Rebonjour à vous tous,
1. Il me semble que l'on a successivement reproché aux catholiques identitaires, intransigeants, ou traditionnels,
- d'avoir une attitude contra-positionnelle, vis-à-vis du Magistère le plus normatif, le plus objectif, le plus officiel, le plus solennel, de l'Eglise catholique,
- d'asseoir cette attitude sur des origines notamment intellectuelles (philosophiques, théologiques) auto-référentielles, en ce qu'elles ne prennent pas avant tout appui sur l'Ecriture ni sur la Tradition.
2. Ce reproche est parfois justifié, si l'on considère, par exemple, que presque tout est, sinon mauvais, du moins suspect, dans le Magistère pontifical contemporain, et qu'il est "donc" orthodoxe et préférable, non de s'y référer, mais de prendre, sur la forme ou sur le fond, le contre-pied de ce qui y est dit,
- en prenant appui sur le Magistère pontifical antérieur au Concile, voire antérieur à Jean XXIII, quand il est possible de procéder de cette manière,
ou
- en prenant appui sur son propre raisonnement, éventuellement inspiré par l'Ecriture et par la Tradition, quand il n'est pas possible de procéder autrement.
J'ai déjà fait remarquer ici même la dangerosité, ou en tout cas la singularité, du balancement argumentatif suivant : " le Pape considère cela : ... ; au contraire, nous (pas "nous", en prenant un appui explicite et spécifique sur l'Ecriture, la Tradition, le Magistère antérieur, mais "nous", tout simplement), nous considérons ceci "...
3. Mais il y a une autre manière d'avoir une attitude contra-positionnelle et de la faire reposer sur une origine auto-référentielle, et c'est cette manière là qui m'intéresse aujourd'hui.
4. Imaginons en effet la phrase suivante, de la part d'un évêque ; pour ma part, j'imagine cette phrase comme un "idéal-type" qui aurait une "vertu heuristique", et non comme une phrase qui aurait vraiment déjà été prononcée, à un endroit et à un moment donnés :
" Si les catholiques dont l'inspiration est authentiquement évangélique considèrent qu'il n'est plus nécessaire, et qu'il est plus asservissant que libérateur, plus conflictuel qu'unificateur,
- de subordonner, ad intra et ad extra, à temps et à contre-temps, la pastorale épiscopale locale au Magistère pontifical romain,
- de tirer parti de la pastorale pour rappeler, ad intra et ad extra, la doctrine de l'Eglise en matière de Foi et de moeurs,
qui suis-je pour les juger ? "
5. De mon point de vue, cette attitude est vraiment génératrice d'un extraordinaire encouragement, en direction et en faveur du développement de discours et d'actes auto-référencés et contra-positionnés, au sein même de l'Eglise catholique, non d'une manière "intégriste" ou "lefebvriste", mais d'une manière qui n'a même plus besoin de faire croire qu'elle prend appui sur le Concile et sur le Magistère post-conciliaire, en matière de Foi et de moeurs, pour fonctionner en contradiction permanente, ou plutôt en dépassement permanent, vis-à-vis de ce Concile et de ce Magistère.
6. Et je pense que nous en sommes là ; je pense vraiment
- que la référence permanente à une inspiration authentiquement évangélique est propice à la banalisation et à la légitimation d'attitudes auto-référentielles, complètement déconnectées de références effectives, notamment, aux Evangiles, au Nouveau Testament,
et
- que la multiplication de ces attitudes auto-référentielles ne peut déboucher que sur la prolifération de comportements contra-positionnels, ou contra-magistériels, en ce qu'ils sont opposés par principe à toute expression normative de la vérité objective.
7. Le "qui suis-je pour juger ?", qu'il n'agit pas pour moi de sur-interpréter, de sur-solliciter, mais dont je m'efforce de montrer ici toute la dangerosité,
- n'est pas uniquement le reflet d'une désactivation volontaire d'une raison de juger, compte tenu des intentions, quasiment chrétiennes, que l'on attribue de nos jours à toute personne, même non chrétienne, sauf s'il s'agit d'une personne assimilable à un perroquet pélagien,
- mais est également le signe d'une désactivation volontaire des moyens de juger, compte tenu du fait qu'il invalide ou neutralise en silence, et avec le sourire, les innombrables critères d'appréciation et de discernement, donc, de jugement (non des personnes, mais des principes et des pratiques) qui existent dans l'Ecriture, la Tradition, le Magistère (quand ceux là mêmes qui en ont la charge veulent bien l'exercer pleinement).
8. Ce qui est intéressant et préoccupant, c'est ceci : nous sommes en présence d'un "logiciel" sans "système" très élaboré et organisé, qui est
- systématiquement accommodant, dans l'ordre du croire et de l'agir, à l'égard des idées et actions non chrétiennes,
- systématiquement oblitérant, vis-à-vis de tout ce qu'il y a d'un tant soit peu normatif, prescripteur, dans l'expresion de la Foi catholique et de la charité chrétienne,
- systématiquement ringardisant et stigmatisant, en présence de toute tentative catholique d'avoir un rapport non accommodant aux périphéries non chrétiennes situées ad extra et un rapport non oblitérant aux références catholiques situées ad intra.
Si ce qui précède n'est pas éloigné, n'est pas opposé, à ce qu'il se propose d'être : une tentative d'explication de ce dont il traite, cela signifie que les misères faites aujourd'hui à tel ou tel évêque qui résiste à l'hégémonie de l'adogmatisme oecuméniste n'aboutiront sans doute presque jamais à ce que les idées et les actions des auteurs de ces misères soient contredites, formellement, frontalement, avec énergie et fermeté, par le Pape François, ou par ceux qui auront été mandatés par lui.
En effet, puisque l'inspiration des auteurs de ces misères est authentiquement évangélique, quels imprécateurs intolérants ou procureurs sectaires le Pontife et les autres évêques seraient-ils, pour juger ces idées et actions ?
Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour les défauts et limites de ce texte, qui s'apparente sans doute à un enfoncement de porte ouverte, et je vous souhaite une bonne journée.
Scrutator.