La Glose. Après le récit de la condamnation de Jésus vient naturellement celui de son crucifiement : " Or, comme ils l’emmenaient, ils prirent un certain Simon de Cyrène qui revenait des champs et le chargèrent de la croix, la lui faisant porter après Jésus. " —
S. Aug. (De l’acc. des Evang., 3, 10.) Saint Jean raconte que Jésus portait lui-même sa croix, ce qu’il faut entendre du moment où il sortait pour aller au lieu dit du Calvaire, et que dans le chemin, ils requirent Simon pour la porter jusqu’à ce lieu. —
Théophyl. Personne, en effet, n’eût consenti à porter la croix, qu’on regardait comme un bois infâme et maudit, c’est pour cela qu’ils imposèrent à Simon l’humiliation forcée de se charger de cette croix que tous les autres refusaient de porter. Ainsi fut accomplie la prophétie d’Isaïe : " Il portera sur ses épaules le signe de sa puissance. (Is 9.) En effet, sa croix est vraiment le signe de sa puissance, et c’est à cause de sa croix que Dieu l’a élevé si haut. (Ph 2.) Vous voyez les uns porter comme marque de leur dignité un riche baudrier, les autres une tiare ou un diadème ; quant au Sauveur, la marque de sa dignité, c’est sa croix. Et si vous voulez bien y réfléchir, vous verrez que Jésus n’établit en nous son royaume que par les souffrances ; aussi ceux qui recherchent les délices de la vie sont ennemis de la croix de Jésus-Christ.
S. Ambr. Jésus portant sa croix, est comme un vainqueur qui porte déjà le trophée de sa victoire ; la croix est placée sur ses épaules, soit en effet qu’il l’ait portée lui-même, ou que Simon en ait été chargé, c’est toujours le Christ qui la porte dans l’homme, de même que l’homme la porte dans la personne du Christ. Il n’y a point ici de contradiction dans le récit des évangélistes, puisque la signification mystérieuse est la même. L’ordre de notre progrès dans la perfection demandait que Jésus dressât d’abord lui-même le trophée de sa croix, et qu’il le transmît aux martyrs pour le porter après lui. Or, ce n’est pas un Juif qui porte la croix, mais un étranger et un voyageur, et il ne marche pas devant Jésus, mais se contente de le suivre, selon la parole du Sauveur : " Qu’il porte sa croix, et qu’il me suive. "
Bède. Simon veut dire obéissant, et Cyrène, signifie héritier ; cet homme est donc la figure du peuple des nations, qui autrefois était complètement étranger aux alliances (Ep 2, 12), et qui maintenant est devenu par son obéissance héritier de Dieu. C’est en revenant de la maison des champs, que Simon porte la croix après Jésus, figure en cela des Gentils qui commencent par renoncer aux superstitions du paganisme pour suivre avec obéissance les traces de la passion du Sauveur, car maison des champs se dit en grec pagos, d’où les païens ont tiré leur nom. —
Théophyl. Ou encore : Celui qui porte la croix de Jésus-Christ revient des champs, c’est-à-dire se sépare du monde et de ses oeuvres, pour se diriger vers Jérusalem, c’est-à-dire vers la liberté des cieux. Notre-Seigneur nous donne encore ici une importante leçon, c’est que celui qui est à son exemple le mettre de ses frères, doit commencer aussi par porter sa croix et crucifier sa propre chair par la crainte de Dieu, avant d’en charger ceux qu’il instruit et qu’il dirige.