Les archives du Forum Catholique
Forum | Documents | Liens | Q.F.P. | Oremus

Les archives du Forum Catholique

JUILLET 2003 A MARS 2011

Retour à la liste des messages | Rechercher

Afficher le fil complet

CEF:"La Création au risque de l'environnement" Imprimer
Auteur : Jean Kinzler
Sujet : CEF:"La Création au risque de l'environnement"
Date : 2008-12-18 07:33:40

17-12-2008
Etude des évêques "La Création au risque de l'environnement"

Dans un document, la Conférence épiscopale française invite les chrétiens à réfléchir au sens de l’aventure humaine sur terre et à faire des choix de vie en conséquence


LA CREATION AU RISQUE DE L’ENVIRONNEMENT


Introduction

La sauvegarde de la création est un enjeu de notre temps. Nombre de politiques et de scientifiques ont le courage de l’inscrire au cœur de leurs préoccupations. L’étude conjointe du Service pour les questions familiales et sociales et de l’Antenne Environnement et modes de vie au service de la Conférence des Evêques de France veut apporter sa contribution à ce dossier.

Dans le présent et l’avenir de l’humanité les chrétiens reconnaissent les déploiements du projet créateur de Dieu. Il a fait le monde pour le bonheur de tous et le confie à notre responsabilité : pas simplement les différents éléments qui composent la nature et qu’il nous faudrait préserver mais la permanence de la grande aventure qui oriente l’histoire de l’humanité depuis son commencement, la présence de la vie et de son amour universel.

La Bible donne un contour précis à notre relation à la nature et à notre responsabilité. Nous sommes les serviteurs d’un bien commun appartenant à tous et destiné à tous. La motivation écologique des chrétiens et leur engagement pour un développement durable sont donc fondés principalement sur la solidarité qui nous unit aux hommes de partout avec qui nous partageons le bien de la création.

C’est pourquoi le message chrétien sur l’environnement ne se réduit pas à inviter au respect d’un contrat social d’une exploitation mesurée de la nature. Il propose de vivre une alliance avec les créatures et avec le créateur, pour que le monde évolue dans l’harmonie que Dieu a voulue. C’est par fidélité à cette alliance que nous devons aller à la recherche de nouveaux modes de vie, de rythmes naturels respectueux de l’œuvre créée et de dessein du créateur, de nouvelles conceptions de notre relation aux biens de la nature pour un partage plus équitable des richesses et une sauvegarde effective au bénéfice de tous de ce que la nature met à notre disposition.

D’où vient-il qu’il y ait tant de résistance à changer de comportement ? Le ressort auquel il est fait appel pour inviter l’homme à réagir est trop souvent celui de la peur, la peur d’une dégradation irréversible de l’environnement, la peur qu’inspire à l’homme sa capacité de détruire. La conversion chrétienne suppose une profonde estime pour le projet créateur de Dieu, la volonté d’en être partie prenante.

« Il s’agit de garder la terre au nom de tous… pour tous les autres ici et là-bas, pour tous les autres aujourd’hui et demain, pour tous les autres au ciel et sur la terre ».

Dans la réflexion de l’humanité sur son développement durable, La création au risque de l’environnement rappelle qu’elle en est le fondement pour les chrétiens : la création, œuvre de Dieu, implique une totale solidarité entre les divers éléments de la nature ; l’homme a la responsabilité particulière de la préserver et de la développer. Programme d’avenir plus que mesure de sauvetage !



Jean-Charles Descubes, Archevêque de Rouen, Président du Conseil pour les questions familiales et sociales.

Marc Stenger, Evêque de Troyes, Président de Pax Christi


Plan Etat des lieux
Hier et aujourd’hui, une inquiétude croissante

Que peut apporter l’Eglise catholique ?
Un autre horizon pour penser l’avenir

La création est une alliance.

Responsables de la planète « Terre »

Plus que durable

Dieu s’inquiète-t-il des bœufs ? 1 Co 9,9
Une alliance au-delà du contrat social
Rappelle-toi ce jour où Dieu s’arrêta

Inventer de nouveaux styles de vie

Une grande résistance

Seigneurie du Christ


Une planète en péril : état des lieux


L'état des lieux porte sur la dégradation de notre cadre de vie et, plus globalement, de l'environnement planétaire, une réalité sensible qui englobe le réchauffement climatique et ses conséquences, un phénomène amplement médiatisé, mais également l'accroissement du degré de pollution de l'air, de l'eau et des sols, la réduction de la biodiversité et la détérioration du caractère esthétique des paysages. A ce constat s'ajoute la crainte d'un épuisement prochain des ressources naturelles et d'une évolution irréversible des dommages qui porte en elle les germes d'une crise majeure pour l'humanité.

Deux dossiers majeurs polarisent aujourd’hui les préoccupations écologiques et ont des implications sur le long terme.

- L’épuisement de ressources de la planète, par surexploitation et gaspillage. C’est le cas de l’eau, du pétrole, mais aussi de la biodiversité et des sols.

- La pollution de la planète Terre, soumise à une accumulation de déchets et à de multiples et profondes dégradations. Dans ce dossier les questions sont relatives à la qualité de l’eau, de l’air et des sols.


Le réchauffement climatique provoqué par l’homme est maintenant une quasi-certitude partagée par la communauté scientifique. L’augmentation de la température moyenne de la Terre est liée à la concentration dans l’atmosphère de dioxyde de carbone (CO²), méthane (CH4) et dioxyde d’azote (N2O) principalement, dits à effet de serre, provenant de la consommation croissante de charbon, de pétrole et de gaz, du changement de l’utilisation des terres et de l’agriculture.

L

L’importance du problème a été reconnue par les organisations internationales vers 1980. En 1988 a été créé le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Une première conférence internationale s’est réunie à Rio, au Sommet de la Terre en 1992 pour décider des conditions d’un développement durable..

Le Protocole de Kyoto ratifié en 2005 par de nombreux pays développés, amorce un engagement volontaire de ces pays à réduire d’ici 2010 leurs émissions de gaz à effet de serre. L’Europe, notamment, a pris la décision de réduire de 20% ses émissions d’ici 2020, voire 30% si un accord global est signé dans le cadre de l’après Kyoto.

Selon le groupe de travail I du GIEC, les concentrations de l’atmosphère en gaz à effet de serre ont crû par suite des activités humaines depuis 1750. La concentration en CO2, le plus important des gaz à effet de serre, est ainsi passée de 280 ppm (parties par millions) à 379 ppm en 2005, variations dépassant largement les variations naturelles observées durant les 650 000 dernières années, déduites à partir des carottes de glace. Son accroissement annuel a été plus important au cours des dix dernières années qu’il ne l’avait été auparavant.

Le réchauffement de l’atmosphère a entraîné une décroissance généralisée des glaciers et des calottes glaciaires de l’Arctique, du Groenland et de l’Antarctique contribuant à une augmentation du niveau de la mer ; augmentation amplifiée par la dilatation de l’eau du fait de son réchauffement.



e réchauffement climatique paraît engagé dans un processus irréversible. Dans leur grande majorité, les politiques (personnes et institutions) prennent le fait de plus en plus au sérieux. L’humanité est ainsi confrontée à un nouveau défi, d’une ampleur inhabituelle et avec des échéances de temps très courtes. Il s’agit de trouver les voies permettant d’une part de limiter le réchauffement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, et en même temps de préparer les populations aux adaptations nécessitées par ses conséquences inéluctables, variables selon les régions, selon leur nature et leur ampleur : montée des eaux des océans, désertification, risque de développement de maladies et d’endémies. Personne aujourd’hui ne voit comment stopper le processus. Les parades, même les plus volontaristes se trouvent limitées à des opérations de ralentissement.



Le calcul de l’empreinte écologique des activités humaines est une manière synthétique, encore perfectible, mais suffisamment objective dans ses ordres de grandeur, pour évaluer la pression de l’humanité sur la planète. Et il est maintenant clair que si le mode de vie occidental devait devenir celui de tous les peuples du monde, il exigerait beaucoup plus que ce que la Terre peut offrir durablement.

Une telle approche permet de comprendre que l’enjeu véritable, au delà du gaspillage des ressources est surtout celui de l’avenir de l’humanité et le risque d’écraser ou de voir se révolter les plus démunis à cause de la myopie et de l’inconscience du style de vie des plus favorisés.

La question écologique navigue entre deux attitudes :

- L’angoisse du futur. Elle mobilise intelligences et volontés et sous-tend les recherches de programmes correctifs. Mais elle neutralise aussi le désir d’aller de l’avant.

- Un optimisme « consumériste » fondé sur la conviction que des innovations techniques pourront toujours inverser les tendances.

L’une et l’autre conduisent à des décisions et à des applications qui demeurent encore bien en deçà des mesures qui seraient indispensables. Pessimistes ou fatalistes, ces postures affectent la justesse d’un regard trop polarisé sur le moment présent.


Les deux phénomènes évoqués ci-dessus sont scientifiquement avérés et la conscience de leur gravité progresse à grand pas dans l’opinion. Ils se produisent à l’échelle planétaire et demandent une coopération internationale. Cette situation est propre à l’ère qu’il est convenu d’appeler la mondialisation . Pour la première fois de notre histoire pourtant bien récente, la terre, berceau de l’humanité, est perçue comme capable de devenir son tombeau, selon l’usage que nous en ferons.


Voir en Annexe I

quelques déclarations

au fil de l’histoire


En 1597, Ordonnance d’Henri IV

En 1681, en Amérique William Penn

En 1701, Vauban,

En 1789, le Dr. Nicholas Collin, aux EU

François-André Michaux, (1770-1855)

Jacques-Gérard Milbert, (1776-1840)

En 1830, Jean-Baptiste de Monet, chevalier de Lamarck

En 1846, Georges B. Emerson (Boston)

En 1864, George-Perkins Marsh

En 1905, le géographe Elisée Reclus

En 1909, le président Théodore Roosevelt

Hier et aujourd’hui : une inquiétude croissante


Des réflexions très anciennes jalonnent l’histoire à propos de la sauvegarde de la nature1. Elles pointaient déjà l’inadéquation de certains modes de développement humain avec le maintien de ressources pour les générations futures.




Le XXè siècle a été pour l’humanité celui des premiers pas de l’homme sur la lune. Pour la première fois de son histoire, l’humanité prenait de la distance à l’égard de son milieu d’origine. Pour la première fois, elle pouvait s’observer de l’extérieur à des milliers de kilomètres de son milieu naturel. La Terre y apparaissait superbe, majestueuse. Par la puissance de la vie, par la maîtrise des éléments et la créativité dont ses habitants venaient de donner la preuve, la terre apparaissait comme le centre de l’univers, la maison de la famille humaine où il sera toujours bon d’habiter2. Tout paraissait possible à l’humanité. Il suffisait de compter avec le temps pour s’assurer la maîtrise de tous les défis présents et à venir. Pourtant, cette vision de l’extérieur a porté en germe la prise de conscience de la finitude et de la fragilité de notre planète-terre.


