PETITE HISTOIRE DU DIOCESE DE RENNES, DOL ET SAINT MALO.
De récents événements ont braqué les projecteurs sur Mgr Pierre d’Ornellas. Une petite histoire de ce diocèse permet de voir que cet évêque s’inscrit dans une lignée souvent calamiteuse. Le cataclysme qui touche aujourd’hui le diocèse est sans doute la dernière étape d’un long déclin. Aujourd’hui, l’archevêque en lambeaux ne pilote plus grand-chose et surtout plus grand monde.
LE DEPARTEMENT D’ILLE ET VILAINE
L’Ille et Vilaine était jadis un département rural. Sa préfecture, Rennes une petite ville de province plutôt radical-socialiste, ses trois sous préfectures de taille inégale : Fougères, Saint Malo et Redon, des villes conservatrices.
Ce département a longtemps été une terre de chrétienté et une terre de droite. C’est vrai, jusqu’aux années 70 même si la droite locale est plutôt un centre droit.
Jusqu’à la seconde guerre mondiale, le département est authentiquement conservateur mais déjà la démocratie chrétienne gagnait notamment l’est du département et la région de Rennes. Après la guerre, le MRP devient dominant, il constitue une bonne synthèse entre les démocrates chrétiens puissants et un électorat de droite plus marqué mais orphelin après Vichy.
Les changements viennent par Rennes. Cette ville de magistrats et d’enseignants est depuis fort longtemps gangrenée par la franc maçonnerie. Les rapports des évêques et des loges ne sont d’ailleurs pas toujours très clairs ou sont trop clairs…
De 1953 à 1977, la ville a pour maire, le MRP Henri Fréville. Fréville gouverne la ville de 53 à 71 avec les radicaux et les socialistes. Cela convient bien à la bourgeoisie centriste et aux magistrats et universitaires radicaux et socialistes. Tout ce petit monde se côtoie dans les loges. En 1971, Fréville abandonne le PS qui préfère l’union de la gauche. Fréville est réélu à la tête d’une liste plus marquée à droite. En 1977, il ne se représente pas, et un jeune professeur socialiste, Edmond Hervé, à la tête d’une liste d’union de la gauche, rafle la ville. En 2011, la gauche est toujours au pouvoir. Rennes est une de ses meilleures villes. Progressivement, la gauche a colonisé tout le département. Elle a utilisé trois influences : la gauche sociale démocrate élevée par les « Abbés démocrates », le journal Ouest France, et la JAC; les divers gauches plus ou moins anticléricaux ou modérés qui se sont emparés de bourgs ruraux et une extrême gauche canalisée par les Verts qui servent d’exutoire aux déçus du PS (fonctionnaires et étudiants) et qui ramènent tout le monde au bercail au 2ème tour.
Toute la grande couronne rennaise a été ainsi colonisée par la gauche. La gauchisation a gagné le sud, l’ouest, le nord. Tout le pays de Redon est atteint, c’est aussi le cas des terres rurales de l’ouest. Deux foyers de résistance : Saint Malo mais la résistance est de plus en plus cantonnée à la ville et le pays de Vitré. Dans cette dernière zone, la gauche est malgré tout en progression.
Le pays de Vitré est depuis la guerre, la zone d’influence de la famille Méhaignerie. Mais le bastion se fissure. Un épisode montre bien l’évolution. En 2002, le très puissant et très mauvais député maire de Vitré, Pierre Méhaignerie, député depuis 1973, pousse Madame Virginie Klès, une de ces protégées à la conquête de la mairie de Châteaubourg, bastion centriste de 5000 habitants. C’est un succès. En 2007, Madame Klès soutient Bayrou, c’est logique, entre les deux tours, elle rejoint Royal. En 2008, la bonne méhaigneriste devient…sénateur socialiste. Du Grand Méhaignerie…Il n’a rien compris et 2012 verra sans doute la fin d’un trop long règne sur le pays de Vitré.
