1- Un rayon de miel :
Après sa résurrection, Notre-Seigneur demanda à ses apôtres s’ils avaient de quoi manger. «Ils lui offrirent un morceau de poisson grillé [et un rayon de miel]» (Lc, 24, 42). Ce rayon de miel ne figure pas dans la plupart des traductions récentes de la Bible. Néanmoins, il est présent dans plusieurs manuscrits et nous pouvons le considérer important en raison de l’interprétation qu’en donnèrent les Pères de l’Église.
2- Certaines versions :
- La TOB mentionne dans une note de bas de page : « Certains manuscrits récents ajoutent : et un rayon de miel. »
- La Bible de Crampon mentionne dans une note de bas de page : « La Vulgate porte en plus : et favum mellis. »
En effet, « très nombreux sont en effet les manuscrits, les versions et les témoignages patristiques qui ajoutent un rayon de miel à la portion de poisson. Or, l’on sait que sur les tables de communion de l’Antiquité figurait souvent à côté du pain et du vin, du poisson et du miel. Comme le miel était aussi considéré comme nourriture paradisiaque, une connotation eschatologique ne doit pas être écartée ». ( Source )
3- Le miel dans la Bible
Le miel et les abeilles sont fréquemment mentionnés dans la Bible. La Terre promise est décrite comme « un pays ruisselant de lait et de miel » (Ex 3, 8). Le patriarche Jacob envoya comme présent à son fils Joseph en Égypte : « un peu de baume et un peu de miel, des aromates, de la myrrhe, des pistaches et des amandes » (Gn 43, 11). Jean-Baptiste, avec son vêtement de poil de chameau, se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage » (Mc 1, 6). Il ne faut donc pas trop s’étonner d’apprendre que Notre-Seigneur lui-même mangea du miel.
On retrouve, chez saint Thomas d’Aquin, dans sa Glose continue des Évangiles, La chaîne d'or (élaboré à partir des écrits de Pères grecs et latins), ce qui suit :
S. Grégoire de Nysse (disc. 1 sur la résurrection) : « La loi prescrivait qu’on mangeât la pâque avec des laitues amères, parce que c’était encore le temps de l’amertume, mais après la résurrection, cette amertume est adoucie par un rayon de miel : « Et ils lui présentèrent un morceau de poisson rôti, et un rayon de miel. »
S. Bède le Vénérable: « Dans le sens figuré, ce poisson grillé représente Jésus-Christ dans sa passion, il a daigné, en effet, vivre caché dans lés, eaux du genre humain, il s’est laissé prendre dans les filets de notre mort, il a été comme brûlé par la tribulation au temps de sa passion, mais il est devenu pour nous un rayon de miel après sa résurrection. Ce rayon de miel représente la double nature de sa personne, car le rayon de miel repose dans la cire, et ce miel dans la cire, c’est la divinité dans l’humanité. »
Théophile : « Ces aliments ont encore une autre signification mystérieuse. En mangeant un morceau de ce poisson grillé, il veut nous représenter qu’il a purifié par le feu de sa divinité notre nature qui nageait dans la mer de cette vie ; qu’il a desséché l’humidité qu’elle avait contractée au milieu de ces eaux profondes et qu’il en a fait ainsi une nourriture divine, et que d’un aliment abominable, elle est devenue une nourriture des plus agréables à Dieu, ce que figure le rayon de miel. Ou encore, le poisson grillé est la figure de la vie active qui consume notre humidité par le feu du travail, tandis que la contemplation se trouve représentée par le rayon de miel à cause de la douceur ineffable de la parole de Dieu. » ( Source )
4- Préfiguration chez Samson
« Quant à la singularité des actes de Samson, ils ne trouvent leur dernière et complète explication que dans un sens plus élevé, étant destinés à prophétiser la vie et les mystères du Sauveur, ainsi qu'il le figurait déjà par sa naissance et sa condition. Tout le monde sait comment Samson fit l'essai de sa force musculaire contre un lion, qu'il déchira de ses mains et mit en pièces, comme il aurait fait d'un chevreau; le miel sauvage et l'essaim d'abeilles qu'il trouva, quelque temps après, dans la gueule du lion, dont les ossements étaient déjà desséchés, et le secret gardé, même avec ses parents, sur l'origine de ce rayon de miel… ». ( Source )
Il est certainement possible de voir dans le combat entre Samson (le vainqueur) et le lion (qui fut vaincu), le duel qui eut lieu entre Notre-Seigneur (le vainqueur) et la mort (qui fut vaincue). Dans les deux cas, la victoire est savourée en savourant du miel !