Quarante années après ce jour mémorable de 1969, alors même que l’inventaire des richesses de notre planète n’est pas achevé, l’optimisme est en effet retombé. L’inquiétude sur l’avenir a atteint un point culminant, inimaginable il y a quelques décennies. L’observation de phénomènes provoqués en grande partie par l’activité humaine pose de manière radicale la question de l’avenir. Sera-t-il encore possible de vivre sur Terre, et dans quelles conditions, si nous ne prenons pas les mesures voulues pour endiguer les risques écologiques que nous générons ?


P


Au début du Néolithique (10 000 av JC) : 5 millions d'humains

de la fin du Néolithique à l'an 1000 ap JC : 250 millions

13ème siècle : 400 millions

17ème siècle : 600 millions

au milieu du 18ème siècle : 800 millions

au début du 19ème siècle : 900 millions

vers 1825 : 1 milliard

vers 1925 : 2 milliards

en 1960 : 3 milliards

en 1975 : 4 milliards

en 1987 : 5 milliards

en 1999 : 6 milliards


Albert Jacquard La légende de la vie – p. 307
our répondre à cette question, il convient de ne pas stigmatiser l’accroissement démographique comme s’il était la source de tous les dérèglements écologiques.. Il est vrai que la croissance exponentielle de la population mondiale depuis un siècle est impressionnante. Les prévisions récentes conduisent à constater un fléchissement de l’accroissement de la population et une stabilisation à partir de 2050. Il est avéré également que la croissance du niveau de vie est un facteur de diminution démographique. On constate que l’élévation du niveau de vie des populations les plus pauvres influe sur la natalité. C’est le style de vie des populations les plus riches qui devrait se transformer pour sauvegarder les richesses naturelles et leurs cycles de renouvellement..





L

Les différents rapports du GIEC, qui traitent du changement climatique et de ses conséquences, résonnent en nos mémoires de manière très actuelle. Nous savons qu’un niveau de vie comparable à celui de certains habitants des pays développés, pour tous les habitants de la terre n’est pas envisageable sans multiplier les risques d’un épuisement précipité des ressources naturelles, d’une pollution industrielle accrue et d’émissions de gaz à effet de serre source de désertification et de bouleversement climatique en même temps que montée des océans dramatiques. Nous savons que la destruction actuelle de la forêt tropicale pour établir des cultures ou pour exploiter abusivement le bois fait disparaître des milieux naturels et des espèces vivantes, alors même que ces espaces nous offrent régulièrement de nouvelles substances ou des médicaments. Toutes les menaces qui en découlent au niveau mondial ont conduit à un consensus des gouvernements au sommet de la Terre à Rio en 1992. Ceux-ci ont défini les normes d’un nouvel équilibre mondial basé sur l’idée d’un développement durable de l’humanité et de la planète qui intègre l’économie, l’environnement, le social et le culturel.
’engagement des scientifiques, des responsables politiques, celui de multiples associations pour alerter l’opinion publique et pour inciter à la défense de l’environnement, en toutes les directions possibles, est patent.

Les Eglises et les religions ne sont pas en reste. Déjà en 1989, le rassemblement œcuménique européen qui s’est tenu à Bâle, abordait le sujet sous le titre « Paix, justice et sauvegarde de la création ». En janvier 1990, le Pape Jean-Paul II à l’occasion du 1er janvier a proposé une réflexion intitulée : « La Paix avec Dieu créateur, la Paix avec toute la création ». En janvier 2000, la Commission sociale des évêques de France publiait « Le respect de la création. » et au cours des derniers mois, le Pape Benoît XVI est intervenu à plusieurs reprises sur ce sujet très préoccupant.




Que peut apporter l’Eglise catholique ?


Les compétences scientifiques de nombreux chrétiens et la réflexion du magistère de l’Eglise catholique se rejoignent sur l’état des lieux qui vient d’être fait. Le message porté par les chrétiens ne peut se limiter à redire la nécessité de la biodiversité, le drame de la déforestation, l’inconnue de l’aventure des manipulations génétiques, les dangers de la mort des coraux et des océans ou de la fonte des calottes glaciaires. Ces divers aspects ont déjà fait l’objet de nombreux rapports pertinents


Il est heureux que se soient créés des comités d’éthiques au sein de chaque discipline scientifique. C’est une invitation faite aux chercheurs à réfléchir aux finalités comme aux limites de leurs travaux ; manière d’appeler à la prudence ceux qui sont à la pointe de la recherche. Ces comités seront peut-être à l’origine d’un changement de style de vie pour chacun de nous afin qu’à moyen terme nous puissions enrayer, selon notre marge de manœuvre personnelle, certains des dangers qui nous menacent. L’Eglise dans son ensemble peut faire corps avec les recommandations de multiples institutions qui tentent de réguler les comportements industriels et domestiques. Les chrétiens s’engageront ainsi à soutenir les efforts qui sont faits pour que soient respectées des lois qui articulent liberté et précaution en vue du bien commun, même si certains n’en tiennent pas compte et les contournent.

Bien entendu, les chrétiens, en référence à la mission singulière de l’Eglise, proposent une vision du monde et de l’histoire au-delà des réponses scientifiques, politiques et morales. Mais cette vision du monde et de l’histoire contribue à structurer un dialogue entre les porteurs de sens, théologiens, philosophes et les scientifiques ou responsables politiques.



U

Il est évident qu’une solution adéquate ne peut se limiter à une meilleure gestion, ou à un usage moins irrationnel des ressources de la terres. Tout en reconnaissant l’utilité concrète de telles mesures, il paraît nécessaire de remonter aux sources et de considérer dans son ensemble la crise morale profonde dont la dégradation de l’environnement est un des aspects préoccupants.

Jean Paul II – Message pour la journée de la paix 1er janvier 1990-
n autre horizon pour l’avenir ?


Nous ne pouvons pas enfermer le bonheur dans les urgences à répondre aux défis écologiques, ni penser l’avenir comme un développement des techniques pour l’amélioration des conditions de vie sur cette terre. Une telle perspective « s’est retournée en menace » écrit Hans Jonas3.



Au-delà des mesures de bon sens que le magistère de l’Eglise soutiendra et qu’il ne lui appartient pas de déterminer, quel est le sens de la présence de l’homme et de son intelligence sur cette petite planète ? Qu’est-ce que représente la Terre, dans l’immensité d’un univers tellement plus vaste ? Quel est le sens de notre avenir ? C’est à ce carrefour de questions fondamentales que se trouve la mission des chrétiens. Si pour y répondre la raison scientifique « doit accepter comme un donné la structure rationnelle de la matière, tout comme la correspondance entre notre esprit et les structures rationnelles qui règnent dans la nature, un donné sur lequel est fondé sa méthode ; cependant la question « pourquoi il en est ainsi ? » demeure, et doit être transmise par les sciences de la nature à d’autres niveaux et à d’autres manières de penser – à la philosophie et à la théologie »4. Eclairée par la foi chrétienne chacun engagera une réflexion sur le développement et la pratique de la science. Pour ce faire chacun prendra en compte un espace et une histoire qui débordent les limites de notre planète au cœur d’un univers où l’évolution de l’humanité n’en est qu’à ses débuts5 et sur lequel s’étend pour nous chrétiens, la Seigneurie du Christ.


Le Pape Jean Paul II évoque une écologie humaine authentique en précisant : « Non seulement la terre a été donnée par Dieu à l’homme qui doit en faire usage dans le respect de l’intention primitive, bonne, dans laquelle elle a été donnée, mais l’homme, lui aussi, est donné par Dieu à lui-même et il doit donc respecter la structure naturelle et morale dont il a été doté »6.

La mission de l’Eglise est d’inciter à faire usage de notre intelligence pour dépasser, sans en diminuer l’importance, une écologie de correction et nous engager vers une écologie de fondation7. Une écologie de correction qui engagerait l’humanité à corriger ce que le développement à marche forcé produit lorsqu’il épuise les ressources non renouvelables de la terre. Une écologie de fondation, celle qui engage l’humanité à penser à la finalité de l’aventure humaine pour en tirer les conséquences dans la conduite du développement. Il ne s’agit pas de les opposer mais de conjuguer les énergies scientifiques, techniques et spirituelles.

C’est une invitation à une grande modestie et à un dialogue entre notre histoire et l’histoire de la nature. Toutes les données de notre mémoire scientifique, toutes nos capacités d’analyse et d’invention, la force de notre curiosité, nos aspirations à une vie sans fin et notre expérience spirituelle seront mobilisées pour penser l’avenir en tenant compte non seulement de notre fragile et mystérieuse origine, mais surtout et d’abord en fonction de la Révélation en Jésus Christ du dessein du Salut pour toute la création. Il s’agira d’un dialogue entre les hommes bien sûr, entre les âges, mais à propos de notre vie commune avec la nature, avec le cosmos, avec l’au-delà du cosmos et surtout, dans une autre dimension, d’un dialogue entre l’homme et le Créateur. Le fondement biblique de la réflexion des chrétiens manifeste qu’il est essentiel de se situer du côté des fondements de l’aventure humaine voulue par le Créateur. Cette ouverture à une altérité qui transcende l’histoire humaine tout en plongeant dans le dessein qui la fonde et la rend possible, telle est la responsabilité que des chrétiens entendent assumer pour servir l’humanité.


Telle est la perspective de la fondation vers laquelle il convient de s’orienter. Il est fort probable alors que de nouvelles manières d’être, de nouveaux comportements pourraient résulter d’une réflexion sur le sens de l’histoire humaine.