Aux cantonales, la gauche s’est emparée du département en 2004. Aujourd’hui, elle contrôle 35 cantons, la droite 18. A chaque renouvellement celle dernière régresse mais elle peut encore régresser. La droite locale UMP et Nouveau Centre est encore plus nulle que la moyenne nationale, la droite rennaise tenant la palme de la nullité. Elle a ces dernières années eu pour leader un certain Lebrun qui a réussi la prouesse de perdre toutes les élections auxquelles il s’est présenté. En revanche cette « droite » fréquente assidument les loges. Et on retrouve cette constante locale.
LE DIOCESE
Il est né de la fusion partielle des anciens diocèses de Rennes, Dol et St Malo. En 1859, il devient archidiocèse quittant ainsi l’archidiocèse de Tours. Le nouvel archevêque a trois suffrageants : Quimper et Léon, Vannes, St Brieuc et Tréguier. En 2003, s’y ajoutent : Laval, Le Mans, Angers, Nantes et Luçon.
Le diocèse compte encore 436 prêtres en 2011, ce qui peut faire rêver, mais seuls 50 ont moins de 60 ans et 11 moins de 40 ans. Au rythme actuel, dans 10 ans le diocèse aura environ 70 prêtres de moins de 75 ans. Cela peut encore paraître beaucoup au regard d’autres situations, c’est désastreux dans ces terres qui ont été si catholiques.
Sociologiquement, le diocèse est bouleversé. Le christianisme de masse n’existe plus. Il subsiste une pratique non négligeable en zone rurale. Ce sont essentiellement des gens âgés qui subissent les « équipes de laïcs ». Ces dernières sont très militantes d’esprit JAC et bien encadrées par près de 40 « diacres permanents ». Ces équipes sont souvent la plaie du diocèse, préparant les messes, s’emparant des obsèques. Leur seul avantage, c’est qu’elles ne se renouvellent pas et s’épuisent dans un regroupement sans cesse plus large des paroisses. Les villes et zones suburbaines, surtout Rennes, ont encore des prêtres en quantité mais la pratique s’est effondrée. La déchristianisation est massive avec des populations de fonctionnaires éloignés voire hostiles au catholicisme. Les seuls éléments de résistance sont les groupes identitaires : une paroisse du centre-ville St Germain, deux paroisses confiées à l’Emmanuel : St Hélier de Rennes et Dinard, la chapelle de l’Institut du Christ Roi, la Famille Missionnaire de Notre Dame au Grand Fougeray, les Petites Sœurs des Pauvres à St Pern. L’Opus Dei est assez actif. Tout le reste est cliniquement mort. Mais tout ce qui vit est à l’exception des Petites Sœurs des Pauvres, très indépendantes et très puissantes, la cible de Mgr D’Ornellas.
Nous sommes en Bretagne, il faut aussi parler de l’enseignement catholique. Les congrégations ont été puissantes et dominaient de grands établissements à Redon, Fougères et Rennes (l’Assomption et St Martin dans cette ville). Aujourd’hui ces institutions ont renoncé peu ou prou au caractère catholique mais se maintiennent uniquement, ce n’est déjà pas si mal, par l’excellence de leur formation intellectuelle. Quant aux deux établissements phares du clergé diocésain, c’est le naufrage. L’Institution Saint Malo se débat depuis plusieurs années dans une interminable guerre de succession ; malgré tout son enseignement reste bon.
Le plus gros drame, c’est St Vincent, le joyau de la couronne épiscopale, fondé par l’Archevêque en personne, le cardinal Brossay Saint Marc, l’établissement dont l’Archevêque, lui-même présidait la remise des prix. Cette institution a longtemps scolarisé, aussi bien les enfants de l’aristocratie locale, que ceux de la bourgeoisie catholique rennaise et des enfants de milieux plus modestes soucieux d’une solide éducation catholique. Dans les années 80, l’aspect catholique reste affirmé et Saint Vincent garde un grand prestige intellectuel. Aujourd’hui, sous le regard de l’Archevêque, c’est le Titanic. Dans une situation économique auprès de laquelle la Grèce mériterait un prix Nobel, le navire coule, il a perdu toute renommée intellectuelle, toute sa réputation de formation sérieuse et la plupart de ….ses élèves. Sur le plan spirituel, la « Pastorale » est digne des années 70. L’Archevêque y a envoyé successivement deux prêtres classiques qui ont échoué mais qui ont singulièrement manqué du soutien épiscopal qu’il aurait fallu.
