Julia Kristeva au Collège des Bernardins, le 1 octobre 2014 s’est livré à une série de réflexions sur l’étranger, parmi elles on peut rejoindre sa démarche en ce qui concerne la distinction entre l’homme et le citoyen. Elle ouvre une perspective qui me semble riche en développements. Voici l’extrait de son propos que je livre volontiers à votre réflexion :
Homme ou citoyen
« Droits de l'homme ou droits du citoyen? Cette discordance, dont Hannah Arendt a tracé la généalogie, mais aussi la dégénérescence - celle qui a donné lieu au totalitarisme -, apparaît nettement dans l'abord du «problème des étrangers» par les sociétés modernes.
La difficulté qu'engendre la question des étrangers serait toute contenue dans l'impasse de la distinction qui sépare le citoyen de l’homme : n'est-il pas vrai que, pour établir les droits propres aux hommes d'une civilisation ou d'une nation - fût-elle la plus raisonnée et la plus consciemment démocratique -, on est obligé d'écarter de ces droits les non-citoyens, c'est-à-dire d'autres hommes?
Cette démarche signifie - c'est sa conséquence extrême - qu'on peut être plus ou moins homme à mesure qu'on est plus ou moins citoyen, que celui qui n'est pas un citoyen n'est pas tout à fait un homme.
Entre l'homme et le citoyen, une cicatrice : l'étranger. Est-il tout à fait un homme s'il n'est pas citoyen?
Une telle formulation volontairement paroxystique, certes, du problème moderne des étrangers ne présuppose pas nécessairement une revendication anarchiste, libertaire ou « gauchiste ».
Elle signale simplement que, du point de vue juridique, le problème des étrangers découle d'une logique classique, celle du groupe politique et de son apogée, l'État-nation.
Logique qui, susceptible de perfectionnement (les démocraties) ou de dégénérescence (totalitarisme), reconnaît qu'elle repose sur certaines exclusions et qui, en conséquence, s'entoure d'autres formations - morales et religieuses, dont elle ne modère pas moins les aspirations absolutistes - pour affronter précisément ce qu'elle a écarté, en l'occurrence le problème des étrangers et son règlement plus égalitaire.
Dans l'état actuel de brassage sans précédent d'étrangers sur le globe, deux solutions extrêmes se dessinent.
Ou bien nous allons vers des États-Unis mondiaux de tous les ex-États-nations : processus envisageable à long terme et que le développement économique, scientifique, médiatique laisse supposer.
Ou bien le cosmopolitisme humaniste se révèle une utopie, et les aspirations particularistes imposent la conviction que les petits ensembles politiques sont les structures optimales pour la survie de l'humanité. »
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