Réfutation du livre de Bieke Mahieu : Between Rome and Jerusalem. Herod the Great and his Sons in their Struggle for Recognition.
Bieke Mahieu, dans une étude publiée en anglais en 2012 par l'université de Louvain, dans la collection : Orientalia Lovaniensia Analecta, prétend réfuter la date habituellement admise de la mort d'Hérode en - 4 et, par contrecoup, modifier la chronologie de la vie de Jésus telle qu'on la conçoit de nos jours.
D'après notre auteur, Hérode serait mort le 9 mars de l'an 1 de notre ère, et Jésus serait né entre le 1er Tishri (25 mars) de l'an – 1 et ce 9 mars + 1, puisque selon Saint Matthieu il est né avant la mort du roi Hérode.
Mais cette nouvelle chronologie proposée est sûrement fausse, au moins d'une année. Elle fait mourir Hérode un an trop tard. Il serait mort en réalité quelque temps avant la Pâque de l'an – 1 et non pas quelques jours avant la Pâque + 1.
L'auteur fait venir Caius César, successeur désigné d'Auguste et consul de l'an 1, en Orient, seulement en septembre + 1 pour une guerre destinée à soutenir le roi des Nabatéens, tandis qu'Hérode serait mort au début de cette même année, peu avant Pâque. Mais, contradictoirement, on a la preuve historique que Caius César se trouvait à Samos dès le 1er janvier de l'an 1, le jour même où il était proclamé consul à Rome. Tibère, le futur empereur, alors en disgrâce, et qui se trouvait en exil volontaire dans l'île de Rhodes, profita de l'arrivée de Caius César en Orient pour venir la saluer le jour même où il inaugurait son consulat et lui rendre hommage. Il venait en réalité sonder les sentiments du jeune prince, petit-fils d'Auguste. Il le trouva assez mal disposé à son égard, comme il en fit la confidence plus tard.
La mort d'Hérode ne peut donc qu'être antérieure au 1er janvier de l'an 1. On sait qu'avant de venir en Orient Caius César avait, à la demande d'Auguste, présidé à Rome un conseil pour régler la succession d'Hérode.
De plus, l'éclipse de lune qui selon Josèphe a précédé de peu la mort d'Hérode, ne peut être celle du 29 décembre – 1. En effet cette dernière se produisit de jour, peu avant la tombée de la nuit, de 15h45 à 18H15. Elle fut seulement partielle : magnitude de 53,1 %. Or la description de Josèphe est précise : « La lune, cette nuit-là, s'éclipsa. » (Ant. Jud. 17, 8). Ce qui ne peut concerner qu'une éclipse nocturne, dans le ciel de Jérusalem, et probablement totale et non pas partielle, car une éclipse partielle est peu visible et passe souvent inaperçue. Par contre la description de Josèphe s'accorde pleinement avec l'éclipse totale de lune dans la nuit du 9 au 10 janvier – 1, de 23H50 à 3H24 du matin et de magnitude 152,3 %. Cela confirme la vraisemblance de la mort d'Hérode peu avant la Pâque de l'an – 1 (753 de la fondation de Rome).
Comme le remarque Bieke Mahieu, en l'an - 2, il n'y eut pas d'éclipse de lune, totale ou partielle, visible à Jérusalem. En – 3, il n'y eut pas du tout d'éclipse de lune, visible sur terre. - 2 et – 3 ne peuvent pas être l'année de la mort d'Hérode. Et en – 4, l'éclipse partielle de lune du 13 mars est bien trop rapprochée de la Pâque du 10 avril, cette année-là, pour contenir tous les événements racontés en détails par l'historien Josèphe. 28 jours, alors qu'il en faudrait au minimum 40. De plus l'éclipse du 13 mars – 4 fut seulement une éclipse partielle de faible magnitude qui se produisit en fin de nuit. Il est peu probable qu'elle ait été ressentie comme un événement remarquable, digne d'être noté. L'année de la mort d'Hérode ne peut pas non plus être – 4, même si la plupart des historiens ou des encyclopédistes retiennent cette date comme celle de la mort du tyran.
