À l’occasion du centenaire du décret sur la communion des enfants (Quam singulari, 8 août 1910), la revue Marchons Droit (n° 130, 2e trimestre 2010) a eu la bonne idée de publier deux épisodes de la vie du saint pape qui permettent de mieux comprendre sa décision.

« Tu seras peut-être pape un jour... »

Le futur pape, né en 1835 à Riese, se nommait Giuseppe (Joseph) Sarto. On l’appelait communément Beppo, diminutif italien de Giuseppe.
Beppo avait une dizaine d’années lorsqu’il fit sa première confession. Il se sentit alors de plus en plus attiré vers le tabernacle. Quand il servait la messe, au moment de la communion des fidèles, il aurait tellement désiré recevoir lui aussi la sainte hostie ! Mais l’usage voulait que l’on n’admît habituellement les enfants à la sainte Table que vers l’âge de quatorze ans.
Beppo finit par interroger son curé. Celui-ci lui répondit qu’il ne pouvait s’affranchir de la coutume en vigueur, tout en lui conseillant de s’adresser à l’évêque à l’occasion de la confirmation.

C’est à onze ans que le garçon fut confirmé. Après la cérémonie, il prit son courage à deux mains et s’introduisit dans la pièce où le prélat était à table en compagnie du clergé :
« Je voudrais savoir, Monseigneur, pourquoi les enfants sont obligés d’attendre si longtemps leur première communion.
— Quel âge as-tu ?
— Onze ans.
— Eh bien ! tu n’es pas encore assez instruit pour recevoir le plus grand des sacrements.
— Je sais que Notre-Seigneur est présent dans la sainte hostie et qu’il veut venir dans mon cœur. En savez-vous plus, Monseigneur ? »
Le prélat se tut un instant, puis il répondit en souriant :
« Peut-être as-tu raison. Mais je n’y puis rien changer. Il te faudrait interroger le Saint-Père.
— Je ne peux aller à Rome. C’est trop loin », répondit doucement Beppo.
Un prêtre ayant expliqué à Monseigneur que l’enfant songeait à devenir prêtre, l’évêque eut ces paroles prophétiques : « Tu seras peut-être pape un jour ; et alors tu pourras faire des changements. »
Beppo se permit d’insister : « Ne pouvez-vous m’accorder au moins une dispense d’un an ou deux ? » Monseigneur consulta le curé de Riese et le chargea de donner sa réponse au garçon : celui-ci serait admis à la sainte Table à Pâques de l’année suivante !

« Laissez venir à moi les petits enfants »

En 1909 ou 1910, Pie X reçut la visite d’une dame anglaise accompagnée de son garçon de quatre ans. Tandis que le pape s’entretenait avec la mère, l’enfant s’approcha et posa la main sur les genoux du Saint-Père. Inquiète à la vue d’une telle familiarité, la dame s’écria : « John ! » Et le pape de répliquer : « Laissez venir à moi les petits enfants ! » Alors le garçon osa demander : « Quand pourrai-je communier ? »
Pie X ferma les yeux : il repensait à sa propre enfance, à la requête qu’il avait adressée à son curé puis à son évêque. L’interrogatoire du garçonnet fut rapide :
« Qui recevras-tu dans la sainte communion ?
— Jésus-Christ.
— Qui est Jésus-Christ ?
— Jésus-Christ est le Fils de Dieu. »
Alors le pape demanda à la mère de revenir le lendemain matin : l’enfant recevrait Jésus-hostie pour la première fois de la main du Saint-Père, dans sa chapelle privée.
Peu de temps après paraissait le décret sur la communion des enfants.