Bonjour et merci, Aigle.
1. Sauf erreur de ma part, dès le début des années 1950, en France, Teilhard de Chardin, ou, en tout cas, une mentalité teilhardienne, a commencé à acquérir au moins autant d'influence que Pie XII, surtout là où il était absolument déterminant pour la suite d'avoir de l'influence.
2. A partir du moment où toute une autorité intellectuelle officieuse, toute une hiérarchie intellectuelle parallèle, relativement contra-positionnelle, vis-à-vis du Magistère romain, a commencé à se mettre en place, et à partir du moment où ceux-là mêmes qui auraient dû pouvoir combattre cette autorité, cette hiérarchie, dans le clergé régulier comme dans le clergé séculier, ont pris bien soin de ne pas le faire, il ne fallait pas s'attendre à ce que, si j'ose dire, une fois Teilhard et Pie XII décédés, les mêmes protagonistes fassent en sorte que l'on soit à nouveau en situation intérieure de compréhension non biaisée, de respect filial, à l'égard du Magistère romain.
3. Je m'en remets un instant à un extrait d'une fiche de lecture consacrée à Kant ; à l'intérieur de cette fiche, j'ai trouvé ceci :
"L'esprit est comme un oeil dont les lunettes seraient les formes a priori; l'oeil ne voit rien qu'à travers ses lunettes ; sans les lunettes il est aveugle, mais les lunettes ne lui servent qu'à voir ce qui leur est extérieur."
Eh bien, disons que certains esprits ont commencé à chausser des lunettes, notamment teilhardiennes, dès le début des années 1950...
4. Aux origines de la crise actuelle, il y a eu une dégradation de la relation entre la lex credendi et la lex orandi, mais ma conviction est qu'il y a eu aussi une dégradation de la relation entre le modus cogitandi et le modus cognoscendi, ou, pour ainsi dire, une dégradation de la relation entre le modus intelligendi et le modus significandi ; je n'irai pas plus loin, car cela dépasse mes compétences.
5. C'est pour cette raison, sous-jacente, ou souterraine, par rapport à des symptômes plus manifestes, plus perceptibles, de la crise du christianisme catholique contemporain, que je n'ai jamais cru que le Concile était LE facteur déclenchant, principal ou unique, de propagation de cette crise : il y a eu des facteurs de préparation de cette crise, ils sont d'ordre essentiellement intellectuel, id est philosophique et théologique, et ils ont commencé à produire leurs effets au moins vingt ans avant la clôture du Concile.
6. Or, de même qu'il est extrêmement difficile de revenir sur des acquis sociaux, de même, il est extrêmement difficile de revenir sur des acquis mentaux, d'autant plus qu'en général les clercs qui sont fermement attachés à un mode de raisonnement dysfonctionnel ou non réaliste ont énormément de mal à faire preuve d'humilité, au point de reconnaître qu'ils se sont trompés, puis de revenir vers l'essentiel.
7. Je termine ce message grâce au vôtre ; les seules dérives droitières, sous Pie XII, susceptibles d'être tenues pour symétriques, par rapport aux dérives gauchistes, auraient été d'inspiration anti-communiste, mais je ne vois pas très bien comment Pie XII aurait pu frapper "une fois à droite, une fois à gauche", puisqu'il était lui-même, anti-communiste, à juste titre.
8. Il me semble que beaucoup n'ont pas voulu de cet anti-communisme à juste titre, mais qu'ils n'ont pas voulu non plus, ou ont arrêté d'accepter volontiers, d'autres éléments constitutifs du Magistère romain d'alors, à commencer par la référence à la loi naturelle.
Bonne fin d'après-midi et à bientôt.
Scrutator.