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L’homme de la sainte messe
par Vianney 2015-05-15 18:38:58
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Nous l’avons toujours connu averti de la mort : il vivait de la foi, il vivait dans une fatigue physique continue et souvent extrême. C’est une grâce précieuse que ce monitum incessant. Mais nous étions tant habitués à voir s’élever de cet homme épuisé un travail régulier, ordonné, paisible. Nous ne pensions pas au prix qu’il coûtait à sa vie fragile. Il a eu l’immense bonheur d’aller jusqu’au bout, de donner à sa mission de Frère prêcheur le couronnement de son dernier livre, l’achèvement soigné de son dernier article pour Itinéraires. Pour Notre Seigneur et pour lui, l’œuvre était terminée, et le juste Juge n’avait plus qu’à donner la récompense. Son serviteur avait encore une fois accompli sa mission habituelle de Lorraine et de Paris, il rentrait pour mourir chez les religieuses, dans l’école qu’il aimait, où il était tant aimé et vénéré. Mais pour elles, et pour nous tous, l’œuvre, moins que jamais ne nous semble achevée : nous pleurons une voix, une plume irremplaçable et nous répétons la simple et terrible pensée d’Henri Rambaud : « Il est de l’essence des œuvres humaines d’être interrompues. » Nous disons avec Itinéraires : « Comment ferons-nous sans lui ? »

S’il faut, en le pleurant, l’appeler d’un titre principal à notre désolation, nous le nommons : l’homme de la sainte messe.

C’est lui, le premier, et dans le jaillissement d’une forme parfaite, définitive, qui a professé l’absolu attachement à l’unique messe de la seule tradition.

Chaque jour, quand nous l’avons gardé à la Péraudière, sa messe pressait, oserai-je dire, les cœurs, les pensées, les volontés des petits et des grands vers le Rédempteur.

Mais un soir, où la messe était à cinq heures en automne, j’avais parlé à tous les enfants, plus précisément, de la beauté du saint sacrifice. Nous l’attendions maintenant à la chapelle. L’ornement était blanc. Le Père était parfois, avant la messe, un peu nerveux à la sacristie, les jours de grande fatigue. Quand il entrait pour le saint sacrifice, c’était l’homme transfiguré. Ce soir-là, pourquoi, avant le premier signe de croix et ce salut dominicain si gracieux à l’autel, se tourna-t-il vers les enfants pour leur dire, avec une expression qui n’était pas de la terre : « Je viens à vous, sous ces ornements, mes enfants, parce que je ne suis plus moi-même, je suis revêtu de Jésus-Christ, pour Le consacrer dans son sacrifice, en son propre nom. »

Et il dit la messe. Quand ses mains si distinguées élevèrent la divine hostie, un rayon de notre soleil d’automne (auquel il reprochait parfois, en homme du Midi, plaisamment, sa pâleur) vint éclairer les deux mains aussi blanches que les espèces de la sainte victime. La vision en resta dans les cœurs.

Une autre apparition : le jeudi saint chez nous, où son épuisement devait être extrême, au lavement des pieds des douze (entre sept et dix ans), une joie vive, grave, anima son visage et ses gestes, on l’eût dit plein de vigueur ; il fit le service du Seigneur, comme le Seigneur ; il voulut laver les deux pieds et aussi les mains (ainsi, nous dit-il, doit faire un Frère prêcheur) et, si peu symboliquement, que les serviettes se succédaient, offertes par les acolytes pour cet humble office réellement accompli.

Le lendemain, nous le vîmes, et nous ne l’oublierons jamais, au découvrement de la Croix, transfiguré de compassion pour son Sauveur, debout, montrant l’un après l’autre les membres crucifiés. Le lundi de Pâques, il n’avait plus la force de marcher.

Encore une vision : au chapelet des grands, le soir, à la chapelle, une petite homélie de pure tendresse à la Sainte Vierge : « Voyez mes enfants, le chapelet, c’est surtout un moment que l’âme vient passer avec Elle. »

Luce Quenette, Parmi nous, dans le n° 206 de la revue Itinéraires (septembre-octobre 1976).
 

     

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