Comme vous dites, rien ne remplace l'original, surtout quand il s'agit d'un texte littéraire, où à l'ambition littéraire, ce qui n'est pas forcément la même chose, et, plus généralement, dans la pratique scientifique, une citation non-originale n'a aucune valeur.
Mais bien entendu, je le comprends bien, dans un forum comme celui-ci, où les intérêts des intervenants sont très divers, et par conséquent aussi leurs connaissances, ce qui est parfaitement légitime, il faut se modérer un peu. Dans ce sens, je voudrais que mon post fût plutôt interprêté comme un ajout d'information au vôtre, et non pas comme une critique.
Mais vous m'aviez bien compris.
Traduisant de temps en temps moi-même, je connais les dangers du métier, et je me méfie. Personnellement je ne lis rien dans une traduction si je ne suis pas capable de lire aussi l'original. Quitte à se priver de certaines choses, mais on ne peut pas tout faire dans une vie. Ainsi, malgré les insistences de certains amis, je me suis résigné à ne rien lire de japonais ou de chinois, et en général d'asiatique oriental, car je n'ai pas appris ces langues et je ne le ferai jamais, faute de temps. À mon âge, passé la cinquantaine, j'en ai fait l'expérience, on apprend beaucoup plus difficilement les langues, que quand on est enfant ou adolescent. Heureusement que, le hasard et l'histoire de notre famille assez multinationale aidant (cinq langues, quatre passeports), je n'ai pas perdu mon temps, quand c'était tempus acceptabile. Le kairos comme disent les Grecs, il faut dire καιρός bien sûr. Mais ce temps est désormais révolu.
Et je ne suis pas sûr que la plaisanterie d'Antoine Meillet, un de vos hellénistes et germanistes et slavistes éminents, mais vraiment éminents, à un de ses étudiants, soit tout à fait avérée, quand il disait : "Il n'y a que les dix premières langues qui coûtent un peu, après ça va tout seul."
(Mais il parlait de l'indo-européen, et là c'est en effet différent).
Antoine Meillet eut le courage de dédier un de ses livres à deux de ses étudiants, l'un allemand, l'autre français, tombés l'un et l'autre "pour leur patrie" pendant la Grande Guerre. Cela mérite le respect, et on devine le chagrin du Maître.
Meillet maîtrisait parfaitement la langue de Goethe, qui est aussi la mienne.
Quant aux Commentarii du pape Piccolomini (sa tombe, avec celle du pape Pie III, son neveu, a été transférée à la basilique Sant'Andrea della Valle à Rome, très belle, et très populaire, on y trouve toujours des mélomanes qui cherchent, en vain, la cappella Attavanti, cela m'amuse, j'y vais toujours pour prier Saint André Avellino, au transept droit), ne désespérez pas : il existe une édition récente des quatre premiers livres, en deux volumes, de 2003 et 2007, avec une traduction en anglais, dans la série The I Tatti Renaissance Library, chez Harvard ICI, conçue un peu comme une série Loeb de textes renaissance. Destinée à être poursuivie et complétée, cinq volumes en tout.
C'est bien honorable.
Les Studi e Testi de la librairie vaticane l'ont édité aussi, début des années 1980, dans un gros volume, mais je ne l'ai pas devant moi ici, j'ignore s'il est complet.
Quant à ses sottises de jeunesse, vous savez qu'il a dit: Aeneam reiicite, Pium suscipite.
Je veux bien lui faire cas.