Qu'est-ce qu'"avoir" la vérité ? par Meneau 2015-08-17 00:40:13 |
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Car nous n'avons pas à prétendre "avoir" la vérité.
NOTE SUR LA POSSESSION DE LA VERITE
La prétention d'« être dans le vrai », d'« avoir la vérité » indigne beaucoup de gens qui répliquent: « C'est de l'orgueil » ou encore: « alors, tous les autres sont dans l'erreur » etc... Dans la mesure où un tel préjugé est curable, tâchons de l'éliminer par une -mise au point qui dissipe certaines confusions.
1) Penser, pour des raisons bien fondées, qu'on est dans le vrai n’est nullement un indice d’orgueil, mais - si étonnant que- cela puisse paraître à certains - d'humilité. La connaissance humaine, en effet, en tant précisément que limitée et imparfaite, ne fait pas le réel, mais doit se soumettre à lui. La vérité, c'est l'accord entre l'esprit et la chose connue. Plus l'esprit humain sera modeste et fidèle, plus il y a de chances de voir le réel (scientifique, philosophique, théologique) se découvrir à lui, grâce à une sorte d'ascèse de l'intelligence et de la volonté.
2) « Connaître la vérité », « être dans le vrai », est pris par certains de nos adversaires d'une façon tellement sotte qu'on se demande si parfois cette confusion qu'ils commettent n'est pas volontaire. Dissipons-la cependant :
a) « avoir raison », « être dans le vrai », « détenir la vérité » ne veut nullement dire ni que le philosophe ou le théologien qui affirme posséder ce privilège sait tout et ne se trompe jamais en rien, ce qui serait purement et simplement grotesque. (C'est pourtant bien ce que certains semblent se figurer !)
b) Ni que sa doctrine ne contient aucune obscurité, aucune frange d'inexplicable, ou qu'elle épuise totalement le réel dans toutes ses profondeurs. « Il y a plus de choses dans le ciel et sur la terre, Horatio, que ne peut en rêver votre philosophie » (Hamlet). Rien de plus vrai. Là encore, un dogmatique sait affirmer quand il faut, et respecter le mystère partout où il le rencontre. (Faut-il redire, pour la nième fois, que l'expression scolastique « adaequatio rei et intellectus » ne signifie nullement « correspondance absolument parfaite entre la chose et la pensée », mais rapport de conformité objectif et valable, quoique limité; aucune connaissance humaine n'est exhaustive).
c) Cela ne veut pas dire non plus qu'en dehors de la doctrine qu'on défend tout soit faux dans les doctrines adverses. Les philosophes thomistes ne songent pas du tout à contester qu'il y ait des vérités chez Berkeley, chez Kant, chez Hegel, chez Marx, chez Bergson; les théologiens catholiques ne veulent nullement nier qu'il y ait des vérités clans le protestantisme, le judaïsme, le brahmanisme. Mais la question qui se pose est tout autre. Il s'agit de savoir si ces vérités sont, si l'on peut dire à l'aise, en liberté, et chez elles dans les doctrines adverses. Or, ce que nous pensons, c'est que ces vérités n'y ont qu'un rôle partiel, fragmentaire, incomplet, qu'elles sont enrobées dans des erreurs flagrantes qui les gauchissent et en faussent la véritable portée - et qu'ainsi, ce qui domine dans une doctrine fausse et ce par quoi elle risque proprement d'être désastreuse, c'est l'esprit de cette doctrine, esprit d'erreur et de négation.
Exemples : Le judaïsme et l'islamisme insistent toujours sur l'unité de Dieu (ce qui est une Vérité), mais ils le font intentionnellement, d'une manière unilatérale, qui exclut le dogme chrétien de la Trinité - Luther insiste sur le fait que c'est la grâce seule qui justifie, et, à l'état brut, cette formule est vraie. Mais chez lui, ceci exclut l'économie catholique des sacrements, etc... De même Kant voit bien que la connaissance est active, mais il conçoit cette activité comme aveugle et fabricatrice, n'atteignant pas l'être. Marx voit bien le rôle trop souvent méconnu du facteur économique. Mais il lui donne une portée exclusive et inacceptable, etc... Tout n'est pas faux, en détail, dans les doctrines, mais l'esprit en infecte tout. Si ces vérités partielles sont recevables et assimilables, c'est à condition d'être arrachées à ces fausses doctrines (donc d'abord critique de l'erreur) et « baptisées » en quelque sorte, repensées dans une autre perspective.
3) Reste que ces prétentions, pourtant assez limitées, choquent certains. C'est qu'ils ne croient pas à la possibilité pour l'esprit humain d'atteindre le vrai avec certitude. ils sont sceptiques ou relativistes par tempérament ; mais précisément, il ne faudrait pas croire qu'il y a là comme la suprême fleur de la culture ou de l'intelligence. Il y a là, au contraire, une pure et simple anémie - (ou impuissance) intellectuelle. Le scepticisme n'est pas une position normale. L'histoire de la pensée comme la pathologie mentale y montre une dégradation de l'esprit, une impuissance à accomplir nos fonctions intellectuelles. Ceci est à corriger et à réformer par une véritable rééducation morale, intellectuelle, spirituelle. Il ne faut pas s'y enliser béatement, si on veut être vraiment homme. Certains disent en entendant quelqu'un leur exposer une doctrine déterminée. « Il dit cela; c'est son point de vue, mais un autre dirait autre chose sur la même question ». Et puis après ? Ceux qui disent cela montrent bien qu'ils sont subjectivistes jusqu'aux moelles, incapables de considérer pour lui-même le contenu d'une doctrine (point de vue de l'objet étudié, de l'être) et capables seulement de considérer le sujet qui parle (un thomiste brun ou un marxiste blond, etc.), c'est dire qu'ils renoncent à juger, à se servir de leur intelligence.
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