A l’aube des années 2000, le maillage paroissial était encore intact, et le diocèse essayait de tenir. Une grande réforme a liquidé les anciennes paroisses pour en créer de nouvelles aux noms impossibles : quelle joie d’être fidèle de « Saint Luc de Rennes Villejean Beauregard », de « Sainte Elizabeth de Rennes Blosne Poterie », de « Saint Melaine aux carrefours pacéens », de « Notre Dame d’Espérance au sud de Vitré » ou de « Saint Léonard des rives de la Seiche »pour ne citer que les plus pompeux et les plus ridicules. Malgré ces efforts sémantiques, la crise se poursuit et il faut regrouper les regroupements. A quand Saint Melaine de Rennes Villejean aux carrefours pacéens des rives sud de la Seiche » On voit la joie de l’enfant dont le baptême figurera sur un tel registre surtout si la « célébration » était animé par le vicaire épiscopal chargé « des grands ensembles rennais » (il existe déjà cf. site du diocèse).
Comment en est-on arrivé là ? Rupture brutale en 1965 et bien non, le cataclysme a des germes bien plus anciens.
Auguste Cardinal Dubourg. (1906-1921)
Auguste Dubourg naît dans les Côtes du Nord, d’une famille rurale et bretonnante. Petit séminaire de Tréguier, grand séminaire de Saint Brieuc, un parcours classique. Il devient prêtre en 1866, secrétaire de l’évêque puis vicaire général. Sa promotion à l’épiscopat est soutenue par des ministres républicains, le préfet des Côtes du Nord et l’innenarable… Ernest Renan. Voilà une carrière qui commence bien…
Le pire, c’est que ça marche et voici un évêque républicain nommé à Moulins en 1893. Il succède au remarquable Mgr de Dreux-Brézé prélat apprécié dans son diocèse qu’il gouvernait depuis 43 ans. Mgr Dubourg arrive donc à Moulins en 1893 où, le moins que l’on puisse dire est qu’il n’est pas le bienvenu. Il lance des mouvements qui serviront de bases à l’action catholique, il lance un nouveau catéchisme….Initiatives louables mais qui ressemblent dans leurs conséquences à la « pastorale » des années 60, en 1893…Cette politique qui amène le curé de la paroisse de Diou dans le diocèse à demander à son évêque s’il est. Franc maçon ?
On est en 1895…, le curé outrecuidant qui s’adresse ainsi à son évêque héberge la voyante de la Salette….
Au moment de la Séparation, Mgr Dubourg dénonce le principe des cultuelles mais sonde son diocèse pour…. les constituer. Son opposition aux inventaires est très molle. Ce qui restera mystérieux, c’est que Saint Pie X promeuve ce libéral à Rennes. Le Saint Père a-t-il voulu délivrer Moulins et nommer Mgr Dubourg dans un diocèse plus capable de résister ?
En 1906, Mgr Dubourg devient donc archevêque de Rennes. Mais là, il change, Mgr Dubourg s’oppose manu militari à l’expulsion du Séminaire, s’oppose au modernisme, au Sillon dans un diocèse ou sévit le sinistre Abbé Trochu, qui en plus d’être le participe passé du verbe « trop choir » fait partie d’un groupe « d’abbés démocrates ». L’archevêque restructure un diocèse abattu par la séparation : nouvel évêché, reconstruction d’un grand Séminaire, reconstruction du lycée Saint Vincent. C’est sans doute ce retournement qui la guerre aidant permet à Mgr Dubourg d’être fait cardinal en 1916. Affaibli, il demande un coadjuteur qu’il obtient en 1920 et meurt en 1921.
Alexis Cardinal Charrost (1921-1930)
Alexis Charost fait ses études au séminaire du Mans et au Séminaire français de Rome. Brillant intellectuel, il est repéré par Mgr Labouré alors archevêque de Rennes qui en fait son secrétaire. Mgr Dubourg en fait ensuite son vicaire général. Tenté par le Sillon, il s’en éloigne rapidement. Sensible aux idées de Charles Maurras, l’Abbé Charrost devient royaliste.