La création est une alliance


Dans la Bible, la création de l’univers est mise en scène par deux récits qui nous livrent l’observation de la nature au moment où ces textes ont été rédigés. Ils sont empreints de la vision de la science telle qu’elle peut être au retour de l’exil à Babylone (au VIè siècle avant JC). Mais l’un et l’autre ont une visée singulière, selon un rythme plus ou moins poétique : il y eut un soir, il y eut un matin, plus ou moins logique : il n’y a pas de vie sans lumière… c’est pourquoi le récit raconte qu’il fallut commencer par séparer la nuit du jour, il n’y a pas de vie sans terre, il fallut séparer l’eau et la terre pour que viennent les arbustes etc…

Aucun de ces deux récits ne peut prétendre répondre aux questions que se pose la science d’aujourd’hui. Aucun des deux n’a cette prétention. En revanche, l’un et l’autre sont une composition qui à chaque fois fait émerger un sens à travers l’observation des phénomènes. Le premier récit accrédite la beauté et la bonté de toute la création : « Et Dieu vit que cela était bon » (Genèse 1,10). Le second met en lumière la confiance faite à l’homme pour la garder (Genèse 2, 16). Ces textes montrent chacun à leur manière que Dieu est engagé dans cette aventure en son principe et en sa finalité. Les deux textes conduisent à une confession de foi. L’ordre du divin et l’ordre de l’univers sont inséparables ou comme l’écrit Jean-Paul II, « toute cette réflexion biblique met mieux en lumière, le rapport entre l’agir humain et l’intégrité de la création »8.

La théologie catholique reconnaît que Dieu n’est pas dépendant des lois de la nature selon laquelle il agirait. Il crée la nature et notre capacité d’y reconnaître des « lois ». Saint Thomas le disait déjà : « Nous ne dépouillons donc pas les choses créées de leurs actions propres, bien que nous attribuions à Dieu tous les effets des choses créées en tant qu’il opère en toutes »

(Somme contre les Gentils trad. Vincent Aubin, Flammarion, 1999, t. III , chap. 99, p. 247.).




La science moderne éclaire ces données d’un jour nouveau en cherchant à pénétrer aussi loin que possible dans l’intelligence des origines de l’univers ; son approche est de plus en plus précise, marquée par un savoir exponentiel qui se heurtera toujours à une grande zone d’ombres et d’incertitudes. Cette dynamique porte les croyants à imaginer, si l’on peut ainsi parler, un Créateur qui se passionnerait pour un monde en devenir où l’imprévu est possible. Cet imprévu n’est pas le fruit du hasard ou de la mécanique des choses de l’univers. Il est aussi rendu possible du fait de l’action humaine qui a acquise une grande puissance. Une puissance telle que jamais auparavant puisque pour la première fois de l’histoire, l’action de l’homme menace sa propre survie. Ce danger a été mis en évidence par un interdit posé dès les premières pages de la bible, dans l’image de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, planté par Dieu au cœur du jardin. La liberté de transgresser l’interdit et par là de mettre en péril l’existence de l’humanité, était donc, sinon prévue, du moins constatée.


C’est de cette manière que les chrétiens abordent l’action à mener face à la crise écologique.

Elle ne se fonde pas sur l’illusion d’une politique écologiquement correcte qui suffirait pour assurer le salut ou le bonheur. La création telle que l’entend le christianisme ne peut avoir comme seul horizon, le bien être et le confort de l’homme à l’intérieur d’un monde qu’il suffirait d’organiser le mieux possible pour y parvenir.

L’illusion est d’autant plus grande que les performances de la science sont réelles. A la faveur de nombreuses applications techniques, celles des moyens de communications modernes par exemple, la relation à l’espace et au temps s’est transformée. Il y a là une donnée tout à fait nouvelle. Nous sommes en perpétuelle adaptation culturelle voire en changement de civilisation9. De la même manière les découvertes de la science transforment notre compréhension à propos de l’apparition de la vie et de son évolution. Les sciences peuvent faire l’hypothèse d’une apparition de la vie multiple intergalactique… Ceci ne nous dispense pas d’une réflexion sur le mystère de la destinée humaine tel qu’il est dévoilé pour une part dans les récits de la création au livre de la Genèse et d’autre part tel que la science le présente aujourd’hui. Chrétiens où en sommes-nous non seulement de la prise en compte des découvertes récentes de l’astrophysique, de l’évolution, des similitudes génétiques entre l’homme et l’animal mais de la relation de ces champs de découvertes avec la création entendue par le christianisme ? Un vaste chantier est ouvert pour une réflexion avec des scientifiques et des philosophes pour comprendre la place de l’homme dans le cosmos sans pour autant renoncer à dévoiler le sens du monde, sa vie qui jaillit de la mort, la connaissance de son origine en Dieu, et la nouvelle création en Jésus Christ.

Toutes les découvertes scientifiques ne remettent pas en cause l’acte de foi en la création et en la Seigneurie du Christ qui nous enseignent que le Christ n’est pas venu pour perfectionner le monde par la morale ou par la science. Mais pour annoncer et inaugurer un autre monde qui n’est pas la réplique perfectionnée de celui-ci.

Du point de vue de la connaissance, la Bible et l’enseignement du magistère disent leur représentation des origines à chaque époque ; du point de vue de la foi, il y a l’affirmation que tout être tire son existence de la volonté de Dieu de faire toutes choses belles et bonnes.

D’où l’invitation à remonter à ce qui fonde l’histoire dans le dessein créateur comme une marche vers une Terre promise offerte et reçue et que la prétention à l’autonomie, conquise et usurpée, a dévoyée.


L’articulation de toutes ces données peut éclairer notre responsabilité.


Responsables de la planète « Terre »


La foi en la création nous fait prendre conscience de la responsabilité souveraine qui nous incombe.

Nous sommes responsables c'est-à-dire en capacité de décider. Non pas au point d’être tout puissants. Mais nous sommes responsables du développement entrepris depuis fort longtemps. Nous sommes responsables d’un développement durable.

C’est l’expression que notre langue a forgé depuis quelques décennies pour indiquer l’orientation que nous devons donner à notre action sur le monde. Elle comporte à la fois un dynamisme et une retenue pleine de sagesse. C’est de cette manière que nous sommes invités à penser l’avenir.


Nous n’avions pas jusqu’ici une conscience claire de notre responsabilité sur la nature, dans la durée et dans l’espace. Pendant des millénaires, le rapport entre l’homme et la nature fut souvent conflictuel. L’homme devait mener un combat pour survivre. Défricher, chasser, cultiver, résister, domestiquer, habiter… autant de verbes qui évoquent des luttes ancestrales contre une nature souvent perçue comme hostile. Dans ce contexte, il était inimaginable d’interpréter la vocation humaine autrement que de manière brutale pour survivre.

Au fil des siècles, les richesses acquises par les uns, les ressources naturelles héritées par les autres ont provoqué des guerres dévastatrices qui ruinèrent des territoires entiers. Il est encore aujourd’hui très difficile pour un peuple de réaliser que les richesses de son territoire particulier, ne lui appartiennent pas de manière exclusive si d’autres meurent à la porte de ses frontières.

L’heure apparut pourtant, ici ou là, d’une abondance possible et d’une sécurité plus grande grâce à la paix. A ce moment, la science a semblé occuper la place de l’espérance. La Recherche menée avec plus de rigueur et ses applications, permettraient à l’humanité de percer le secret des cataclysmes, des pandémies, des fléaux jusqu’ici non maîtrisés, voire de la pauvreté.

Aujourd’hui la même science, au nom de sa propre rationalité, a montré qu’elle était moins porteuse d’espérance que de crainte. L’usage que l’homme est capable d’en faire, soumis le plus souvent à des pressions économiques, s’est avéré aussi capable d’épuiser les ressources de la planète, de menacer la vie et de relancer les guerres les plus barbares Face à cet état de fait, la responsabilité de chacun n’est plus anonyme. Nous savons analyser et identifier les causes, nommer les origines de certaines catastrophes. C’est le cas des pollutions nucléaires, pétrolières ou chimiques.

Développement durable


Mis au jour en 1987, dans le rapport Brundtland, le développement durable est « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Deux concepts sont inhérents à cette notion : le concept de " besoins ", et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité, et l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale impose sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir. »

Le sommet de la terre de Rio, en 1992, a reconnu, pour l’ensemble de la planète, que ce développement durable devait concilier trois principes : l’efficacité économique, l’équité sociale et la protection de l’environnement.

Le relatif succès du concept a parfois conduit à utiliser le terme de développement durable pour qualifier une croissance économique qui ne s’affaiblit pas ou qui s’orne de quelques compensations sociales ou environnementale. Il ne s’agit pas de cela mais bien d’un changement radical de vision pour construire le progrès sur les trois principes énoncés et non sur un seul. Le terme de « développement soutenable », utilisé au début est, ainsi, plus clair, manifestant que le développement actuel est souvent « insoutenable » !


*

Plus que durable


*

L’expression développement durable est un concept qui tente de définir une manière de se comporter et qui engage la responsabilité de tous, individuelle et collective, pour préserver l’avenir.


Nous comprenons bien ce que cela signifie. Il ne s’agit pas seulement d’une vie présente qui dure. Notre responsabilité nous engage à une solidarité dans l’espace, avec l’autre extrémité de la terre, en d’autres pays que celui où nous habitons, avec les océans, dans les airs, pour que la vie soit possible aujourd’hui partout et dans la durée pour que les générations futures puissent vivre.

Notre responsabilité porte aussi sur la vie en société et la paix possible entre les peuples, qui dépendent de ce développement pour tous, celui d’aujourd’hui et celui de demain. L’harmonie entre toutes ces solidarités ne coïncide pas simplement avec une offre de la technique comme telle. Aussi le caractère durable du développement, le caractère soutenable de la vie n’épuisent pas le message de l’Eglise à propos de l’environnement.

Le Pape Benoît XVI, dans sa récente encyclique sur l’Espérance nous entraine plus loin que ce que nous venons de dire. Qu’est-ce que la vie éternelle ? demande-t-il (n° 10). Elle n’est pas l’aboutissement d’un développement durable réussi. Elle ouvre une autre dimension, celle de la vie bienheureuse.


A

"La création est créée dans un état de cheminement vers une perfection ultime encore à atteindre, à laquelle Dieu l’a destinée. Nous appelons divine Providence, les dispositions par lesquelles Dieu conduit sa création vers cette perfection."


Catéchisme de l’Eglise catholique n°302.


la suite de St Augustin Benoît XVI fait référence à cet au-delà qui est bien présent dans le cœur de tout être humain : une seule chose nous importe écrit-il, « la vie bienheureuse… nous ne marchons vers rien d’autre… ». Cette vie bienheureuse ouvre sur un au-delà, elle brise nos limites et transcende notre raison. Elle se présente comme une promesse dont nous ignorons les contours, la profondeur, la hauteur et la largeur pour parler à la manière de Paul, mais elle ouvre sur toutes ces dimensions. C’est en les reliant les unes avec les autres par une solidarité entre toutes les créatures et, entre les hommes et la nature, que l’espérance est active. Une solidarité qui ouvre des horizons de responsabilité auxquels nous ne pouvons renoncer dès maintenant dans l’histoire et dans l’espace. Ces responsabilités nous obligent à garder comme « un jardin », selon l’image de la bible ou comme un lieu de vie, pour aujourd’hui et pour les générations futures, le cadre d’existence dans lequel nous avons évolué depuis l’apparition de la vie. C’est ce qui fait que le christianisme nous évite toute évasion de ce monde-ci.

