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Un journaliste du Temps-CH-à Triors
par Jean Kinzler 2015-07-21 12:22:47
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Après la vie trépidante, le silence
Rémy Gogniat de retour de TRIORS

On va au monastère bénédictin de Notre-Dame de Triors, près de Valence, pour tenter de revenir à l’essentiel. Il dispose d’une vingtaine de chambres simples dans un bâtiment intégré au couvent. Et une nouvelle hôtellerie est en construction, avec plus de 30 chambres

Plongeant la main sous son scapulaire, le frère hôtelier sort un vieux portable noir qui vibre, en dégaine l’antenne et dit: «Deo gratias!»

Cette formule qui rend grâces à Dieu, formule liturgique à tout faire, sert aussi de première réponse au téléphone interne de l’abbaye. Le frère parle ensuite en français, mais c’est l’exception. Ensemble, les moines du monastère de Notre-Dame de Triors – dans le département français de la Drôme, près de Valence – ne parlent ou ne chantent qu’en latin. Aux offices. Sinon ils se taisent. Ou ne parlent qu’aux récréations.

Ici, le silence n’est ni d’or ni d’argent. Il est de règle. Comme dans tout couvent bénédictin. C’est justement pour le trouver, ce silence, pour s’y plonger et s’y ressourcer que des hôtes laïcs quittent, l’espace de quelques jours, leur vie sociale ou professionnelle, ou familiale, mais en tout cas leur vie trépidante, pour tenter de revenir à l’essentiel. Quel essentiel? Forcément Dieu? et Dieu seul? Dieu miséricordieux? Tu autem Domine, miserere nobis.

Cette supplique à Dieu d’avoir pitié de nous, elle revient aussi plusieurs fois par jour et pas seulement à l’église. A table par exemple, pour marquer la fin du repas, silencieux comme il se doit. Elle est chantée. Triors chante toute la journée. En latin – Brassens aurait été content! – et en grégorien, exclusivement. Dès potron-minet quand sonnent les matines, comme dans tous les couvents réguliers. Ce premier office, immédiatement suivi des laudes, réunit les moines à 5 heures. Ils reviendront pour prime, tierce (et la messe), sexte, none, vêpres et, à 20h30, pour les complies. Au total, cinq à six heures de présence à l’église. Tous les jours de l’année. Et toutes les années de la vie, pour cette quarantaine de moines ayant prononcé des vœux perpétuels.

Comme bien d’autres, ils font de l’accueil des hôtes une vertu cardinale. Leur monastère dispose d’une vingtaine de chambres simples (lit, table, chaises, lavabo) dans un bâtiment intégré au couvent. Une nouvelle hôtellerie est en construction, avec plus de 30 chambres, pour remplacer l’actuelle qui retournera aux besoins du monastère. «On reçoit quelque 500 hommes par année, pour deux ou trois jours, ou un peu plus», explique le frère hôtelier. Pas besoin d’exhiber à l’entrée un acte de baptême catholique. Les hôtes sont simplement invités à partager les offices principaux et à respecter le silence et l’austérité convenue. Des pèlerins s’arrêtent pour une soupe et une nuit, en chemin vers Compostelle. Des étudiants amènent leurs livres pour deux ou trois jours, avant des examens. Sinon, ce sont surtout des hommes engagés dans la vie paroissiale, qui veulent approfondir leur foi, ou réfléchir à des choses laissées en plan dans leur vie.

Les chambres étant à l’intérieur du couvent, on n’y croise évidemment pas de femmes! Mais le monastère en reçoit aussi plusieurs centaines par année, seules ou avec leur famille, logées hors de la clôture, dans une maison près de l’église. Celle-ci leur est ouverte. Mais pas le réfectoire avec les moines. «Pas de problème!» dit Annie Laurent, de Marseille, 66 ans, journaliste, conférencière spécialiste de l’islam et du Liban. «Je vais trois ou quatre fois l’an à Triors. Cette communauté, très fraternelle, c’est mon port d’attache. Je n’ai pas besoin de manger dans le réfectoire des moines pour me sentir proche d’eux. J’y vais pour le recul, la réflexion, la prière.»

Le cadre lui convient parfaitement, même s’il ne comprend ni voûtes romanes ni vieilles pierres aux épaisseurs historiques. La communauté n’existe que depuis 1984. Elle a construit une grande église, élégante et sobre, au calme, hors du village, à côté d’un château du XVIIe siècle que lui a légué une demoiselle en fin de haut lignage. Malgré ses murs décrépits, la bâtisse a encore ses allures de Versailles. Le cloître et des bâtiments adjacents relient les deux édifices. Le domaine comprend de la forêt à exploiter, une ferme avec du bétail, des vergers et des jardins. De quoi reposer l’esprit par la fatigue du corps et contribuer à nourrir la communauté, hôtes compris.

