Bonjour Aigle,
1. Je ne mets pas en cause l'herméneutique, mais l'herméneutiSME, ce qui n'est pas la même chose : par exemple, il existe une herméneutique augustinienne,
- qui priorise la relation entre la conscience de l'homme ou la vie de l'Eglise et la Parole de Dieu,
et
- qui est située aux antipodes de l'herméneutiSME contemporain,
lequel priorise la relation entre une certaine vision, bien plus philosophique et non chrétienne que théologique et chrétienne, de la conscience de l'homme ou de la vie de l'Eglise, et une certaine vision, elle aussi plus philosophique que théologique d'inspiration, du devenir du monde.
Pour le dire rapidement, la mise en priorité de la réceptivité, face à la Parole de Dieu, est une chose, alors que celle de la créativité, adaptative et orientative, face au devenir du monde, en est une tout autre.
2. Je ne mets pas en cause une génération de théologiens, mais au moins trois générationS, que je distingue de cette manière, certainement trop schématique :
- la génération primo-moderniste (1893-1914)
- la génération néo-moderniste (1930-1970)
- la génération postmoderniste (1971 à nos jours) (postmoderniste en ce qu'elle est ouverte, d'une manière extrêmement bienveillante, sur la mentalité ou la philosophie postmoderne).
L'herméneutiSME que je pointe du doigt est plus précisément le fait de la deuxième, et surtout de la troisième, de ces générationS.
Et cela a été une grave erreur de croire (si jamais cette erreur a eu cours) que tout cela était l'affaire d'une seule génération, et qu'il suffirait, par exemple, que Rahner passe de vie à trépas (en 1984), pour qu'il n'ait pas de contemporains, puis de continuateurs, encore plus herméneutiSTES que lui, et pour que l'herméneutiSME s'estompe.
3. Il fut un temps, néo-thomiste, où un vocabulaire et des argumentaires d'inspiration aristotélicienne étaient considérés comme indispensables à la pratique de toute bonne apologétique (avant que l'on commence à parler, de plus en plus, de théologie fondamentale).
Mais depuis les années 1930, un autre mode de conception et de déploiement d'un discours théologien, plus philosophique que théologique, et, il faut bien le dire, plus anthropocentrique que métaphysique, un mode de raisonnement globalement d'inspiration heideggerienne, a commencé à se faire jour (avant que l'on commence à parler, de moins en moins, d'apologétique).
Compte tenu des connaissances, certainement imparfaites ou incomplètes, dont je dispose, sur cette question cruciale, je crois pouvoir dire que Max Scheler, mort en 1928, est beaucoup moins responsable de l'hégémonie actuelle de cet état d'esprit herméneutiSTE, dans certains cercles théologiques, que Heidegger et les heideggeriens.
Faute de temps, je ne développe pas, j'espère avoir été le plus précis et le plus prudent possible, et je vous souhaite une bonne journée.
Scrutator.