Confrontée au fatalisme, ou à l’obscurantisme, ceci invite les chrétiens à une juste conception de la relation entre la science et la Providence. La Providence n’est pas là pour nous exonérer de notre responsabilité dans la recherche et dans les dispositions à prendre pour la sauvegarde de la planète. Aussi attentionnée soit-elle pour conduire la Création à son achèvement, elle n’est pas une force mystérieuse qui nous sortirait des embarras où nous nous serions mis. L’enseignement chrétien à propos de la liberté de chacun et de son articulation avec le bien de tous nous oblige à penser autrement. Aussi conditionnée soit-elle, la responsabilité de l’homme est entière.


L’espérance d’une vie bienheureuse a des dimensions terrestres et cosmiques. Elle ouvre aussi à une vie surnaturelle fondée sur la foi en une volonté créatrice qui nous dépasse et vers laquelle il nous revient d’orienter l’humanité et toute la création comme vers la source de son bonheur.




Dieu s’inquiète-t-il des bœufs ? 1 Cor 9,9


Paul répond que c’est de la responsabilité sociale de l’homme dont il est question, et du droit des apôtres à être pris en charge par les Eglises (v. 10). Mais cette réponse apporte une lumière à une réflexion marquée par l’humour. Elle tend à montrer que la relation de l’homme à la nature (ici les animaux) doit être mise en perspective avec sa relation à Dieu. Il y a un enjeu théologal dans cette relation à la nature et ceci nous invite à un au-delà du contrat social. Notre relation au Créateur implique à la manière de François d’Assise que nous nous préoccupions des bœufs dans notre relation à Dieu. Au cœur de cette relation la louange est le point le plus lumineux de la mystérieuse aventure dans laquelle il nous a lancés. C’est déjà ce dont témoigne le psaume 104 : toute la création jubile : le soleil, la lune, les étoiles… L’homme n’y est pas mis spécialement en relief ; mais l’homme est le seul qui puisse prêter sa voix aux paysages, aux bœufs et à tous les animaux, à l’infiniment petit et à l’infiniment grand. Le psalmiste lui rappelle cette responsabilité souveraine de prendre sa part de cette mission singulière (Ps 104v. 11). Qui mieux que François d’Assise l’a comprise et vécue. Le premier et le seul peut-être avec autant d’intensité et de justesse. Nous avons fait de l’homme le centre de tout au lieu d’en faire le serviteur de tout et de prêter sa voix à la nature ainsi que François d’Assise l’a fait pour l’entraîner vers son créateur au-delà du temps, au seuil de l’éternité et ceci dès aujourd’hui. François qui a chanté le cantique de la fraternité cosmique n’a évidemment pas oublié la fraternité sociale et le droit de tous les pauvres à en faire partie.


L’homme spirituel, le croyant chrétien qui médite sur le Nouveau Testament découvre que l’œuvre de Dieu transcende l’homme lui-même, lui rappelant qu’il n’est qu’une partie de la création. Toutes les choses sont alors mises en référence à Jésus Christ. Il découvre que la création est une promesse d’avenir, un acte de Dieu qui ne se comprend qu’à partir de son achèvement prévu à la fin des temps, lorsque tout l’univers sera réuni sous un seul chef le Christ (Ep 1, 10) et que « Dieu sera tout en toutes choses » (1 Co 15, 28). C’est à partir du Père qui nous a choisis avant la fondation du monde (Ep 1,4), que l’on peut remonter au commencement de l’alliance sans laquelle de manière si paradoxale, ni le monde, ni nous n’auraient de sens. Le présent de cette alliance est le commencement de l’histoire. Comme le disait merveilleusement St Grégoire de Nysse pour signifier que l’homme et Dieu sont toujours au seuil de l’éternité, à la fin et au début de l’histoire : « nous irons de commencement en commencement par des commencements qui n’auront jamais de fin ». Autrement dit, le cosmos a eu un commencement ; mais ce commencement englobe toute l’évolution du monde, comme un éternel présent jusqu’en son achèvement..

C’est ainsi que nous méditons et comprenons les récits du livre de la Genèse. L’histoire commence quand l’homme et Dieu échangent leurs premiers appels, leurs premiers mots : où es-tu Adam ? De cette mémoire nous sommes redevables. Elle est, avec la louange à la manière de François d’Assise, notre responsabilité de croyants aujourd’hui pour le salut de la Terre. L’une et l’autre placent l’humanité au seuil du nouveau monde.

Telle est la route de l’humanité sur notre planète

En définitive, il y a un secret qui concerne l’homme : celui de la Seigneurie du Christ dont la signification cosmique propose un accomplissement et une délivrance à tout l’univers dont l’homme est le témoin et le chantre. C’est la révélation d’une destinée qui n’enferme l’homme, ni sur lui-même, ni dans le cosmos. Une destinée qui s’accomplit dans l’amour et de l’homme et du cosmos et du Créateur. Ce faisant nous sommes au seuil d’un changement de civilisation, cette civilisation de l’amour selon l’expression si chère à Jean Paul II.

Cette vision chrétienne d’une articulation fondamentale entre Dieu, la création et l’homme nous invite à considérer que l’articulation entre les êtres fait partie de la réalité autant que les êtres eux-mêmes. La solidarité de l’homme avec les cycles naturels et les écosystèmes est, ainsi, constitutive de l’univers créé.


Nous ne savons pas ce que sera l’humanité aux races et aux langues mêlées, aux continents rapprochés, aux migrations constantes, au respect permanent de tous les êtres.

Mais nous savons que le surcroît de sens donné par l’alliance entre tous, nous libère de toute peur. Elle nous libère de nous-mêmes et nous ouvre aux autres ; elle nous offre les plus beaux titres de dignité qui soient, lorsque l’homme, comme aucun autre être vivant n’en est capable, en vient à offrir sa vie pour que d’autres vivent, ou à restreindre la possession de ses richesses pour partager, même ce qui lui paraissait indispensable et nécessaire…

Berdiaef10 appuie la proposition d’un tel dépassement sur le refus d’une prise de pouvoir sur ce monde-ci, manifesté par le Christ lors des tentations repoussées dans le désert. Ainsi la conception chrétienne de la création, celle qui nous met en relation avec l’univers, exige que l’on considère les biens de ce monde du point de vue du voyageur qui ne peut charger sa besace. Ce qui apparaît comme essentiel : le désir d’avoir et de jouir de biens de consommation où chacun rivalise avec ses voisins, l’exigence d’un confort qui épuise les ressources de la terre, le désordre d’un emploi du temps qui ruine la santé et rend indisponible : tout cela deviendra désuet et ce qui apparaît secondaire aujourd’hui deviendra essentiel : la fraternité, le partage, la singularité de chaque culture, l’attention à chaque personne. Telle est « l’écologie sociale » à laquelle Jean Paul II invitait lorsqu’il parlait du travail et de l’activité humaine.

L’austérité, la tempérance, la discipline et l’esprit de sacrifice doivent marquer la vie de chaque jour, afin que tous ne soient pas contraints de subir les conséquences négatives de l’incurie d’un petit nombre.


Jean-Paul II –Message du 1er janvier 1990 n° 13



Responsables d’une alliance au-delà du contrat social

L’altération de l’environnement, la détérioration du climat par-dessus les frontières, l’accélération de la consommation et le dérèglement des cycles naturels et ancestraux (saisons, horaires, écosystème, évolution génétique) ont des conséquences que personne ne mesure encore exactement sur l’avenir de la vie et l’avenir des choses, dans l’espace et dans le temps. On ne sait ce qu’il conviendrait de faire ou de ne pas faire, ni même quelle est la part de responsabilité de chacun dans ce phénomène. Pour obtenir un consensus aussi large que possible sur les mesures à prendre, il importe d’inviter à une réflexion sur le sens de la période de l’humanité dans laquelle nous nous trouvons et de chercher avec les scientifiques à quelle régulation des phénomènes en cours nous pourrions parvenir, puisque nous en sommes en partie responsables.


Pour nous chrétiens, une écologie de fondation, entraîne vers un au-delà de l’humanité ; là où le Créateur a conçu notre avenir comme une alliance entre tous les êtres. Le christianisme, comme toutes les religions, a pour vocation de relier la totalité des choses qui existent. A la manière dont l’écrit Michel Serres l’alliance nous entraîne au-delà du simple contrat social11.

Non pas que celui-ci ne doive pas exister. Mais il existe un au-delà des relations entre les hommes, une interdépendance de toutes les choses, de toutes les espèces, visibles et invisibles. Par les contrats exclusivement sociaux nous avons délaissé le lien qui nous rattache à la nature. « L’éthique de la création n’est pas l’éthique de l’humanisme » écrivait Berdiaev12. La lecture des textes bibliques invite à un tel dépassement. Aussi curieux que cela puisse paraître, sans la foi en un Dieu créateur, l’homme reste prisonnier du cosmos. Ainsi que l’exprimait avec force Emmanuel Levinas : « Le paganisme n’est jamais l’ignorance d’un Dieu unique… C’est une impuissance radicale à sortir du monde »13.Or, notre foi en la création porte en elle un au-delà du cosmos. Elle nous entraîne ailleurs, hors de l’histoire. C’est pourquoi c’est aussi dans cette foi que nous puisons une liberté très grande à l’égard du monde, parce que le Créateur de ce monde n’est pas de ce monde et que la fin de l’homme ce n’est pas l’homme, mais Dieu lui-même. Pourtant, il demeure aussi vrai et de manière paradoxale, qu’il sera toujours très difficile pour l’humanité de se penser ou de s’imaginer vivant dans un au-delà de ce monde-ci. On ne peut parler d’histoire de la nature que par rapport à l’homme qui appartient lui-même à la nature. Cependant, rivés aux limites de ce monde par toutes les contingences qui nous sont nécessaires pour exister, nous oublions trop vite que le Christ a traversé ce monde, comme un pèlerin, en quête de fraternité avec tous dans le quotidien et le concret de l’existence, mais sans avoir où poser sa tête de manière définitive (Luc 9, 58). Semblable à nous dans son humanité, le Christ a vécu son existence les yeux, le cœur et l’intelligence, tournés vers un horizon non bordé par les limites de l’espace terrestre, ni par le temps d’une vie humaine.