Laurent Sugy, 43 ans, est un de ces hôtes. Marié, père de quatre enfants, actif dans les assurances, il a hésité à s’engager dans les ordres, à 20 ans. «Je n’habite pas loin de Triors. J’y effectue une retraite d’un week-end deux fois l’an avec des amis.» Il pratique toujours le scoutisme, qui répond bien à son besoin d’authenticité et de vie intérieure. «Je viens à Triors pour le silence, mais aussi pour y vivre la liturgie, donnée par l’Eglise. On ne peut pas dévier du chemin quand on prie avec la liturgie, notamment celle des heures.» Est-il un croyant béton? Il rigole, parlant avec simplicité, sans porter sa foi comme un ostensoir! «J’ai la chance d’avoir de solides balises sur ma route. Elles m’enrichissent. Une parabole de l’Evangile dit qu’il sera beaucoup demandé à ceux qui ont beaucoup reçu. Je dois donc beaucoup donner.»

La liturgie des heures et les offices, à Triors, sont surtout appréciés parce que les moines pratiquent le rite tridentin, qui date du concile de Trente (1545). Il a été en vigueur dans l’Eglise jusqu’en 1962, puis réintroduit en 2007 comme forme extraordinaire du rite romain. Le monastère de Triors prie donc à l’ancienne, mais il faut souligner qu’il respecte totalement la doctrine de Vatican II. Précision utile pour ne pas confondre ces bénédictins avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X, à Ecône.

«Par son sens du sacré, cette sensibilité tridentine souligne que la forme appartient aussi au fond», explique Johan Gadd, 62 ans, 6 enfants et 10 petits-enfants, habitant le nord de la Drôme et hôte occasionnel de Triors. Pour ce conseiller de personnes en entreprise, «la forme aide à la révélation du sacré. Bien sûr qu’il y a risque de rigidité quand on ne soigne que la forme. C’est le fait de gens qui ont peur d’être libres. La foi est un acte de liberté pour lequel on a besoin de règles sur lesquelles on peut s’appuyer.»

Que recherche-t-il à Triors? «Justement: cette force de la forme. Pour m’aider dans mes faiblesses.» Lesquelles? Petit temps d’arrêt devant l’insistance de la question. Puis: «Je dois travailler sur la persévérance. Grâce à des règles structurantes, grâce à une unification avec les lieux mêmes. Heureusement qu’on en a encore.»

Structure toujours, pour un autre interlocuteur. C’est un jeune officier français, militaire de carrière, marié, trois enfants, qui souhaite garder l’anonymat pour protéger sa famille. Il a passé six mois en Afghanistan et s’apprête à repartir en mission. A Triors, le rythme des offices des heures a résonné en lui comme un fonctionnement essentiel: «Ces hommes gardent un cap avec la conscience et la confiance que l’imprévu peut prendre place dans l’organisé. Tout n’est pas à régler dans l’instant, l’essentiel et le reste. On peut prioriser, et s’abandonner au fait que l’accessoire pourra être résolu plus tard. Les moines ont l’humilité d’accepter qu’on ne puisse pas tout contrôler tout de suite. Ils ne se découragent pas, ne renoncent pas, restent dans la ligne.»

Comment concilie-t-il morale chrétienne et possibles exigences militaires ultimes? «Mon éthique professionnelle m’interdit ce genre de commentaires en public. Je dirais toutefois que mes engagements personnels ne sont pas remis en question dans mes missions. Ils m’apportent un nouvel éclairage et renforcent mes réflexions menées avant mon entrée au service du pays.»

A côté de ces sacrés à-coups que la vie monastique peut provoquer dans le cœur et l’esprit des visiteurs demeure l’exemplarité de certains humbles faits et gestes quotidiens. Ainsi la vaisselle après les repas. Elle réunit une quinzaine de moines et les hôtes de passage. Pendant les quelques jours que j’ai vécus à Triors, j’ai assisté un matin à une messe solennelle que le père abbé, qui a rang d’évêque, a présidée avec mitre et crosse. Je l’ai revu après le dîner, avec tablier et torchon, à la plonge derrière une pile de casseroles!Le Temps

     

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