5- Dans la liturgie
Dans une ancienne liturgie papale, « le pape communie encore à l'autel le Vendredi saint, tant par respect pour la passion que parce qu'alors il célèbre pour ainsi dire les funérailles de Jésus-Christ. Alors, et alors seulement, il communie seul, parce que, lors de la passion du Christ, tous les disciples s'étant enfuis, Jésus resta seul. Mais les autres prélats ne font pas de même; ils communient à l'autel, parce qu'ils ne représentent pas d'une manière aussi particulière le Christ, chef de l'Église. Or, les ministres présentent au pontife l'hostie et le calice, parce que les apôtres offrirent au Christ un morceau de poisson grillé et un rayon de miel. Le morceau de poisson grillé c'est le corps du Seigneur crucifié, qui fut comme grillé sur l'autel de la croix. Le rayon de miel est le sang du Christ, dont la douceur surpasse le miel et le rayon qui le contient, au goût de l'âme qui aime. Tous deux communient de la main du pape, parce que les apôtres communièrent de la main du Christ. » ( Source )
Non seulement le miel, mais également les abeilles qui le produisent, sont intimement liés au mystère de la Résurrection. En effet, dans la célébration de la Vigile pascale (dans la forme extraordinaire du rite romain), le chant de l’Exultet mentionne l’œuvre admirable des abeilles : « Aussi, en cette nuit de grâce, recevez, Père saint, cette flamme comme un sacrifice du soir que la sainte Église vous offre par les mains de ses ministres en vous présentant solennellement ce cierge, œuvre des abeilles. Mais déjà nous connaissons les louanges de cette colonne qu’en l’honneur de Dieu un feu éclatant fait briller. Lequel, quoique divisé en parties, ne souffre aucune diminution en prêtant sa lumière. Car il se nourrit de cires fondantes, que la mère abeille a produites pour former la substance de ce précieux flambeau ».
6- Le mystère de l’Église
Les abeilles (symbole des croyants) peuvent également éclairer notre compréhension du mystère de l’Église, par opposition aux guêpes (symbole des hérétiques). «Les guêpes comme les abeilles ont leurs rayons, dit Tertullien, (liv. IV contre Marcion), et, bien qu'elles paraissent les imiter parfaitement dans la construction de leurs cellules, elles n'habitent cependant pas comme elles dans la même maison, parce que, méconnaissant l'unité, elles manquent de ruches, et conséquemment n'ont pas de miel à y déposer ; et quoiqu'elles se soient donné beaucoup de peine pour composer leur rayon en joignant les cellules aux cellules, on ne laisse pas que de le trouver constamment vide, sec et sans miel. Mais le rayon qui renferme le miel ne se rencontre que dans la ruche de l'Église; c'est ce rayon que les apôtres offrirent à Jésus-Christ après sa résurrection avec une portion de poisson rôti, et dont il est écrit dans le Cantique des cantiques, ch. iv : « J'ai mangé le rayon avec le miel; » c'est ce rayon que les saints martyrs devaient former au milieu de la fureur des persécutions, comme le figurait ce rayon de miel trouvé par Samson dans la gueule du lion. Le rayon de l'Église est, en effet, tellement rempli qu'il déborde, tellement riche et surabondant de dons spirituels, qu'il se répand avec profusion.» ( Source )
7- Enfin
La mention du rayon de miel que les apôtres donnèrent à manger au Seigneur ressuscité nous rappelle la douce consolation de la Résurrection. Il est bon de la méditer en ce temps pascal !