C’est un événement d’envergure nationale : ce samedi 23 mai, l’ancien archevêque du Salvador, Mgr Oscar Romero, assassiné en 1980, sera béatifié lors d’une cérémonie en grande pompe, en présence de quatre chefs d'Etat. Plus de 200 000 personnes devraient y assister. Une preuve, s'il en fallait, que les Salvadoriens n’ont pas oublié « l’archevêque des pauvres et des sans voix », icône dont la mort fut le prélude d'une guerre civile qui allait durer 12 ans au Salvador.

Depuis plusieurs jours, la capitale salvadorienne vit dans un climat de fête, et le visage de ce religieux, déjà une idole dans une large partie du pays, s'étale sur de grandes affiches dans les rues principales de la ville. Son visage s’affiche sur les murs, les t-shirts, les porte-clés ou encore les tasses vendues dans la rue. Plus de 35 ans après sa mort violente, Oscar Arnulfo Romero reste une icône pour beaucoup de Salvadoriens.

La crypte de l'archevêque, située au sous-sol de la cathédrale de San Salvador, est recouverte de fleurs apportées par les fidèles. Ce prêtre conservateur avait consacré sa vie au sacerdoce et avait été nommé archevêque de Salvador en 1974. Mais en 1977, après l’assassinat de son ami, le père jésuite Rutilio Grande, Mgr Romero commence à dénoncer les meurtres politiques, les exactions et l’injustice sociale. Ses paroles le mettent alors en conflit avec le gouvernement conservateur, mais aussi avec l’Eglise. Il reçoit plusieurs menaces de mort.

Un modèle pour le pape François

Le 24 mars 1980, alors qu’il célèbre une messe, Oscar Romero est abattu d’une balle. L’assassin n’a jamais été retrouvé, mais un rapport de l’ONU désigne comme commanditaire Roberto D’Aubuisson, leader d’extrême droite mort en 1992. La répression lors des funérailles de Mgr Romero le 30 mars 1980 déclenche une guerre civile qui durera douze ans.


« Le pape François a désiré personnellement que la cause de la béatification de Mgr Romero soit débloquée et avance rapidement. Avec cela, le pape François reconnaît l'archevêque Romero comme un évêque modèle qui représente une Eglise pauvre, pour les pauvres. Telle est la déclaration programmatique que le pape François a fait peu de jours après son élection. Il désire une Eglise pauvre, pour les pauvres, qui s'engage pour la justice, pour les droits humains. Et l'archevêque Romero, pour lui, évidemment, est un modèle d'une Eglise engagée dans ce sens », explique Martin Maier, théologien jésuite allemand, auteur d'une biographie de l'ecclésiastique salvadorien.

Le souverain pontife a permis de surmonter les résistances des prélats conservateurs qui refusaient de reconnaître la condition de martyr de la foi à Mgr Romero. La cérémonie, à laquelle participeront ce samedi six cardinaux, plus de 100 archevêques et évêques et quatre présidents d'Amérique latine (Salvador, Honduras, Equateur, Panama), débutera à 10 h heure locale. Elle sera présidée par le cardinal Angelo Amato, envoyé spécial du pape François et préfet de la Congrégation pour les causes des Saints.

Un symbole d'espoir pour le Salvador

La béatification de Mgr Romero est doublement symbolique. D’une part, l’Eglise catholique reconnaît ainsi un prêtre qui, même s’il n’était pas adepte de la théologie de la libération, s’est battu pour les pauvres, pour le respect des droits de l’homme et contre la répression militaire. D’autre part, les Salvadoriens voient en ce martyr un espoir de paix et d’unification pour le pays, décrypte notre correspondant dans la région Patrick John Buffe.

Car le Salvador, qui a vécu dans le sang entre 1980 et 1992, est confronté depuis plusieurs années à un nouveau conflit interne qui l’a plongé dans une spirale de la violence imparable. Une violence engendrée par la présence des maras, ces gangs de jeunes qui non seulement se livrent une guerre sans merci, mais qui terrorisent, rackettent et assassinent les Salvadoriens.

Le pays enregistre une moyenne de 16 homicides par jour, ce qui en fait l’un des Etats les plus violents au monde. Face à cette situation, nombreux sont les habitants qui croient que la béatification d'Oscar Romero, déjà considéré comme un saint par les Salvadoriens, contribuera à mettre un terme à cette violence et permettra au pays de changer enfin.




RFI

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