Depuis plusieurs siècles, nous sommes tellement habitués à une vision anthropocentrique, matérialiste ou sociétale de l’homme que nous oublions que l’universalisme de notre responsabilité ne se traduit pas uniquement par la justesse et l’amélioration des relations sociales entre les hommes. La création implique une alliance nécessaire entre tous les êtres, au-delà de l’homme lui-même. Ainsi répondre en urgence aux questions climatiques ou d’environnement, par la seule organisation politique ou sociale de notre planète, fût-elle mondialisée, pose une limite à une conception de l’aventure humaine totalement centrée sur elle-même. A cette conception, la foi chrétienne invite pour une part à renoncer. Finalement, l’éthique d’un humanisme seulement préoccupé de lui-même, serait une éthique antichrétienne. L’anthropocentrisme est une impasse qui risque de conduire à une vision sociale du monde en la séparant de l’aventure d’une alliance qui transcende l’homme de toutes parts.

La réussite de l’alliance résultera du progrès indéfini de la science sous la conduite de l’intelligence humaine à condition que soit laissée ouverte une autre finalité que la domination par la science et la technique des causes et des conséquences de nos actes.

L’homme est maître du monde, d’une certaine manière certainement, mais maître à la manière voulue par Dieu, comme une ouverture à l’inattendu et à une histoire toujours inachevée, toujours à parcourir vers l’inconnu d’une surprise que nous découvrons au fur et à mesure que nous franchissons les impasses dans lesquelles les défis d’une période paraissaient nous enfermer. L’alliance dont il est question est au-delà de l’acquiescement à l’imprévisible. Il s’agit d’une alliance fondatrice qui ressemble à celle à laquelle nous invite la tradition chrétienne dans les récits de la Genèse.

C

La création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu : livrée au pouvoir du néant – non de son propre gré, mais par l’autorité de celui qui l’a livrée,- elle garde l’espérance, car elle aussi sera libéré pour entrer dans la liberté et la gloire des enfants de Dieu. Rom 8, 20-21
arl Amery invite à sortir d’un certain anthropocentrisme. Ce n’est pas là renoncer à notre responsabilité, mais c’est l’inscrire comme une liberté offerte dans l’acte du Créateur hier en ses origines, mais aussi aujourd’hui, au présent de notre aventure14. C’est aussi compter sur une alliance avec la nature qui a ses lois propres et dont nous sommes les partenaires car nous appartenons à la même communauté de création. En élargissant l’horizon, nous sommes, à l’instar de la nature elle-même, les habitants d’un univers dont la Terre n’est qu’une petite province. L’alliance prend en compte l’univers tout entier et pas seulement la planète Terre et cela jusqu’en l’accomplissement que le Créateur veut pour tous les êtres à son heure.


Un accomplissement qui se déploie dans le temps avec les douleurs d’un enfantement, telles que présentées par St Paul. Cependant, il annonce, pour aujourd’hui, l’avènement de l’humanité sur un chemin de rencontre avec le Créateur et la Seigneurie du Christ sur tout l’univers. Une telle perspective déborde infiniment les limites de l’arrangement climatique ou écologique qui permettrait à l’humanité de survivre sur Terre. Elle définit la noblesse de l’homme par sa participation à la vie divine…une participation mystérieuse à la vie du Créateur.



Rappelle-toi ce jour où Dieu s’arrêta


A cause de Gen 1, 28 : « Emplissez la terre et soumettez-là ; dominez…etc », il est parfois reproché à la tradition judéo-chrétienne d’avoir autorisé l’homme à faire un usage inconsidéré de son pouvoir pour dominer la nature. Mais le second récit de la création (Gen 2, 15) rapporte de manière imagée que l’homme a été « déposé au milieu du jardin pour le cultiver et le garder ». Il n’est en rien signifié que cette mission l’autoriserait à une mainmise désordonnée sur son milieu naturel. Le premier récit renforce, lui aussi cette idée. Il invite l’homme à veiller à ce que la terre produise des fruits en abondance, à ce que les océans regorgent de poissons, à ce que l’homme cultive la terre pour trouver la nourriture nécessaire à son existence.


Lorsque nous affirmons avec raison que l’homme est créé à l’image de Dieu, le risque pour l’humanité est de rêver de la toute puissance de l’homme. Le premier récit de la création se termine par un 7ème jour. Ce jour là, Dieu vit que tout cela était bon et il se reposa (Gen 2,2). Dieu mit une limite à sa propre puissance et à son action. La création se poursuit par l’invention du sabbat. C’est un jour saint. Un jour où la contemplation de l’œuvre accomplie n’est pas un jour vide et sans activité. Dieu qui est un Dieu en dehors de toute limite, se limite, mais pas comme nous l’entendrions : de manière passive, car le Père travaille toujours nous dit l’Evangile (Jn 5,17). Mais il témoigne d’une force plus grande encore que lors des six premiers jours. Le 7ème jour nous révèle un Dieu qui en s’arrêtant, est plus fort que sa force. Un Créateur qui domine sa domination du monde est un Dieu dont la puissance est ordonnée par la sagesse. Il faut toujours plus de force pour arrêter un élan et un dynamisme, plus de force pour créer l’homme avec la liberté d’initiative et d’invention qu’il lui offre. Un peu comme si Dieu l’avait créé en lui laissant faire le reste, en l’invitant lui aussi, un 7ème jour, à s’arrêter de produire pour contempler les merveilles de la création confiée et les merveilles de tout labeur, pour la « garder » en sa magnificence et en sa pérennité. En effet Dieu ne travaille pas la terre, il la remet à Adam.

I

Voici que j’établis mon alliance avec vous et avec vos descendants après vous, et avec tous les êtres vivants qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes les bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui est sorti de l’arche, tous les animaux de la terre.

Genèse 9, 9-10


Lequel d’entre vous s’il veut bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et juger s’il a de quoi aller jusqu’au bout ?

Luc 14, 28
l la lui remet avec la même intelligence pour organiser ce qui ne l’était pas encore du chaos initial ; avec la même sagesse et le même pouvoir pour dominer ses pouvoirs sur toutes choses afin de préserver la vie qui ne lui appartient pas et qu’il reçoit en héritage. Lorsqu’il se sait créé à l’image de Dieu, c’est de cette autolimitation de son Créateur dont l’être humain fait mémoire. Au jour du sabbat, cette mémoire se traduit en forme d’alliance entre l’homme et la création, par un repos, par une réflexion guidée par le principe de réalité et en définitive par une déprise face à l’impossible.




La suite du livre de la Genèse mettra en lumière quelques grands principes fondateurs de la vie sociale. La diversité des cultures (Caïn, le cultivateur et Abel, le pasteur), la sagesse des initiatives humaines qui sous l’inspiration de l’Esprit Saint inventera le feu et les outils de sa survie…etc Le sérieux de la première alliance racontée dans le récit du déluge et de l’arche de Noé doit être réhabilité. La promesse de Dieu à Noé est qu’aucun autre déluge, aucun autre cataclysme naturel ne détruirait l’humanité. L’alliance entre Dieu et l’homme est alors magnifiée par de très belles images : la colombe, l’olivier, l’arc en ciel qui unit la terre à la terre en passant par le ciel. Mais cette promesse n’induit pas que l’homme par son ingérance ou par sa faute, ne soit pas apte à rendre la terre inhabitable.

Les principes fondateurs ne renvoient donc pas à des mythes ancestraux que l’on trouve en bien des civilisations. Ils sont, pour nous chrétiens, les repères d’une écologie de fondation dont nous disposons pour avancer dans l’histoire avec sagesse. Ils nous invitent à comprendre qu’aucun homme n’est appelé au bonheur sans les autres ou sans respect de tous les êtres et de toutes les choses, sans respect du mystérieux dessein créateur de Dieu.


Ces principes fondateurs se sont perdus pour une grande part dans le tourbillon des réussites humaines au cours de l’histoire.


- Dans la culture de la Renaissance, la domination et la puissance de l’être humain furent exaltées, à une époque où la réussite de l’intelligence humaine et de la science commençait à donner le signal d’une « maîtrise » possible des lois de la nature. C’est alors que la réussite de la science a pu faire renaître de manière plus vive au cœur de l’homme la tentation de Babel. Aux jours de Babel, la prétention des hommes fut de « se faire un nom » par eux-mêmes. Or Dieu dit à Abraham « je rendrai grand ton nom » comme pour nous défaire de cette préoccupation peut être légitime, mais qu’il revient à Dieu de nous offrir. Par ce mythe récurent de Babel, l’humanité s’engageait une nouvelle fois sur un chemin d’unification du monde que la culture judéo-chrétienne a toujours dénoncé comme une entreprise totalitaire qui ne correspondait pas à la destinée de l’existence humaine telle que l’exprimera la révélation chrétienne.


- Depuis maintenant deux siècles, et aujourd’hui de manière extrêmement prégnante, la prétention à se débarrasser de toute référence à un Dieu source de vie, a été considérée par certains comme une victoire sur l’aliénation religieuse. L’homme a eu le sentiment de retrouver la maîtrise de lui-même comme si pour recouvrer une propriété dont il aurait été spolié, il pouvait oublier que la liberté offerte avait des limites. Chacun de ses désirs, chacun de ses choix lui sont apparus comme un droit dont le privilège ne regarderait personne d’autre que lui-même. Seul compte son propre profit, l’intérêt immédiat, et il a instauré des lois pour les garantir ; des lois qui favorisent encore la centration sur soi-même.

Dans un tel contexte culturel, comment montrer tout ce que nous avons à gagner lorsque l’on invite à considérer le droit des autres comme un devoir, comme une dette ? Fût-elle, de manière paradoxale, une dette sur l’avenir contractée par anticipation pour les générations futures. Le droit pour elles de vivre en ayant à leur disposition les richesses naturelles de la terre, de l’eau que nous n’aurions pas polluée, de l’air que nous n’aurions pas vicié, de la terre que nous n’aurions pas rendu stérile et où l’être humain ne serait pas marchandisé. Ce droit est dès aujourd’hui bafoué pour des êtres que je ne rencontrerai jamais car ils vivent à l’autre extrémité de la planète.

Seule la purification de la raison à laquelle invite le Pape Benoît XVI dans son encyclique Deus caritas est (n° 10) nous permettra d’acquiescer à la déprise du pouvoir individuel de chacun sur l’existence des autres. Nous ne pourrons trouver de consensus pour nous engager dans les voies de cette écologie de fondation si notre raison réduit notre horizon à ce que nous faisons. Nous devrions le savoir pourtant après tant de siècles de méditation sur les leçons de l’histoire : l’homme est plus grand que ce qu’il fait.

