de constater le FAIT que saint Pie X a bouleversé le bréviaire de fond en comble et a ainsi posé le principe qu'on pouvait donc faire cela, c'est-à-dire le principe de la révolution liturgique. En novembre 2011 j'avais écrit l'article qui suit.
La révolution a 100 ans
Ce titre est quelque peu provocateur, puisqu’il s’agit du 100e anniversaire de la bulle Divino Afflatu de saint Pie X. Pourtant cette bulle fut de fait le premier bouleversement liturgique de l’histoire, et il fut opéré avec la même brutalité qu’on a reprochée à Paul VI : elle abolissait et interdisait absolument le bréviaire qui avait cours, et obligeait tout aussi absolument les prêtres à la récitation du nouveau bréviaire sous peine d’encourir les foudres du Dieu tout-puissant… et du supérieur hiérarchique. La bulle était fulminée le 1er novembre 1911, et tout le monde devait suivre le nouveau bréviaire à partir du 1er janvier 1912 (ce qui ne correspond à rien dans l’année liturgique…).
Le musicologue et chef de chœur hongrois Laszlo Dobszay, dans un livre intitulé La liturgie Bugnini et la réforme de la réforme, paru en 2003 et dédié au cardinal Ratzinger, montre que l’office romain, qui dans sa structure essentielle remontait aux IVe-Ve siècles sans avoir jamais été modifié, « a été mortellement blessé autour de 1900, et a cessé d’exister en 1970 ».
Mortellement blessé, l’expression est sans doute excessive, mais il a été profondément bouleversé. Saint Pie X voulait raccourcir l’office tout en conservant le principe de la récitation des 150 psaumes dans la semaine. Pour cela, il supprima les répétitions (sauf le psaume 94 aux matines et le psaume 50 aux laudes), ce qui fait par exemple que les psaumes qui étaient assignés aux complies, pour des raisons évidentes, ont perdu leur affectation, et surtout que la suite de psaumes de louanges 148-149-150, qui a toujours et partout, en Orient comme en Occident, été le cœur des laudes proprement dites, a été démantelé. Et quand on est habitué au bréviaire monastique, qui a échappé à la réforme, on ne peut que trouver cela inconcevable. Et trouver inconcevable qu’un pape ait pu promulguer cela, et que le clergé ne se soit pas révolté…
Ce bouleversement total du bréviaire (car il n’y a pas que l’ordre des psaumes, il y a la suppression de nombreuses antiennes et l’apparition de nouvelles antiennes, la modification de la configuration des matines, etc.) ne pouvait pas ne pas avoir une influence sur le clergé. « Le plus grand dommage, écrit Laszlo Dobszay, fut le changement que le nouveau bréviaire produisit dans l’esprit des prêtres. (…) C’est la première fois dans la longue histoire de l’Eglise que le clergé put avoir l’impression que chacun peut « librement » disposer de 1.500 ans de tradition romaine. Et ainsi le clergé devint, pour ainsi dire, préparé au rejet de la liturgie romaine dans son ensemble. »
De fait, le clergé vit alors que l’on pouvait supprimer les plus antiques traditions. Et le mouvement était enclenché. Sans parler du calamiteux nouveau psautier publié par Pie XII (mais pas obligatoire), il y a eu en 1955 la suppression de la plupart des vigiles qui préparaient aux grandes fêtes (parce que c’était des jours de jeûne, sans doute…), et des octaves, et en 1960 la suppression (déjà entamée en 1955) des premières vêpres de la plupart des fêtes, alors que les jours liturgiques avaient toujours et partout commencé le soir.
En revanche on ne peut que saluer un autre aspect de la réforme de saint Pie X : celle du calendrier, et plus précisément de la préséance des fêtes. Au long des siècles, les fêtes de saints s’étaient multipliées, et bon nombre étaient montées en grade, si bien qu’on ne célébrait presque plus jamais la liturgie propre des dimanches après la Pentecôte : il y avait toujours une fête de saint qui primait. C’est pourquoi Dom Guéranger a dans son Année Liturgique cette affirmation qui nous paraît aujourd’hui très étrange que les fidèles qui vont aux vêpres le dimanche connaissent tous par cœur l’hymne Iste confessor, qui est l’hymne du commun des confesseurs. Il s’en suivait en outre que l’office du dimanche lui-même devenait l’office d’un saint, et comme il en était ainsi presque tous les jours… on disait aussi toujours les mêmes psaumes… et l’on était très loin de la récitation du psautier dans la semaine. La réforme de saint Pie X a permis le retour de la liturgie des dimanches (et du psautier, quoique bouleversé) tout en permettant que certaines fêtes de saints, comme celles des apôtres, priment le dimanche. En 1960, on est allé encore plus loin, limitant à quelques grandes solennités la prééminence sur le dimanche, selon l’éternel balancier qui va toujours d’un extrême à l’autre…
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