C’est un prélat doctrinalement sûr qui est envoyé comme évêque auxiliaire de Cambrai en 1913 puis quelques mois seulement après, il devient le premier évêque de Lille. Dans ce diocèse, il doit lutter contre les « abbés démocrates » dont l’Abbé Lemire qu’il suspend. Héros devant l’occupant pendant la guerre, il est apprécié de ses diocésains. En 1920, il est promu coadjuteur de Rennes, archevêque en 1921 et cardinal en 1922. C’est alors un archevêque qui défend l’Eglise et la foi catholique que gagne Rennes. Il s’oppose aux projets maçonniques du Cartel des Gauches, il lutte contre les actions pernicieuses des « Abbés démocrates » qui, sans doute avec le légitime désir d’aider les pauvres sapent en fait le christianisme en oubliant que l’Eglise a déjà son modèle de développement économique et social : la Doctrine sociale de l’Eglise. Malgré tout, il doit tolérer l’Abbé Trochu à la direction du journal « l’Ouest Eclair », sur pression des nonces Cerretti et Maglione qui préparant la condamnation de l’Action Française recherchent des prêtres engagés sans la vie politique. Mgr Charrost est en position inconfortable lorsque intervient la condamnation car il est proche de l’Action Française. Avec panache, il refuse la sollicitation de la nonciature d’être le leader de la campagne de condamnation. Dans son diocèse il restera mesuré.
Un évêque regretté meurt en 1930.
Mgr René Mignen (1930-1939)
Le successeur du Cardinal est son exact opposé, à un intellectuel de haute stature physique et intellectuel, succède un petit homme, besogneux qui a compensé son manque d’envergure intellectuelle par un travail méthodique. C’est un vendéen né en 1875 d’une famille où les influences maçonniques ne sont pas nulles. Il fait ses études au Séminaire français de Rome et devient secrétaire de l’évêque de Luçon. Il est ensuite professeur au séminaire, économe et supérieur. En 1922, sans expérience pastorale, l’Abbé Mignen devient évêque de Montpellier. Curieuse nomination, le besogneux Mignen succède eu brillantissime Cardinal de Cabrières, évêque depuis 47 ans. C’est à Mgr Mignen que revient l’application de la condamnation de l’Action Française, il l’applique à sa façon : implacable, rigoureuse et mesquine. Mgr Mignen est détesté, par les évêques voisins qui lui reprochent un activisme déplacé, par les évêques bretons car il héberge le triste Abbé Trochu à Montpellier et par son diocèse qui regrette le Cardinal de Cabrières qui savait à la fois, défendre la foi catholique, être proche des gens et s’occuper des questions sociales. Mais, c’est le nonce Maglione a trouvé en Mgr Mignen un prélat intraitable et il en cherche dans cette période de condamnation de l’Action française.
Mgr Mignen est donc promu archevêque de Rennes en 1931. Le contraste est tout aussi saisissant derrière le remarquable Cardinal Charrost. Mignen est aussi ennuyeux, peu disert et revêche que le Cardinal était passionnant, affable et cultivé. Avec ardeur, il s’attaque à tous ceux qu’il estime être sympathisants de l‘AF, mesquin jusqu’au bout, il détient le record national de refus de sépultures religieuses. Simultanément, il soutient les mouvements démocrates. Il s’intéresse à l’action catholique, ce qui n’est pas mauvais en soi mais, dans le contexte où il le fait, il jette des bases qui expliquent la gauchisation progressive du monde rural. Et lorsque l’action aura pris le pas, il n’y aura plus rien de catholique. En même temps, il lui faut des prêtres si possibles démocrates, il a l’obsession du nombre plus que de leur formation. Des quantités de prêtres nés entre 1915 et 1920 entreront au séminaire Mignen. Ils y recevront une formation médiocre mais seront aux commandes dans les années qui entourent Vatican II. Ils seront bien souvent plus déboussolés que révolutionnaires et prisonniers de l’insuffisante formation reçue au Séminaire. Prélat détesté, Mignen meurt en 1939. Ses quelques défenseurs disent que la mort l’a empêché d’obtenir la barrette, pourtant si Rome l’avait souhaité, il aurait été cardinal. Mgr Charrost avait été crée cardinal un an seulement après sa promotin à Rennes. Mais le cardinal Charrost était un grand évêque.