-

« Pendant six jours tu travailleras, mais le septième jour est un sabbat pour le Seigneur ton Dieu. Tu n’y feras aucun ouvrage, toi,ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bœuf, ni ton âne, ni aucune de tes bêtes, ni l’étranger qui est dans tes portes. Ainsi, comme toi-même, ton serviteur et ta servante pourront se reposer. Tu te souviendras que tu as été en servitude au pays d’Egypte et que ton Dieu t’en a fait sortir d’une main forte et d’un bras étendu ».

Deutéronome 5, 13- 15
Voilà pourquoi la tradition chrétienne tient pour nécessaire de réinscrire Dieu et l’altérité dans la marche de l’humanité vers son achèvement. Elles savent que la seule source véritable de cet achèvement futur consiste à acquiescer dans l’histoire qui est la nôtre à cet instant de pause, à cette contemplation du jour du sabbat ou du premier jour de la semaine pour redécouvrir que ce jour où Dieu lui-même s’arrêta, il confia à l’homme de poursuivre son œuvre.

La Bible donne deux justification du sabbat : la première, selon Ex 20, 8-11, est celle que nous venons de rappeler. La seconde en est la conséquence : il faut savoir s’arrêter de produire et de construire, pour libérer tous ceux qui en deviennent les esclaves (Deut 5, 13 – 15).

Tel est le défi qu’il s’agit de relever. Il n’est donc pas question de s’évader de la terre. Il est question de mettre un terme à une certaine manière de l’habiter. Cela impose une transformation de nos mentalités et de nos styles de vie.



Inventer de nouveaux styles de vie


Bousculée par les récentes découvertes sur le réchauffement climatique et bien d’autres projections que les scientifiques observent comme des dangers possibles, l’humanité prend le chemin d’une transformation urgente de ses manières de vivre. Cette urgence met en évidence la nécessité morale urgente d’une solidarité nouvelle, écrivait Jean Paul II15. Nous voici invités à nous comporter non pas en maîtres conquérants mais en serviteurs attentionnés qui soignent une planète fragile et limitée, aux ressources non renouvelables. Sans cette conversion c’est l’humanité qui risque de disparaître.

Les menaces cumulées du réchauffement de la planète, de l’appauvrissement de la couche protectrice d’ozone, de la dégradation des sols du fait du déboisement, de l’érosion, de la désertification, de la salinisation et de la pollution de l’eau, de l’air et des sols doivent être rapprochées des procédés industriels que les êtres humains ont inventé pour créer des biens de consommation de toute nature.

Face à cette situation, ni la Providence mal comprise, ni la passivité, ni le fatalisme insouciant ne peuvent être la réponse adéquate. Il nous faut revoir notre conception économique du monde.


L’industrialisation, la domination de la finance sur l’économie, la mobilité des biens et des personnes, ont permis d’augmenter les richesses et de les mettre à la disposition d’un plus grand nombre excepté des plus pauvres de la planète. Leur nombre s’accroît et met en lumière l’indignité de ceux qui ne veulent pas s’en rendre compte malgré la grande quantité des images et la possibilité de voyager qui la leur. Bien sûr, la coopération entre les pays les plus développés a permis l’instauration d’une paix plus stable entre les peuples. Le moteur de l’économie et les industries de certains pays émergents ont aujourd’hui des effets destructeurs sur les conditions d’existence des populations les plus pauvres et sur l’environnement de tous les pays. Dans un monde sans frontières, il n’y pas de barrière à la pollution, aux pandémies, au terrorisme provoqué par la faim ou l’impossibilité de vivre désormais sur la terre de ses ancêtres. Autant de dangers qui mettent en péril l’existence de tous.


I

L’homme ne peut pas être libre s’il se préoccupe seulement ou surtout de l’avoir et de la jouissance, au point de n’être plus capable de dominer ses instincts et ses passions, ni de les unifier ou des les maîtriser par l’obéissance à la vérité. L’obéissance à la vérité de Dieu et de l’homme est pour lui la condition première de la liberté et lui permet d’ordonner ses besoins, ses désirs et les manières de les satisfaire suivant une juste hiérarchie, de telle sorte que la possession des choses soit pour lui un moyen de grandir.

Jean Paul II – Encyclique Centesimus annus n° 41- 1991
l est terrifiant de penser que l’espèce humaine qui est entrée en scène il y a à peine quelques centaines de milliers d’années, alors que l’histoire de la planète date de 4, 5 milliards d’années, a été capable de menacer les fondements mêmes de la vie en l’espace de 200 ans seulement depuis le début de l’ère industrielle. Le témoignage des populations autochtones qui ont vécu beaucoup plus longtemps dans le respect de leurs terres et des autres créatures vivantes et en symbiose avec elles, appelle l’attention sur notre déraison. Mais aujourd’hui les paysans des pays rendus plus pauvres encore par la désertification, travaillent des terres rendues pauvres, dégradées et arides. L’eau qu’ils boivent et dans laquelle ils pêchent est souvent polluée, leur santé menacée. Ainsi les pauvres souffrent de manière disproportionnée de la dégradation de l’environnement. Ils grossissent les bidonvilles des pays du sud en des zones polluées, dans des logements sans grande hygiène. La pauvreté est alors une cause et une conséquence de la détérioration de l’environnement. Pour survivre, les plus démunis n’ont souvent guère d’autre choix que de sur utiliser et de mettre en danger leur propre environnement naturel, ce qui aggrave la pauvreté de tous.


Nous sommes responsables de l’économie et de la théorie qui la fonde sur les prétendus besoins de l’humanité qu’il s’agirait de satisfaire et qui permet au marché de se déployer. Il importe de discerner parmi ces besoins ceux qui sont artificiels et les besoins réels, ceux qui ont un coût environnemental sans comparaison avec les avantages qu’ils apportent, ceux qui ont pour effet de produire des déchets, parfois dangereux, souvent imputrescibles et inaltérables.

Les exigences d’acquisition du superflu, la civilisation du jetable, le gaspillage, grandissent dans la méconnaissance des conséquences pour la survie sur notre planète.

D’après certaines estimations, pour que le réchauffement climatique ne soit pas catastrophique pour l’humanité, il faudrait diviser par deux notre consommation d’énergie fossile d’ici à 2050 ; ce qui veut dire : diviser par quatre la consommation d’énergie des pays industrialisés. Ceci suppose de recourir à de meilleures technologies, sans doute plus chères, sauf si l’on veut bien considère l’économie de coûts sociaux qu’elles permettraient. Il est illusoire de parler de développement durable si on ne parle pas en même temps de développement social16.

E

D’après l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la simple généralisation des appareils performants disponibles aujourd’hui sur le marché permettrait de réduire d’un tiers les émissions de carbone dues à la production mondiale d’électricité en 2050 (c'est-à-dire 40% de CO² en 2008) . Ceci supposerait des choix d’appareils plus chers dont les prix liés à une plus large diffusion pourraient baisser par l’adoption de normes obligatoires.

Alternatives économiques Hors série 2008 n° 76
n effet, les désordres du climat toucheront d’abord les plus pauvres. Il importe donc que les plus riches maîtrisent leurs demandes. Ce qui suppose, ainsi que le demandait Mgr Migliore à l’ONU, que par exemple, “pour aider les pays en voie d’industrialisation à éviter les erreurs commises par d’autres dans le passé, les pays fortement industrialisés partagent avec eux leurs technologies les plus avancées et les plus propres“17. Tout ceci appelle des arbitrages politiques et des instances internationales de régulation, mais aussi et surtout une information sur la situation des plus démunis, contraints à brève échéance de fuir leur pays vers les pays plus opulents qui ne sont pas prêts ni à les accueillir, ni à les nourrir.



Une grande résistance


Face à la dégradation de l’environnement, il est surprenant de constater que l’urgence des mesures à prendre se heurte à une grande résistance de la part des hommes. Il semble ici encore que l’intelligence des situations ne suffise pas. Il semble que la crainte de ne plus pouvoir vivre ensemble sur cette terre ne ramène pas à la raison. Les chrétiens ne peuvent faire l’économie d’un retour sur les motifs de cette résistance qui nous sont révélés par les premiers livres de la Bible et ensuite tout au long de l’histoire de l’Alliance. Selon les mots habituels de la foi chrétienne, il s’agit d’une histoire de grâce et de péché où l’homme peut, avec la liberté que Dieu lui offre, accepter ou refuser de vivre cette alliance telle que nous l’avons évoquée. Une grande résistance conduit encore aujourd’hui à l’aliénation de l’homme par lui-même et encore à une révolte de la terre contre lui.


L’histoire n’est pas répétitive, mais le fondement de notre résistance, au regard de la proposition initiale du Créateur, demeure le même. Il prend racine dans le mauvais usage de la liberté offerte par Dieu et voulue comme un bien pour l’homme18. Si l’histoire n’est pas répétitive elle est toujours sujette à l’inattendu de décisions et d’une inventivité déraisonnables, personnelles ou collectives. Comme le dit le Talmud : « Chaque homme est l’Adam de sa propre âme ». Il n’est pas besoin de faire le procès du premier homme de la Genèse en l’accusant d’être le père de tous les maux pour refuser la responsabilité qui nous incombe dans cette résistance à inventer de nouveaux styles de vie qui permettent de retrouver et de maintenir un équilibre écologique, dans toutes ses dimensions. Se convertir, c’est d’abord prendre le temps de reconnaître le désordre que nous provoquons par les actes que nous posons. Aussi, il est capital de solliciter l’aide de la science pour mesurer les effets de nos actes. «L’humanité est invitée à explorer l’ordre de la nature, à le découvrir avec une grande prudence et à en faire ensuite usage en sauvegardant son intégrité »19.

Selon ces constats, il s’agira de mettre en œuvre une réforme courageuse des structures de l’économie et d’inventer de nouveaux modèles de rapports entre les consommateurs, les modes de production agricole et les industries. Mais ne dire que cela c’est en rester à l’utopie du meilleur des mondes que la foi chrétienne nous invite à transcender. Nous ne pouvons ignorer que la lucidité que donne la science se heurte au revers permanent de la destruction du rapport avec Dieu. Ce que nous appelons le péché.


