L’une des idées les plus saugrenues que j’ai entendue est que la "nouvelle messe" serait comparable au "sacrifice de Caïn" alors que "l’ancienne messe" serait comparable au "sacrifice d’Abel".

Certes, la "forme extraordinaire" met plus en évidence le caractère sacrificiel de la messe, mais cela ne veut pas dire que ce caractère sacrificiel est absent de la "forme ordinaire". Les deux formes étant reconnues par l’Église, il va de soi que dans les deux cas il nous faut y reconnaître le sacrifice de la Croix qui se perpétue sur les autels.

Or, le sacrifice de la Croix est le seul qui fut vraiment agréable à Dieu, et la messe perpétue ce sacrifice au long des siècles. Que la messe soit célébrée dans la forme ordinaire ou extraordinaire, dans un rite romain ou un rite oriental, si la messe est valide il y a, non seulement conversion du pain et du vin en Corps et Sang du Christ mais, dans le même temps, un renouvellement du sacrifice de la croix. C'est toujours essentiellement le même sacrifice qui est offert : celui de la Croix.

Donc, le fait de comparer la "nouvelle messe" (qui est le sacrifice de Notre-Seigneur qui se perpétue) au sacrifice de Caïn constitue, en quelque sorte, un blasphème.

S’il y a un sacrifice qu’il faut comparer à celui de Caïn, ce n’est pas dans la messe elle-même qu’il faut le chercher mais dans notre propre collaboration au sacrifice en raison de nos manques de dispositions intérieures, en particulier notre manque de charité.

Pour valider cette position, il suffit de s’en remettre à l’autorité d’un Père et Docteur de l’Église : Saint Augustin.

En effet, Saint Augustin affirme, dans son Commentaire de la Première Épître de saint Jean : "Il n’y eut pas de charité en Caïn; et s’il n’y avait pas eu de charité en Abel, Dieu n’eût pas agréé son sacrifice. Tous deux ayant offert un sacrifice, l’un des fruits du sol, l’autre des petits de ses brebis, pourquoi, à votre avis, mes frères, Dieu a-t-il dédaigné les fruits de la terre et agréé les petits des brebis ? Dieu n’a pas regardé aux mains, mais il a vu dans le cœur. Voyant que l’offrande de l’un s’accompagnait d’envie, il détourna les yeux de son sacrifice. Donc, ce que Jean appelle les bonnes œuvres d’Abel, ce n’est rien d’autre que la charité; et ce qu’il appelle les œuvres mauvaises de Caïn, ce n’est rien d’autre que la haine contre son frère."

Dans ce même commentaire, Saint Augustin affirme que c’est la charité, et non l’accomplissement de rites extérieurs, qui distingue les fils de Dieu des fils du diable : "Ils peuvent bien tous se signer du signe de la croix du Christ; tous répondre : Amen; tous chanter : Alleluia; être tous baptisés, entrer dans les églises, bâtir les murs des basiliques, les fils de Dieu ne se discernent des fils du diable que par la charité."

Source : Saint Augustin, "Il n'y a qu'un amour". Commentaire de la Première épître de saint Jean, Éditions du Cerf, Paris, 2008, collection "Trésors du Christianisme, 126 pages.

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