On connaît les termes du problème pour établir la chronologie du règne d'Hérode. L'historien Josèphe déclare dans ses deux ouvrages, les Antiquités judaïques d'une part, et la Guerre juive d'autre part, qu'Hérode régna 37 ans après avoir été nommé roi de Judée par le Sénat romain, et 34 ans après la mort d'Antigone, le précédent roi des juifs établi par les Perses. L'apocryphe Apocalypse d'Isaïe confirme que le roi Hérode a régné 34 ans sur les juifs. Il y eut donc un règne légal, ou théorique, d'Hérode, le règne long, de 37 ans, et un règne effectif, ou règne court, de 34 ans. Or, Hérode fut élu roi des juifs en l'an 40 avant notre ère et il conquit Jérusalem sa capitale en l'an 37 avant notre ère. Un premier comput nous donne donc :
40 – 37 = 3
37 – 34 = 3.
Ce double décompte donne donc l'an – 3 pour être celle de la mort d'Hérode, et non – 4 comme il est admis usuellement.
Mais en l'an – 3, il n'y eut pas d'éclipse de lune, comme on l'a déjà dit. L'an – 3 ne peut être celle de la mort d'Hérode.
De plus on doit remarquer qu'Hérode a été désigné comme roi par le Sénat romain seulement en fin – 40, probablement le 18 novembre. Et il est devenu roi effectif de Jérusalem seulement après la mort de son prédécesseur Antigone. Or Antigone, d'abord livré à Marc Antoine, a été mis à mort, à la demande d'Hérode, au printemps de – 36. Dans un comput plus exact des deux règnes d'Hérode il faudrait donc calculer :
39 – 37 = 2
36 – 34 = 2.
L'an – 2 serait donc celle de la mort d'Hérode. Le problème c'est qu'en – 2 il n'y eut pas non plus d'éclipse de lune visible à Jérusalem, ni totale ni partielle. L'an – 2 ne peut être celle de la mort d'Hérode.
On se voit donc obligé de reculer la mort d'Hérode jusqu'au début de l'année – 1. Et l'éclipse totale de lune dans la nuit du 9 au 10 janvier – 1 correspond tout à fait à la description donnée par Josèphe. Elle fut de nuit. Elle fut plénière. Elle eut lieu peu après un jeune, qui était celui du 10 Tebeth (le 8 janvier en - 1). Elle précéda la Pâque dans un laps de temps de 87 jours, largement suffisant pour permettre le déroulement des événements décrits minutieusement par l'historien juif et qui précédèrent ou accompagnèrent la mort d'Hérode.
Les partisans de l'an – 4, dont Arthur Loth, supposent avec peu de vraisemblance qu'il ne faut pas compter des années pleines pour les deux règnes d'Hérode, mais seulement des années commencées. Et d'autre part qu'il faut bien partir de - 40 pour le règne long et de - 37 pour le règne court, le règne effectif. Leur comput s'établit donc ainsi :
40 – 36 = 4
37 – 33 = 4.
L'année – 4, selon eux, serait celle de la mort d'Hérode. Il serait mort peu avant la Pâque de l'an – 4, l'an 750 de la fondation de Rome.
Mais ce compte, on le voit, est doublement forcé. Josèphe, dans ses deux ouvrages, aussi bien que l'auteur anonyme de l'Apocalypse d'Isaïe, parlait bien d'années pleines. Et d'autre part le point de départ des deux règnes doit être corrigé, on l'a vu, et ne peut concerner que les années – 39 et – 36. D'autant plus que les rois juifs, depuis toujours, faisaient commencer leur règne au 1er Nisan (premier croissant de lune après l'équinoxe de printemps) qui suivait leur avènement, le 1er de l'an de l'année religieuse juive. Hérode n'a pu que se conformer à l'usage de ses devanciers.
L'année de la mort d'Hérode ne peut être que – 1, l'an 753 de la fondation de Rome, celui même qui vit l'arrivée en Orient de Caius César successeur désigné d'Auguste. Conséquemment, Jésus-Christ n'a pu naître qu'un peu avant, en – 2, l'an 752 de la fondation de Rome, sous le treizième consulat d'Auguste. C'est d'ailleurs la date traditionnelle, mentionnée par les anciens Pères de l’Église, à commencer par l'historien Eusèbe de Césarée. C'est celle qui figure encore dans l'annonce de Noël du martyrologe romain, et qui, de ce fait, est la date officielle proposée par l’Église romaine pour la naissance du Sauveur. L'ouvrage privé de Benoît XVI sur l'enfance du Christ ne fait pas autorité en la matière.