La boutique de l’Espérance, partenaire historique du Forum catholique !
Messages récents | Retour à la liste des messages | Rechercher
Afficher la discussion

Rencontre d’un séminariste avec Marthe Robin
par Bernard Joustrate 2015-02-06 13:13:35
Imprimer Imprimer

Rencontre d’un séminariste avec Marthe Robin

Marthe Robin, déjà vénérable, sera bientôt bienheureuse. Son décès remonte au 6 février 1981. Pour honorer sa mémoire, voici, sans aucun changement, mes notes prises juste après l’avoir rencontrée, le 31 décembre 1968, dans sa fermette de Châteauneuf-de-Galaure.

Ce mardi après-midi, je me retrouve assis dans la cuisine des Robin, attendant mon tour de visite tout en priant. Je ne peux m’empêcher de repenser à l’étonnant parcours de la fondatrice des Foyers de charité. Née le 13 mars 1902, elle est aujourd’hui âgée de 66 ans. Depuis 1929, elle souffre de paralysie. En septembre 1930, le Christ l’aurait invitée à être « comme lui ». Ce fut le début de sa stigmatisation complète. Le plus incroyable c’est que, depuis 1932, elle ne mange plus, ne boit plus, ne dort plus et revit la Passion chaque semaine avec mort apparente du vendredi soir au dimanche soir. Bref, si tout cela est exact, Marthe est un miracle vivant permanent, une preuve indubitable de la réalité de l’autre monde.

On m’introduit vers 15 h 30 dans sa chambre baignée de pénombre. Marthe me salue gentiment et m’invite à me présenter. J’évoque brièvement mes deux années de séminaire en région parisienne. Puis je lui confie mes difficultés de foi. A un moment, elle m’interrompt et déclare avec fermeté :

— Dans votre cas, inutile d’aller chercher des explications lointaines et compliquées. Satan cherche simplement à vous troubler par de faux raisonnements. Il vous tente par le savoir, surtout le savoir rationaliste qui éloigne du surnaturel et fait vite tomber dans un subtil orgueil spirituel. Ainsi, lorsque vous vous imaginez n’avoir jamais eu la foi vivante, c’est l’une de ses illusions favorites, qu’il réserve de préférence aux consacrés. Surtout, ne vous laissez pas prendre !

J’explique alors à Marthe que ma nuit se trouve parfois éclairée par une lueur orientale. Encouragé par l’exemple de certains camarades séminaristes, il m’arrive de pratiquer modérément le yoga chrétien du père Déchanet. Là encore, elle réagit vivement :

— Il s’agit là d’une mystique rudimentaire qui ne débouche pas sur l’amour véritable, celui de l’Esprit Saint. Ces techniques encouragent des formes dangereuses de repli sur soi. Au bout, on ne récolte qu’illusions et déceptions.

Je rétorque prudemment :

— Oui, mais quand l’on sent s’évanouir toutes ses énergies et que la volonté elle-même vacille, n’a-t-on pas le devoir de tout tenter pour conserver ou retrouver sa liberté intérieure, fût-ce par le yoga ?

— Regardez plus haut ! Jésus ne vous laissera pas définitivement sur la croix, en tout cas jamais sans vous donner aussi sa grâce, son ange de consolation, la prière incessante de sa Mère. En cherchant un réconfort du côté de techniques ambiguës voyez si, au fond, vous ne cherchez pas à rejeter la croix que la Providence avait prévue pour vous.

Quelques instants plus tard, je lui confie mes hésitations sur mon orientation ecclésiale. Je ne voudrais pas me tromper et tourner le dos à l’Esprit Saint. C’est presque gaiement que cette fois elle me répond :

— Restez bien attentif et confiant ! Au moment voulu, Dieu donnera des signes qui vous marqueront nettement sa volonté (elle appuie sur le mot nettement comme pour le souligner).

— Mademoiselle Marthe, pour terminer, j’aimerais vous poser une question spirituelle qui me travaille depuis un moment. Pourriez-vous m’expliquer ce que le Christ a réellement voulu signifier quand, sur la croix, il a dit « J’ai soif ! », puis qu’il a poussé son cri redoublé : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Marthe paraît réfléchir un instant, puis me confie avec simplicité et conviction :

— Ce « J’ai soif » de Jésus, il ne faut pas l’entendre uniquement dans un sens matériel. En toute vérité, alors qu’il est en train de sauver le monde, il a soif des âmes, il a soif d’être reconnu par elles, il a soif d’être aimé. En mourant ainsi pour chacun de nous, il ne pouvait pas nous donner une plus grande preuve de son amour. Mais voyez, à cet amour crucifié et offert, les hommes répondent par de la haine, de l’indifférence, de la dérision, du rejet. Et Jésus se retrouve seul, terriblement seul. Son cri « J’ai soif », il le pousse dans bien des âmes, mais combien l’entendent ? Combien surtout acceptent d’y répondre ?

Sa parole d’abandon exprime quant à elle un paroxysme. Dans sa nature humaine, Jésus est arrivé à l’extrême limite. Non seulement il s’est abaissé jusqu’à terre, mais encore plus bas, jusqu’au péché. Il a voulu tout prendre sur lui. Il semble qu’il ne soit plus que péché, lui l’Agneau immaculé ! C’est quelque chose d’horrible, d’inimaginable ! Ah ! comment peut-on en douter ? Oui, c’est vrai, c’est vrai !

Une fois encore, Marthe souligne par la voix l’importance qu’elle accorde à ce mot fondamental. Son émotion est tangible et elle me parle presque en criant. Bien qu’on ait déjà frappé à la porte pour signaler la fin de l’entretien, elle décide de poursuivre :

— Jésus s’est anéanti comme lui seul pouvait le faire. Ayant atteint le fond de l’abîme, il s’écrie : « Mon Dieu, mon Dieu… » Pourquoi un tel abaissement ? C’est qu’il voulait faire remonter jusqu’à son Père tout ce qu’il y avait de plus bas, de plus déchu. Avez-vous remarqué que, dans sa dernière parole, il ne dit plus « Dieu », mais « Père » : « Père, entre tes mains je remets mon esprit ! » Oui, cette remontée de l’humanité étant enfin réalisée, tout est maintenant consommé. Désormais, s’il le veut bien, tout homme est réconcilié avec Dieu en Jésus-Christ. Pourtant, et c’est un grand malheur, il y a des hommes qui refusent sciemment cette grâce du salut que Jésus leur propose…

L’évocation de ce mystère d’une liberté créée qui dit non à Dieu semble affecter Marthe profondément. Elle se tait et paraît respirer difficilement. Je lui propose alors de conclure par la prière du Notre Père. Nous le récitons lentement ensemble, puis je me retire discrètement en l’assurant de ma prière.

Bernard-Marie, ofs

Article extrait du n° 8289 de PRESENT du Samedi 7 février 2015

     

Soutenir le Forum Catholique dans son entretien, c'est possible. Soit à l'aide d'un virement mensuel soit par le biais d'un soutien ponctuel. Rendez-vous sur la page dédiée en cliquant ici. D'avance, merci !


  Envoyer ce message à un ami


 Rencontre d’un séminariste avec Marthe Robin par Bernard Joustrate  (2015-02-06 13:13:35)


200 liseurs actuellement sur le forum
[Valid RSS]