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Le voyage du pape en Amérique du Sud, vu par un catholique argentin
par Jean Kinzler 2015-08-07 08:34:55
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Le 15 juillet 2015, sur le site Adelante la Fe, Mario Caponnetto, médecin argentin né en 1939, docteur en philosophie, professeur à l’université Fasta (Mar del Plata), – auteur d’ouvrages sur saint Thomas d’Aquin, sur l’anthropologie et l’éthique –, donne son point de vue sur le voyage du pape François en Equateur, Paraguay et Bolivie. En voici les extraits les plus significatifs.
(…) Pour comprendre la signification de ce voyage et de ses projections sur le futur immédiat de l’Eglise dans cette partie du monde, il faut tenir compte de quatre facteurs convergents. En premier lieu, la profonde racine hispano-catholique des peuples autrefois évangélisés par l’Espagne ; en second, le récent passé religieux et politique de ce conglomérat de nations mal dénommées « Amérique latine », et qui, en réalité, ne sont que les restes du naufrage de l’Hispanité ; en troisième, le caractère général des épiscopats et des gouvernements civils locaux ; et en quatrième, la personnalité propre du pape François et la tournure qu’il a donnée à son pontificat.
1- Le premier des facteurs, la racine hispano-catholique des sociétés sud-américaines visitées par le souverain pontife, c’est, précisément, une racine profonde, fruit de cette extraordinaire et providentielle entreprise que fut la découverte, la conquête et l’évangélisation de l’Amérique. D’une manière générale, on a perdu l’authentique dimension religieuse qu’eut cette entreprise unique dans l’histoire : ce fut une geste humaine, oui, et comme toute geste humaine elle a eu ses grandeurs et ses misères, ses lumières et ses ombres ; mais ce fut surtout l’instrument choisi par la Divine Providence pour étendre le Corps mystique du Christ.
basilique-equateur
La basilique de Quito en Equateur.
C’est pour cela que ce fut une humana gesta mais surtout une gesta divina. L’Espagne a eu le privilège d’être une nation missionnaire destinée à porter la Foi à l’extrémité inconnue du monde. Par conséquent, cette racine hispano-catholique, qui est religieuse et culturelle à la fois, continue à être vivante chez ces peuples ; et cela explique l’extraordinaire phénomène de la religiosité populaire de ces nations, phénomène qui apparaît lorsqu’une circonstance agit comme détonateur.
Les voyages des papes, à partir surtout de Jean-Paul II, ont constitué ces détonateurs qui ont mis en évidence cette très noble et vieille racine malgré les féroces coups de hache administrés par le libéralisme maçonnique d’abord, et le marxisme ensuite. (…)
2- Le second des facteurs que nous avons mentionnés fait référence au récent passé de nos nations. Ce passé (nous songeons aux décennies des années soixante et soixante-dix du XXe siècle) est marqué par le phénomène de la guerre révolutionnaire lancée par le communisme international comme stratégie de domination de cette partie du monde. Cette guerre avait sa « métropole » dans l’ex-Union des Républiques Socialistes Soviétiques et sa « tête de pont » dans le Cuba de Fidel Castro. Cette stratégie dont l’existence fait l’objet d’une documentation très élaborée, a été résumée dans cette consigne : faire de la Cordillère des Andes la montagne modèle de l’Amérique latine.
Cette guerre sans pitié et cruelle qui a encouragé les mouvements de guérilla qui ont ravagé pratiquement tous les pays de l’Amérique hispanique, a eu une caractéristique jusque là inédite : l’infiltration de l’Eglise catholique en partie par le communisme ; c’est que le communisme, dans son astuce diabolique, a compris que pour gagner l’âme de tous ces peuples, il fallait, dans sa stratégie de domination, instrumentaliser l’Eglise catholique que son influence dans les strates les plus profondes de ces populations transformait en instrument de pénétration des plus puissants. 
C’est ainsi qu’ont surgi des expériences comme la « théologie de la libération » (une très grave dénaturation de l’Evangile), les mouvements chrétiens marxistes, les « prêtres du Tiers Monde » et tout un immense appareil d’infiltration et de propagande, élaboré en général dans les officines européennes, qui a donné naissance à ce que Carlos Sacheri[1] appellera si justement l’« Eglise clandestine ». C’est ainsi que, s’entrelaçant avec les mouvements de guérilla, s’est constituée une sorte d’armée de curés, de religieuses et même d’évêques, qui sous l’euphémisme « option préférentielle en faveur des pauvres », non seulement a encouragé cette guerre subversive, mais a été d’une certaine façon son avant-garde.
CARLOS_SACHERI-
Carlos Sacheri.
En Argentine, par exemple, plusieurs années avant l’avènement du gouvernement militaire (ndt : 1976 et l’instauration d’un régime autoritaire avec le général Videla) ont été assassinées des centaines de personnes, et parmi elles deux philosophes catholiques, Jordán B. Genta et Carlos Alberto Sacheri ; tous les jours se multipliaient les attentats terroristes : c’est ainsi que l’on vivait en ces années-là d’« idéalisme » guérillero et de curés révolutionnaires. C’est la vérité objective, indépendamment de ce qu’on peut trouver ici ou là des cas de clercs et de religieuses qui ont agi animés d’un authentique zèle apostolique.
