée. Elle le fut à l’occasion de « la fondation, en 1701, de l’ordre des Rupperti-Ritter (Chevaliers de saint Rupert) par l’archevêque, le comte Thun, qui succéda au comte Khuenbourg en 1687. L’acte de fondation des chevaliers de saint Rupert fut signé le 12 mai 1701 et ratifié par l’empereur Léopold le 23 août, tandis que l’installation solennelle se déroula le 15 novembre dans la cathédrale, où le prince-archevêque, célébrant personnellement la messe en grande pompe, remit leurs insignes aux premiers Expektanten (candidats). Cet ordre de chevalerie, qui n’était pas un ordre du mérite, mais un ordre militaire, fut institué par le prince, afin de former, à partir de l’aristocratie rurale de la province de Salzbourg, une élite militaire pour les postes d’officier des troupes du prince, notamment pour les contingents impériaux.
Biber choisit pour cette messe une distribution correspondant à la pratique musicale usuelle dans la cathédrale de Salzbourg lors des événements festifs où le prince- archevêque célébrait lui-même, à savoir un chœur double à huit voix avec soli et tutti, un chœur de vents à cinq voix (deux cornets à bouquins et trois trombones), un chœur de cordes à cinq voix (deux violons et trois altos), un chœur de trompettes et de timbales à quatre voix, ainsi qu’un groupe de basse continu bien fourni, comportant orgues, cordes et bassons. La disposition des chanteurs (solistes et choristes) et des instrumentistes, répartis sur les tribunes de la croisée et dans le chœur de la cathédrale, offre une aventure sonore inédite dont ce lieu semble bien avoir le monopole. Au mieux, un enregistrement sur le vif pourrait en transmettre une impression à peu près approchante.
Biber dut certainement adapter son écriture aux contraintes du lieu. Aussi a-t-il évité autant que possible une facture savante et contrapuntique, mettant en valeur plutôt des structures harmoniques, homophones et tentant de minimiser les problèmes acoustiques par des échanges en concertato contrastés entre les différents groupes de solistes vocaux et instrumentaux. Cet effet était renforcé par le chœur tutti (ou ripieno) qui, placé au rez-de chaussée et soutenu par les basses continues, créait non seulement des alternances dynamiques et sonores, mais permettait de surcroît une intégration visible de la musique dans le déroulement liturgique. Ce qui frappe dans cette messe, c’est la forte présence du chœur de trompettes, surtout dans le Gloria, où il intervient la plupart du temps à plein volume et au grand complet (in pieno), susceptible d’évoquer des associations bien martiales, qui étayent l’hypothèse concernant la raison d’être et la finalité de l’œuvre. La virtuosité des parties de trompettes confirme non seulement l’intime connaissance que Biber possédait de ces instruments depuis son séjour à Kremsier (aujourd’hui Kromeritz en Tchéquie), mais démontre aussi magnifiquement l’excellence du jeu clarino à la cour de Salzbourg.
A l’âge d’or du baroque, la Missa Bruxellensis de Biber perpétue une tradition de pratique musicale religieuse qui connaît un épanouissement superbe et privilégié à la cathédrale de Salzbourg. De la production religieuse de Biber, plusieurs œuvres nous sont parvenues avec des distributions à peu près comparables , telle la Missa Alleluia à 26 voix, la Missa Christi resurgentis à 19, les Vesperae à 32 et la Jospehlitanei à 20 voix. Georg Muffat entre également dans cette tradition avec sa Missa in labore requies à 23 voix » (nous aurons à évoquer plus brièvement ces œuvres). »
Jordi Savall est le meilleur ambassadeur de cette œuvre, enregistrée dans la cathédrale de Salzbourg ; à la tête de la Capella Reial de Catalunya et du Concert des Nations, il nous offre une fête sonore sans pareille (un enregistrement Alia Vox de 1999).
« Jordi Savall nous propose ici une première gravure mondiale où est respectée la disposition originale de la nef avec ses quatre tribunes et son choeur. Le résultat est grandiose, les cinq formations (deux choeurs à huit voix avec chacun quatre solistes, un choeur trompettes et timbales, un autre de saque boutes et cornets, le dernier avec les cordes et le continuo) sont parfaitement identifiables et suscitent de splendides effets stéréophoniques. Savall équilibre tous ces paramètres dans une ambiance d'exaltation et de ferveur, faisant de cette messe un joyau de l'art baroque décoratif! »(Alain Charlebois. Place des Arts)
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