Jean-Paul II a introduit dans la pensée sociale de l’Eglise la prise en compte de structures de péché qui « ont pour origine le péché personnel et sont toujours reliés a des actes concrets des personnes, qui les font naître, les consolident et les rendent difficile à abolir. Elles se renforcent, se répandent et deviennent sources d’autres péchés ; elles conditionnent la conduite des hommes »20. Jean-Paul II appliquera cette réflexion à l’écologie dans un passage de l’encyclique Centesimus annus21. Tel est l’apport de la pensée sociale de l’Eglise. Notre résistance à tout changement ne pourra être surmontée tant que notre transformation ne touche pas la racine des maux qui nous affectent dans notre conception de l’existence humaine et dans notre amour des autres et notre respect de la terre. Sans cette conversion qui s’enracine en chacun, mais nous porte bien au-delà des actions d’un individu, nous ne pourrons transformer les structures qui empêchent de développer le bien commun. La communion des saints qui désigne pour les chrétiens l’interdépendance entre les hommes et les nations est la seule manière de vaincre notre résistance. Elle propose de « se dépenser pour le bien du prochain, … en étant prêt à se perdre pour l’autre au lieu de l’exploiter et à le servir au lieu de l’opprimer à son profit »22. Nous sommes invités à nous stimuler mutuellement pour organiser une vraie fraternité, et prendre part à l’aventure de la sainteté de tous et de chacun.

Ainsi, aucune alliance ne perdure sans une estime et une connivence qui puisent leur existence dans la confiance et l’amour qui les fondent. C’est à dire pour nous chrétiens, en Dieu ; un Dieu qui aime son œuvre. Sans cette bonté originelle et constitutive de Dieu, nous nous retrouverions dans l’attitude du dernier gérant de la parabole des talents. Nous serions mus par la peur. Une peur qui paralyse et qui enterre les imaginations et les audaces possibles ; celles là même dont Dieu a voulu nous libérer par sa naissance au milieu de nous en prenant chair de notre chair. En quelle estime ne nous tient-il donc pas !

Le Cantique des créatures de François d’Assise donne la juste note de ce qu’il nous revient de transformer dans nos styles de vie. Sa dynamique nous entraîne aux antipodes de l’angoisse et de la peur. Il conduit au contraire à rendre grâces pour le potentiel de transformations déposé en nous par Dieu et que nous mettons en œuvre comme d’authentiques participations à la création de Dieu. C’est ainsi que l’alliance s’inscrit dans l’histoire en un lieu précis de l’univers.


Ces principes fondent l’humanité. Il s’agit de garder la terre au nom de tous… pour tous les autres ici et là-bas, pour tous les autres aujourd’hui et demain, pour tous les autres au ciel et sur la terre. Les chrétiens ne peuvent les ignorer. Des programmes d’information et d’éducation sont à mettre en œuvre pour porter à la connaissance de tous, la situation de la terre. Nous pouvons nous réjouir de ce que les technologies nouvelles de communication les permettent à grande échelle. Le rapport entre l’homme et la nature s’écrit en termes d’alliance entre toutes ces composantes.

C

« Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon la règle de la justice, inséparable de la charité. Quelles que soient les formes de la propriété, adaptées aux légitimes institutions des peuples, selon des circonstances diverses et changeantes, on doit toujours tenir compte de cette destination universelle des biens. C'est pourquoi l'homme, dans l'usage qu'il en fait, ne doit jamais tenir les choses qu’il possède légitimement comme n'appartenant qu'à lui, mais les regarder aussi comme communes: en ce sens qu'elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres. D'ailleurs, tous les hommes ont le droit d'avoir une part suffisante de biens pour eux-mêmes et leur famille. C'est ce qu'ont pensé les Pères et les docteurs de l'Eglise qui enseignaient que l'on est tenu d'aider les pauvres, et pas seulement au moyen de son superflu(10). Quant à celui qui se trouve dans l'extrême nécessité, il a le droit de se procurer l'indispensable à partir des richesses d'autrui.

Concile Vatican II –Constitution pastorale Gaudium et spes – n° 69 -



’est la mission d’alliance que Dieu conclut avec notre génération, comme il l’a toujours fait .

Seigneurie du Christ


Nous ne pouvons saisir l’importance de la foi chrétienne dans le combat pour la sauvegarde de la création si nous n’entrons pas dans l’itinéraire que la Révélation nous invite à parcourir du Christ jusqu’à Adam..

« Le Fils bien-aimé est l’image du Dieu invisible, Premier né de toute créature ; car

en lui tout a été crée, dans les cieux et sur la terre, les êtres visibles comme les invisibles, Trônes et Souverainetés, Autorités et Pouvoirs. Tout est créé par lui et pour lui; et il est lui par-devant tout ; tout est maintenu en lui, et il est, lui, la tête du corps, qui est l’Eglise. Il est le commencement, Premier-né d’entre les morts, afin de tenir en tout, lui, le premier rang. Car il a plu à Dieu de faire habiter en lui toute la plénitude et de tout réconcilier par lui et pour lui, et sur la terre et dans les cieux, ayant établi la paix par le sang de sa croix. Col 1,15-20).


Ce texte de Paul ouvre un chemin qui passe par la mort et conduit à la résurrection du Christ. Sa victoire sur la mort a une dimension cosmique. Elle récapitule en lui de toute la création. Il n’est pas assuré que l’humanité mène le trésor qui lui est confié à son accomplissement. C’est le pari de sa liberté. Mais il est sûr que le « sang versé sur la croix » a établi la possibilité de la paix entre tous les êtres ; c'est-à-dire une interaction féconde entre la nature, l’homme et Dieu. Les structures de péché disparaissent par la victoire du Christ sur la mort. St Augustin écrit cela magnifiquement : « Sur la Croix s’est réalisée une affaire grandiose. C’est là que s’est ouverte la bourse contenant le prix de notre salut : quand son côté a été ouvert par la lance qui le frappait, ce qui en jailli, c’est le prix de l’univers ».

Telle est la Seigneurie du Christ. Elle s’étend sur l’univers tout entier, sur ce que nous connaissons et sur ce que nous ne connaissons pas encore du cosmos.


Il y a dans cette perspective un appel à nous laisser surprendre par l’inconnu de la promesse qu’une telle méditation paulinienne annonce. De cette Seigneurie du Christ nous ne connaissons que les prémices : sur son visage resplendissant au mont Thabor ou au matin de la résurrection…ou encore ce que les tympans de nos cathédrales ont su saisir de sa majesté dans la diversité de l’imagination des sculpteurs. Mais ces prémices disent l’espérance qui habite le cœur des chrétiens.

Tout est désormais confié, pouvant susciter en nous un grand vertige devant la responsabilité de notre propre souveraineté. Jamais nous n’égalerons la Seigneurie du Christ qui s’exprime avec tant de majesté et de force dans la confiance offerte. Y a-t-il de plus belle image de la charité de Dieu que celle de l’effacement des trois personnes de la Trinité quand ce Dieu unique ne retient rien de lui-même pour tout livrer entre les mains de l’humanité en la créant capable d’organiser le monde comme un jardin où il ferait bon vivre ?

Ainsi, quels que soient les soubresauts, les structures de péchés, voire les ignominies humaines, être croyant revient à faire confiance à la confiance même qui nous est faite par la Parole d’un Dieu qui, ayant pris visage humain, nous promet qu’il est toujours possible d’habiter notre monde. Telle une porte ouverte sur un avenir, ainsi en va-t-il de l’espérance chrétienne. Elle est un jour qui se lève sur l’état provisoire du monde tel qu’il est, tel que l’annonce une conversion au bonheur de tous.

Notre acte de foi en la Seigneurie du Christ se vérifie chaque jour par les merveilles que l’humanité réalise sous l’impulsion de l’Esprit Saint : des aveugles voient, des boiteux marchent, des sourds entendent… des riches partagent, des pauvres retrouvent leurs marges d’initiatives et de liberté, la terre n’est pas rendue stérile, l’audace et le courage des chercheurs convergent vers le bien de tous. C’est ainsi que les croyants contemplent la vérité de l’Evangile, quand il rapporte les propos de Jésus sur les choses plus belles encore que nous sommes appelés à voir. Celles à laquelle sous l’impulsion de l’Esprit les inventions et les initiatives des hommes de bonne volonté ne sont pas étrangères. Telle est la bonne nouvelle qui nous est confiée.






Au terme de cette réflexion les chrétiens se rappellent que nous sommes engagés dans une histoire dont on ne peut retenir seulement le caractère dramatique. Le genre humain est créé pour la joie, le bonheur, la célébration, l’émerveillement et le plaisir de rendre heureux celles et ceux qu’il aime : les autres êtres humains, la beauté de la création et… Dieu lui-même. L’homme trouve ici le sens de la vie sur Terre.

Notre soin pour la planète que nous habitons implique un véritable émerveillement en cette capacité de se donner pour que d’autres vivent qui caractérise Dieu et l’homme créé à l’image de Dieu.

Certains mots enfouis dans l’Ecriture ont traversé l’histoire et doivent revenir à notre mémoire comme un murmure pour notre conscience. Il s’agit d’une promesse dans laquelle Dieu s’engage aujourd’hui encore : « Le Seigneur Dieu prendra plaisir à ton bonheur, comme il a pris plaisir au bonheur de tes pères » Dt 30, 10.

C’est le mystère d’une béatitude qu’il nous revient de faire connaître encore pour qu’il atteigne l’intelligence et le cœur de chacun. Prenons plaisir à écouter cette promesse ! Tournons nos regards vers Dieu et vers les hommes, vers Dieu et vers la création. Redevables de tout à son Créateur, l’humanité se rappellera que son Créateur est aussi son avenir. Alors de tout cœur et de toutes nos forces, nous changerons notre conception de l’aventure humaine, de l’univers. Nous changerons notre style de vie, nous garderons la terre. Telle est la manière singulière et précise qu’a l’homme d’actualiser son amour de la vie, mais aussi de Dieu : permettre à d’autres hommes, à d’autres femmes de vivre. Il apporte ainsi la preuve d’une obéissance à ce que l’Ecriture et avec elles, la création tout entière, clament en chaque page, en chaque instant : il n’y a aucune vie, aucun être, aucune chose, si banale qu’elle ne vaudrait la peine de vivre et d’exister.






ANNEXE I note 1


Au fil de l’histoire, quelques déclarations pour la sauvegarde de la nature


En 1597, en France, ordonnance d’Henri IV : « afin de remédier à la pénurie et grandissime nécessité de bois de chêne, qui s’en va telle, par tout notre royaume, qu’il est presque impossible d’en recouvrer pour bâtir, faire bateaux et navires. » (dans Histoire de la forêt française, Louis Badré, Arthaud Paris, 1983


En 1681, en Amérique, la colonie fondée par William Penn , il était prévu« de laisser un hectare d’arbres pour cinq hectares défrichés » (in La révolution de l’environnement. Max Nicholson. Gallimard. Paris. 1973. chap. VIII. L’expérience américaine).


