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A la découverte du Beau (Jean Ousset) Imprimer
Auteur : XA
Sujet : A la découverte du Beau (Jean Ousset)
Date : 2008-02-11 08:23:46

A la découverte du Beau
par Jean Ousset


(partie précédente)

Surabondance

Commençons par les synonymes : "magnifique", "formidable", "superbe", "sensationnel", "splendide", "splendeur", "resplendissant"... tous termes qui, nous semble-t-il, évoquent une idée de surabondance, une idée de plénitude. Quelle qu'en soit la nature ou la qualité.

Cette idée de plénitude nous parait incontestable chaque fois qu'à tort ou à raison on parle de Beau.

Idée de plénitude particulièrement remarquable dans les expressions si évocatrices du langage familier... : "une belle grimace", "une belle canaille", "un beau chahut", "il est bel et bien ruiné"...

Qu'entendons-nous dire, en effet, quand nous parlons d'une "belle grimace" sinon qu'elle est pleinement grimace, déformante à souhait. L'état de celui qu'on déclare "bel et bien ruiné" étant qu'il l'est totalement, désormais sans un sou. Pour ce qui est d'une "belle canaille", même idée de surabondance dans la canaillerie. Il s'agit sans nul doute d'un fieffé coquin. Quant à "beau massacre" et à "beau chahut", il est clair que par ces expressions on laisse entendre que le premier a laissé très peu de survivants, que la cacophonie était totale dans le second.

Ainsi...

... au terme de l'expérience la plus élémentaire, deux caractères nous paraissent indispensables à commenter.

Une notion universelle

Et le premier de ces caractères est que le beau n'est pas, ne saurait être, une notion réservée au seul domaine visuel : au seul domaine auditif-musical, au seul domaine des arts plastiques, et qu'il est spontanément évoqué en tout, à propos de tout. Notion universelle.

Mais, dira-t-on peut-être, n'est-ce pas là une argumentation trop hâtive. Et pour oser vraiment conclure à l'universalité du Beau, est-il suffisant de recourir à des formules aussi improvisées qu'une "belle canaille", une "belle fille", une "belle grimace", un "bel acte de courage", un "beau tableau", une "belle récolte", une "belle mort", etc...

Y a-t-il dans ces cas si divers quelque chose qui mérite de nous arrêter ' Ou faut-il n'y voir qu'une simple liberté de langage ?

Objection très sérieuse et qu'il faudrait admettre si ces formules n'étaient seulement que les expressions imagées d'une verve populaire, peu soucieuse d'être entendue strictement.

Mais qui oserait soutenir que tel est le cas de ce passage de saint Augustin dans ses "Confessions" : "O Beauté, toujours ancienne, et toujours nouvelle, je t'ai connue trop tard ! Notre coeur a été fait pour Toi, Seigneur ! Et il demeure inquiet tant qu'il ne repose pas en Toi !".

Qui oserait encore soutenir que Max Jacob s'abandonnait à une verve fantaisiste quand il écrivait : "La pauvreté volontaire est une vertu esthétique. La sobriété est une vertu esthétique. Le respect est une vertu esthétique. La force, le renoncement, l'obéissance, l'ordre, l'humilité sont des vertus esthétiques".

Et le savant Louis de Broglie, lui-même, n'avoue-t-il pas : "Il me semblait qu'une tendance esthétique me guidait... La beauté de l'oeuvre d'art et la beauté des théories scientifiques sont (selon moi) de même nature".

Et de Jacques Monod, le prix Nobel : "La connaissance elle-même n'est accessible que fondée sur une éthique comme sur une esthétique, valeurs qui ne peuvent s'épanouir qu'alliées les unes aux autres, nourries les unes par les autres".

"Il n'y a pas... pouvait-on encore lire dans une grande revue scientifique des Etats-Unis... Il n'y a pas de différence fondamentale entre la créativité artistique et la créativité scientifique...".

Citations beaucoup plus sérieuses on en conviendra, que celles, évoquées, il y a un instant, du "beau chahut", de "la belle grimace", etc... mais qui n'en démontrent pas moins (selon le mot de Delacroix) que "le Beau est partout". Et non confiné (comme on tend à le croire), dans les seuls domaines des arts appelés : "Beaux-arts". Conception qui tend à faire de la beauté une chose exclusivement plastique. Une chose qui ne serait que pour les yeux (peinture, sculpture) ou pour les oreilles (musique).

Autrement dit, il faut combattre la conception exclusivement visuelle, ou auditive, de la beauté. Et cela, pour rendre à la beauté la plénitude de ses dimensions universelles.

Comme on l'a fort bien dit, la beauté n'est pas une exception, une réalité précieuse isolée de la vie. Le beau, c'est la vie même, à condition de la considérer avec un esprit un peu contemplatif.

N'est-elle pas dans le timbre de cette voix qui me parle ? N'est-elle pas dans l'esprit, la vivacité de ses réparties ? N'est-elle pas dans la gentillesse, le dévouement, la générosité, les dons de l'âme et du coeur, la grâce de qui me coudoie tous les jours ?

Ce qui manque au monde moderne, ce n'est pas la beauté, c'est l'esprit contemplatif. Nous ne savons plus voir. Nous ne savons plus écouter. Nous ne savons plus goûter. Nous ne savons plus comprendre. Jamais le sens esthétique des hommes n'a été aussi réduit à quelques routines, recettes, spécialités, formules techniques.

La vision familière de l'universalité nous est pratiquement inconnue.

Mais, avons-nous dit, au terme de nos toutes premières réflexions... ("belle canaille", "beau chahut", etc.) deux caractères méritent d'être commentés.

Le premier était celui de cette universalité, dont nous parlions à l'instant.

Le second est celui de cette plénitude, de cette surabondance évoquée elle aussi à propos toujours de ces mêmes exemples : "belle grimace", "beau massacre"...

(à suivre)


La discussion

 A la découverte du Beau (Jean Ousset), de XA [2008-02-11 08:23:46]
      Max Jacob, de Assum [2008-02-11 09:07:06]
          Citation de Max Jacob, de Diafoirus [2008-02-11 10:31:11]