Bonjour Pol,
J'espère tout d'abord que vous avez bien compris le caractère ironique de ce que j'écris, de A. à F., dans mon précédent message ; disons que j'ai essayé d'imaginer au moyen de quels faits un très bon Concile, non porteur de "l'esprit du Concile", aurait été suivi par un mauvais "après-Concile", saturé par "l'esprit du Concile".
Qu'en est-il aujourd'hui ? J'ai la conviction que, pour beaucoup, la notion d'"esprit de l'Evangile" a pris la suite de celle d'"esprit du Concile", comme une expression actualisatrice d'un état d'esprit, prend la suite de l'expression qui a constitué la dénomination originelle de cet état d'esprit, même si celui-ci est né avant l'apparition de celle-là.
Par exemple,
- l'alignement global sur la théologie partisane et promotrice du pluralisme religieux, c'est conforme à "l'esprit de l'Evangile",
mais
- l'auto-défense intellectuelle, la résistance catholique, face à la théologie partisane et promotrice du pluralisme religieux, c'est contraire, ou, en tout cas, ce n'est pas conforme, au même "esprit de l'Evangile".
"L'esprit du Concile" est porteur d'une tendance à la confusion entre christianisme catholique et eudémonisme oecuméniste,
et
"l'esprit de l'Evangile", qui en est le prolongement contemporain, est porteur d'une tendance à la réduction du christianisme catholique à ce que j'appelle un émancipationnisme unificationniste.
Ce n'est pas seulement "la même chose", actualisée, et avec plus de lettres et de syllabes, mais c'est aussi un état d'esprit qui se prête particulièrement bien à l'accompagnement humanisateur, par l'Eglise catholique (comme si c'était sa mission première !) du monde contemporain, soumis à la mondialisation sur le plan économique, sur le plan matériel, et à la postmodernité, sur le plan axiologique, sur le plan culturel.
J'ajoute enfin une remarque, sur la notion d'herméneutique ; je schématise, bien sûr, mais dans l'ensemble
- il fut un temps, une herméneutique n'était que l'actualisation d'une interprétation, au sens de : la réalisation d'une interprétation ;
- puis l'herméneutique est devenue l'actualisation d'une interprétation, au sens de : la modernisation d'une interprétation, la conformation d'une interprétation à telle mentalité ou à telle philosophie à la mode ;
- et aujourd'hui la notion d'herméneutique signifie fréquemment, dans les faits : l'utilisation d'une interprétation, afin
a) de justifier, de légitimer, une conception, une décision ou une position,
b) de minimiser les origines les plus réellement déplorables, ou les conséquences les plus réellement redoutables, constatées au contact de cette conception, décision ou position,
c) de maximiser les intentions les plus potentiellement constructives, ou les résultats les plus potentiellement positifs, attribués à cette conception, décision ou position.
Au petit jeu du : "la seule bonne herméneutique de la crise de la zone Euro consiste à dire que la zone Euro est en crise, mais aussi à dire que sans l'euro, la zone aurait été encore plus en crise", les herméneutes laissent la place aux sophistes, qui recourent à de l'indémontrable, ou à de l'invérifiable, pour avoir toujours raison.
Or, qui peut dire qu'il n'a jamais rencontré de sophistes, dans l'Eglise catholique, à propos de "l'esprit du Concile" et de "l'esprit de l'Evangile" ?
Merci beaucoup et à bientôt.
Scrutator.