Mais ce fait que nous consignons, dont la gravité n’a pas encore été reconnue et encore moins mise en valeur, a changé en profondeur la réalité de l’Eglise en Amérique hispanique. Les courants conciliaires qui soufflaient depuis Rome, la grave crise d’autorité dans l’Eglise, la confusion doctrinale et les ravages liturgiques ont été ajoutés à ce facteur local, structurant cette « pastorale latino-américaine » qui n’a pas apporté jusqu’à aujourd’hui autre chose que les fruits d’une décadence croissante de la vie catholique. Les fameux Documents de Medellín, Puebla et dernièrement Aparecida, avec leurs ambigüités, leurs formules vides et leurs faiblesses doctrinales, sont une preuve évidente de ce que nous disons.
3- Le troisième facteur, le caractère général des épiscopats et des gouvernements civils locaux, n’est que le corollaire du précédent. La guérilla armée a pris fin, les curés et les évêques pro-guérilleros ne sont plus, ou ont été appelés au silence, la phraséologie marxiste se dissimule à présent sous une rhétorique sociologique de douteuse facture ; mais les épiscopats locaux actuels (et une grande partie du clergé et du laïcat actif qui les accompagne) sont les héritiers de ces graves égarements cléricaux ; à cause de cela leur pastorale sociale a une tournure populiste marquée, elle rend un culte à la démocratie qu’elle met au dessus de la souveraineté du Christ, elle est indigéniste, elle abomine l’hispanisme catholique, elle promeut l’« inclusion sociale » et la « solidarité » comme les nouvelles idoles de la politique, elle défend l’environnement, elle exalte les droits de l’homme (toujours, sauf quand il s’agit des droits de l’homme de plusieurs centaines de militaires qui ont combattu les organisations de guérilla et qui sont maintenant soumis à des jugements iniques et meurent abandonnés dans des prisons infectes ; de ceux-là personne ne s’occupe).
Avec plus ou moins de variantes c’est le discours officiel des conférences épiscopales de cette région du monde, des épiscopats dont les caractéristiques les plus significatives font ressortir une médiocrité intellectuelle notable, sauf exceptions bien sûr. De leur côté, les gouvernements civils de ces pays, sauf quelques exceptions aussi comme le Paraguay, sont les héritiers de ces fanges des années soixante-dix recyclées dans un socialisme populiste anachronique, amalgamé étonnamment avec le progressisme des social-démocraties européennes. La relation de ces gouvernements avec les conférences épiscopales est, en général, conflictuelle, d’une conflictualité d’intensité variable, selon chaque cas, mais qui ne dépasse pas le plan simplement politique et social.
4- Enfin il y a la personne du pape François ; il est fils de cette Eglise en Amérique, il procède d’elle, il l’exprime complètement, quoiqu’il ajoute à cette matrice « latino-américaine » certains traits propres d’une personnalité autoritaire portée à l’exercice sans restriction du pouvoir qui n’admet pas de dissidences. Durant ce voyage, il a réitéré les lieux communs déjà connus de sa rhétorique verbale et gestuelle. Rien de nouveau.
En Equateur il a demandé pardon pour les crimes de la conquête espagnole, encourageant ainsi, sans nuances ni réserves, la légende noire et l’indigénisme marxistoïde de la gauche.
En Bolivie, il a encouragé les mouvements populaires avec un discours aux réminiscences des années soixante-dix qui condamne le pouvoir de l’argent, mais omet la condamnation du communisme.
Au Paraguay, au contraire, il a revendiqué l’héritage des réductions jésuites (établies chez les indiens Guaranis entre 1609 et 1763, ndlr) qu’il a proposées comme modèle d’organisation politique et sociale. Quand à Asunción il a parlé devant les représentants de la société paraguayenne, il n’a pas épargné les éloges pour tous ceux qui étaient présents qu’il a qualifiés de promoteurs du bien de la patrie ; mais il a oublié, peut-être, que dans l’assistance il y avait un représentant d’un groupe homosexuel qui réclame les « droits » des homosexuels. Représentent-ils eux aussi un apport au bien commun ? Il a également prononcé d’émouvantes homélies mariales. Un tel cumul de contradictions n’encourage que la confusion et la perplexité des catholiques.
Ainsi donc, en prenant en compte dans leur ensemble tous ces facteurs, que reste-t-il de ce voyage papal et que faut-il attendre à partir de maintenant ? Rien de bien différent de ce que nous savions déjà. François a avalisé en tout la direction que l’Eglise en Amérique hispanique a prise il y a longtemps : ni la moindre rectification de cette direction, ni la plus petite autocritique ; au contraire, il a chargé plus que jamais contre ce qu’il appelle l’Eglise de la domination, de la condamnation, du rejet, etc. (nous savons tous à qui il fait référence avec ces expressions méprisantes) et il exalté jusqu’au paroxysme une Eglise pauvre, ouverte, qui accueille tout le monde, c’est-à-dire une Eglise sans doctrine, sans engagement envers la vérité, étrangère au salut des âmes, transformée en un pur sentiment d’hospitalité humaine et de fraternité horizontale. (…)

(Source : adelantelafe, trad. française à partir de benoitetmoi – DICI n°319 du 07/08/15)
[1] Carlos Alberto Sacheri (1933-1974), philosophe thomiste argentin, disciple de l’abbé Julio Meinvielle, auteur de « L’Eglise clandestine » (1971) où il dénonce le modernisme et la théologie de la libération et défend la doctrine traditionnelle. Il fut assassiné par l’Armée révolutionnaire du peuple le 22 août 1974.dici

     

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      Merci Jean par Aigle  (2015-08-07 08:52:18)


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