III. Les effets du péché mortel
Dieu a voulu que la loi eût une sanction, que le bonheur fût, en fin de compte, la récompense de la vertu, et la souffrance le châtiment du péché. En voyant donc les effets du péché, nous pourrons juger, dans une certaine mesure, de sa culpabilité.Or nous pouvons les étudier en cette vie ou dans l'autre.
719. 1° Pour nous rendre compte des redoutables effets du péché mortel en cette vie, rappelons-nous ce qu'est une âme en état de grâce : en elle habite la Très Sainte Trinité, qui y prend ses complaisances, et l'orne de ses grâces, de ses vertus et de ses dons, sous l'influence de la grâce actuelle, ses actes bons deviennent des actes méritoires de la vie éternelle ; elle possède la sainte liberté des enfants de Dieu, participe à la force, à la vertu de Dieu, et jouit, à certains moments surtout, d'un bonheur qui est comme un avant-goût du bonheur céleste. Or que fait le péché mortel ?
a) Il chasse Dieu de notre âme, et puisque la possession de Dieu est déjà une anticipation du bonheur céleste, sa perte est comme le prélude de l'éternelle réprobation : perdre Dieu, n'est-ce pas perdre en effet tous les biens dont il est la source ?
b) Avec lui, nous perdons la grâce sanctifiante, qui faisait vivre notre âme d'une vie semblable à celle de Dieu ; c'est donc une sorte de suicide spirituel ; et, avec elle, nous perdons ce glorieux cortège de vertus et de dons qui l'accompagnait. Si, dans son infinie Miséricorde, Dieu nous laisse la foi et l'espérance, ces vertus ne sont plus informées par la charité, et ne sont là que pour nous inspirer une crainte salutaire et un désir ardent de réparation et de pénitence ; en attendant, elles nous montrent le triste état de notre âme, et excitent en nous des remords cuisants.
720. c) Nous perdons aussi nos mérites passés, accumulés par des efforts nombreux ; nous ne pourrons les retrouver que par une laborieuse pénitence, et, tant que nous demeurons en état de péché mortel, nous ne pouvons rien mériter pour le ciel. Quel gaspillage de biens surnaturels !
d) Il faut y ajouter l'esclavage tyrannique que désormais le pécheur doit subir : au lieu de cette liberté dont il jouissait, le voilà devenu l'esclave du péché, des passions mauvaises qui se trouvent déchaînées par la perte de la grâce, des habitudes qui ne tardent pas à se former avec les rechutes si difficiles à éviter ; car « quiconque fait le péché est l'esclave du péché, omnis qui facit peccatum servus est peccati » (Joan., VIII, 34). Alors s'affaiblissent graduellement les forces morales, les grâces actuelles diminuent, le découragement et parfois le désespoir surviennent ; c'en est fait de cette pauvre âme si Dieu, par un excès de Miséricorde, ne vient par sa grâce la retirer du fond de l'abîme.
Source : Précis de Théologie Ascétique et Mystique de Tanquerey, Desclée and Co, 1923
Que Jésus Miséricordieux vous bénisse
ami de la Miséricorde