Né en 1892, le cardinal hongrois Mindszenty est mort en exil il y a quarante ans, le 6 mai 1975.
Lors de sa nomination comme évêque en 1944, il déclarait : “Je veux être un bon pasteur qui, s’il le faut, donnera sa vie pour son Église, pour sa patrie.” Ce n’étaient pas des paroles en l’air. Ordonné prêtre en 1915, il fut plusieurs fois arrêté sous le régime communiste de Béla Kun. Ayant protesté avec trois évêques contre les mesures antisémites portées par les nazis hongrois, il subit une nouvelle incarcération qui dura jusqu’à l’invasion soviétique, à Pâques 1945. La même année, le pape Pie XII, qui l’appréciait, le nomma archevêque d’Esztergom (primat de Hongrie) et l’éleva au cardinalat l’année suivante.
Pendant sa détention par les nazis, l’évêque avait approfondi sa connaissance du communisme. De Lénine, il citait ce blasphème satanique : “Toute idée de Dieu est une objection indicible, un immonde crachat qu’on se lance soi-même à la figure.” Aussi, en 1948, au lendemain de Noël, le pouvoir communiste arrêtait le courageux défenseur de la foi et du bon droit, l’inculpait de haute trahison, le torturant et détruisant en partie son psychisme.
Près de 8 ans plus tard, les insurgés de Budapest délivrèrent des geôles communistes celui qu’ils considéraient à juste titre comme un héros national. Délivrance de courte durée, car l’armée soviétique renversa le gouvernement du communiste dissident Imre Nagy et ramena la terreur. Bien inspiré, Nagy profita de ses derniers instants de liberté pour envoyer au cardinal un chauffeur qui le conduisit à l’ambassade des États-Unis. L’archevêque devait y rester quinze ans, protestation vivante contre la tyrannie inhumaine et témoin toujours fidèle de l’Église.
Ensuite, Paul VI manœuvra pour l’amener à Rome, tout en lui affirmant : “Tu es et tu resteras Archevêque d’Esztergom et Primat de Hongrie.” Cependant, à l’insu du cardinal, le Vatican avait promis qu’il “n’entreprendrait ni ne dirait rien à l’étranger qui pût déplaire au régime communiste hongrois”. Or, malgré ses 79 ans, le valeureux Primat estimait de son devoir de prêcher la fidélité aux quinze cent mille hongrois dispersés dans le monde. Il commença bientôt ces voyages qui lui attirèrent de si justes sympathies, mais aussi la haine accrue du pouvoir communiste qui fit pression sur Paul VI. Celui-ci, tout à sa désastreuse “ostpolitik”, finit par demander la démission du cardinal, ce que ce dernier refusa, ne voulant pas contribuer à la “légitimation des conditions ecclésiastiques catastrophiques” en Hongrie.
À cela Paul VI répondit que “le siège archiépiscopal d’Esztergom serait déclaré vacant”. Le 5 février 1974, le Vatican annonça que Mgr Mindszenty était écarté du siège archiépiscopal d’Esztergom. Comme certaines agences de presse laissaient entendre que le cardinal avait pris volontairement sa retraite, celui-ci rétablit la vérité en déclarant entre autres que la Hongrie et l’Église catholique hongroise n’étaient pas libres, le régime communiste décidant “qui doit occuper les postes ecclésiastiques et combien de temps les occupants doivent rester à leur poste”. Ce fut le début d’un nouvel et dernier exil, en Autriche.
Devant cette vie héroïque, on songe à la parole de Notre-Seigneur : “Estimez-vous heureux lorsqu’on vous insultera, persécutera, calomniera de toute manière à cause de moi. Oui, soyez heureux, car dans le Ciel votre récompense sera magnifique.”
V.