En 1701, Vauban, mémoire sur les forêts : « On ne trouve plus de bois à bâtir qu’avec beaucoup de peine et en l’achetant bien cher, dans les lieux mêmes qui en étaient couverts il n’y a pas soixante ans. On sera bientôt obligé de chercher le bois à bâtir hors du royaume. J’ose bien dire que ce défaut est un des plus considérables du royaume. » (dans Histoire de la forêt française, Louis Badré, Arthaud Paris, 1983



En 1789, le Dr. Nicholas Collin, aux Etats-Unis, appelle l’attention sur « les majestueuses forêts qui sont un trésor national et méritent toute la sollicitude…, elles ont été abandonnées à la hache de bûcherons brutaux et sans prévoyance (…) N’est-il pas déplorable de voir que tant de cultivateurs américains détruisent ce dont leurs descendants regretteront amèrement l’absence? » (in L’homme contre la nature. Essais d’histoire de l’Amérique. Gilbert Chinard. Hermann. Paris. 1949)).


Moins d’un demi-siècle plus tard, un constat des conséquence d’une surexploitation des forêts sera établi notamment par deux botanistes français.


- François-André Michaux (1770-1855) se plaint « ni le gouvernement fédéral, ni ceux de chaque Etat, n’aient conservé des zones boisées. Il en est résulté des effets désastreux, notamment pour l’alimentation en bois de chauffe des villes et la fourniture de bois de construction (raréfaction de la ressource et augmentation des coûts) Histoire des arbres forestiers de l’Amérique septentrionale L. Haussmann et d’Hautel. Paris.1810-1813.


- Jacques-Gérard Milbert (1776-1840) après avoir parcouru les Etats-Unis de 1815 à 1822 confirme les réflexions précédentes. « Dans chaque canton le défrichement doit s’arrêter, si l’on veut, en peu d’années, voir se succéder à un pays verdoyant et fertile, une terre aride et dépouillée. Or, cette juste mesure dans les défrichements, c’est cet équilibre entre les parties données à la culture, et celles laissées à la grande végétation, c’est enfin cette économie qui ménage avec prudence ce que la nature ne produit qu’avec le concours de siècles, que méconnaissent entièrement les Américains. «Itinéraire pittoresque du fleuve Hudson et des parties latérales de l’Amérique du Nord » publié à Paris en 1828 (Henri Gauguin & Cie.)


En 1830, Jean-Baptiste de Monet, chevalier de Lamarck écrit, « L’homme, par son égoïsme trop peu clairvoyant pour ses propres intérêts, par son penchant à jouir de tout ce qui est à sa disposition, en un mot, par son insouciance pour l’avenir et pour ses semblables, semble travailler à l’anéantissement de ses moyens de conservation et à la destruction même de sa propre espèce. En détruisant partout les grands végétaux qui protégeaient le sol, pour des objets qui satisfont son avidité du moment, il amène rapidement à la stérilité ce sol qu’il habite, donne lieu au tarissement des sources, en écarte les animaux qui y trouvaient leur subsistance et fait que de grandes parties du globe, autrefois très fertiles et très peuplées à tous égards, sont maintenant nues, stériles, inhabitables et désertes.(…). On dirait que l’homme est destiné à s’exterminer lui-même après avoir rendu le globe inhabitable. ». « Système analytique des connaissances positives de l’homme restreintes à celles qui proviennent directement ou indirectement de l’observation » (J-B. Baillière. Paris).


En 1846, Georges B. Emerson, président de la Société d’histoire naturelle de Boston de 1837 à 1843, plaide avec vigueur pour «une économie plus sage» dans la gestion forestière, « l’adresse et la prévoyance du Yankee semblent l’abandonner dès qu’il saisit une hache ». En effet, le Massachussetts, quelques décennies plus tôt producteur de bois, en était devenu importateur à partir des ressources forestières des états du Maine et de New-York. (in Les pionniers de l’écologie. Donald Worster. Sang de la terre. Paris. 1992).


En 1864, George-Perkins Marsh (1801-1882) après plusieurs séjours dans divers pays riverains de la Méditerranée, frappé par les effets dévastateurs de la déforestation et du surpâturage écrit « L’homme a trop longtemps oublié que la terre a été donnée seulement pour usufruit, non pas pour la consommation, encore moins pour une dilapidation éhontée ».

“L'Homme et la Nature ou la Géographie physique telle que modifiée par l'action de l'Homme - New York:«


En 1905, le géographe Elisée Reclus

(1830-1905), « La nature impose des limites à l’action humaine, il faut donc savoir jusqu’où aller dans l’aménagement du milieu naturel et s’arrêter avant que ne s’amorcent ces déséquilibres irréversibles d’autant plus probables que le milieu naturel est fragile », Il s’inquiète, de la destruction de ressources naturelles, notamment forestières aux Etats-Unis, au Canada ou au Brésil, ressources gaspillées, mal gérées qui feront défaut aux générations suivantes. Publié in « L’Homme et la terre ».


En 1909, le président Théodore Roosevelt

, invite à La Haye, une Conférence internationale où 45 pays invite à dresser l'inventaire des ressources naturelles indispensables à la vie économique et en assurer une utilisation rationnelle. "Nous nous sommes enrichis de l'utilisation prodigue de nos ressources naturelles et nous avons de justes raisons d'être fiers de notre progrès. Mais le temps est venu d' envisager sérieusement ce qui arrivera quand nos forêts ne seront plus, quand le charbon, le fer et le pétrole seront épuisés, quand le sol aura encore été appauvri et lessivé vers les fleuves, polluant leurs eaux, dénudant les champs et faisant obstacle à la navigation".




ANNEXE II - note 15


Comment apprécier le niveau de développement des pays ?

En fonction du Produit intérieur brut PIB ou de l’Indice de développement humain IDH ?


Le produit intérieur brut (PIB) est un indicateur économique utilisé quasiment dans tous les pays du monde pour mesurer le niveau de production. Le PIB sert souvent d’indicateur de l’activité économique d’un pays. Le PIB/habitant, quant à lui, sert d’indicateur du niveau de vie en donnant une valeur indicative du pouvoir d’achat, et pas plus !

L‘indice de développement humain (IDH), par contre, évalue le niveau de développement humain des pays du monde. Il s’agit d’un indice composite, calculé par la moyenne de 3 indices quantifiant respectivement :

a/ la santé, mesurée par l’espérance de vie à la naissance, elle-même fonction de l’alimentation, du logement, de la qualité de l’eau….

b/ le savoir ou niveau d’éducation, mesuré par le taux d’alphabétisation des adultes et le taux brut de scolarisation (combinaison des taux pour le primaire, le secondaire et le supérieur),

c/ le niveau de vie, logarithme du produit intérieur brut par habitant en parité de pouvoir d’achat, ce qui englobe les éléments de qualité de vie non intégrés par les 2 indices précédents.













Que le développement se centre sur l’homme, le monde vivant animal et végétal se comprend. Mais le monde minéral mérite aussi une grande attention, non seulement à cause de ses ressources (notamment à cause des hydrocarbures), mais parce que sans lui, il n’y aurait pas de règne végétal, ni animal, ni d’homme. La matière est à l’origine de tout.

Teilhard de Chardin remarquablement compris et exprimé dans son Hymne à la matière, qui se trouve dans son Hymne de l’Univers (Editions du Seuil, Sagesses).
Quelques extraits :

« Béni sois-tu, puissante Matière, Evolution irrésistible, Réalité toujours naissante, toi qui faisant éclater à tout moment nos cadres, nous obliges à poursuivre toujours plus loin la Vérité…… »










1 Voir Annexe I

2 Message de Noël - Benoît XVI – 8décembre 2007

3 Hans Jonas : Le Principe responsabilité : p.36 éd Flammarion . Le triomphe de la technique ne coïncide pas avec l’accomplissement de la vocation de l’homme comme si celle-ci consistait en un perpétuel dépassement de soi, vers des choses toujours plus grandes et la réussite d’une domination maximale sur les choses et sur l’homme lui-même.

4 Benoît XVI, Ratisbonne, 12 septembre 2006)

5 « La théorie de l'évolution implique des questions qui doivent être du ressort de la philosophie et qui mènent elles-mêmes au-delà du domaine de la science », souligne Benoît XVI lors d’un atelier de réflexion, en 2006, à Castel Gandolfo

6 Jean-Paul II : Encyclique Centesimus annus – n° 38 - 1991

7 Le Père Hugues Puel dominicain ,dans une recension de l’ouvrage de Michel Serres (Le contrat naturel) évoquait une éthique économique de correction qui devait laisser la place à une éthique économique de fondation. Journal La Croix du 7 juin 1990.

8 Jean-Paul II : Message pour la journée de la Paix - 1er janvier 1990 : n° 5 -

9 Il est fréquent d’entendre parler de la « révolution internet » et de l’écartèlement qui se profile entre le monde dit « réel » et le monde virtuel. Mais elle se caractérise surtout par le développement des communications en temps réel d’une extrémité à l’autre de la planète.

10 Berdiaef : La Création p. 350 sq.

11 Michel Serres Le contrat naturel. p. 76 sq – éd. François Bourin.

12 La création Nicolas Berdiaev p. 353 sq.

13 Emmanuel Levinas : L’actualité de Maimonide in Paix et droit n° 4, 1935 ou Cahier de l’Herne 1991-

14 Carl Amery : Fin de la Providence éd Seuil – 1972 -

15 Jean-Paul II – Message du 1er janvier 1990 n° 10

16 Voir Annexe II

17 Mgr Celestino Migliore,observateur du Saint Siège à l’ONU lors de la 62ème Assemblée générale– 13 février 2008-

Sources : i.media, agence de presse du Vatican en langue Française

18 Le Créateur me tout à disposition de l’humanité. Il propose de manger de tous les arbres du jardin, avec, comme une évidence : tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, puisque c’est l’arbre de la vie.

19 Jean-Paul II – Message pour le 1er janvier 1990 – n° 8

20 Jean-Paul II – Encyclique La question sociale : Sollicitudo rei socialis – n° 36 – 1987.

21 Jean-Paul II – Encyclique sur el Centenaire de Rerum novarum : Centesimus annus – n° 38 - 1991

22 Jean-Paul II – Encyclique La question sociale : Sollicitudo rei socialis n° 38 – 1987.

1
Conseil pour les questions familiales et sociales – Antenne : Environnement et modes de vie – Conférence des évêques de France
Source


La discussion

 80 évêques se convertissent à l'écologie, de Jean Kinzler [2008-12-17 18:23:46]
      CEF:"La Création au risque de l'environnemen [...], de Jean Kinzler [2008-12-18 07:33:40]