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“Ce n’est pas à nous de plier…” Imprimer
Auteur : Bernard Joustrate
Sujet : “Ce n’est pas à nous de plier…”
Date : 2004-04-16 08:26:11

Islamisme : “Ce n’est pas à nous de plier…”

… C’est à la France de s’adapter. Quatre-vingt mille personnes selon la police, cent-vingt mille selon les organisateurs : l’UOIF mobilise avant l’entrée en vigueur de la loi sur la laïcité.

L’UOIF à l’aube du XXIe siècle, une dynamique en marche. Difficile de manquer le stand de l’Union des organisations islamiques de France lorsqu’on arrive au Bourget, où s’est tenu son congrès annuel à Pâques. La tente, vaste et spacieuse, est barrée par une large banderole qui affiche clairement les ambitions de l’association. Sur les murs de toile sont présentées les dernières avancées de l’islam en France : le Conseil français du culte musulman (CFCM) mis en place par Nicolas Sarkozy, et Averroès, le premier lycée privé musulman ouvert à Lille, en septembre 2003.
« La création du CFCM, peut-on lire, est une première dans l’Histoire de France. Avec le CFCM, l’islam s’installe officiellement en tant qu’une des religions de France et non plus comme une religion de l’étranger. N’en déplaise à ses détracteurs. » Sur le lycée Averroès : « D’autres projets sont en cours pour les années à venir dans plusieurs villes. Ces écoles privées musulmanes incarnent l’esprit et les valeurs de notre religion : l’ouverture, la tolérance, le bien-faire. »
Directement inspirée par la doctrine des Frères musulmans, l’UOIF est l’une des organisations musulmanes françaises les plus fondamentalistes. Et la plus active sur le terrain. Elle détient depuis 2003 une vice-présidence du CFCM et la présidence de onze des vingt-cinq conseils régionaux du culte musulman (CRCM). C’est la partie visible d’une vaste nébuleuse, en partie financée par des fonds saoudiens, qui travaille à l’implantation d’un islam “pur et dur” dans toute l’Europe : l’UOIF n’est qu’une filiale de l’Union des organisations islamiques en Europe (UOIE). Installée à Londres, dirigée par un Anglais d’origine irakienne, le cheikh Ahmed al-Rawi, l’UOIE est assistée d’un Conseil européen de la recherche et de la fatwa chargé « d’émettre des fatwas collectives qui répondent aux musulmans d’Europe et résolvent leurs problèmes, conformément aux règles et aux objectifs de la charia ». On lui doit le formidable développement en France de l’UOIF et de ses associations satellites, mais aussi l’ouverture, en 1990, à Château-Chinon, de l’Institut européen des sciences humaines, spécialisé dans la formation d’imams et l’enseignement de la langue arabe. Son directeur annonce la formation de trois cents étudiants depuis sa création.
Hommes et femmes pénètrent par deux portes différentes dans la salle de conférences située dans l’un des halls d’exposition. Plusieurs centaines de personnes sont assises face à la tribune. Beaucoup de jeunes. À droite les hommes, à gauche les femmes.
Toutes portent le voile, certaines le hidjab, qui dissimule entièrement leur visage et leurs mains. C’est ce public qui, l’année dernière, avait sifflé Nicolas Sarkozy sur l’affaire du voile. La loi sur les signes religieux à l’école est au cœur des débats. Barbe rasée court, costume cravate, le cheikh Ahmed al-Rawi a fait le voyage de Londres. Il intervient en arabe : « Le port du voile fait partie intégrante de la pratique de l’islam. L’objectif de toute association musulmane est de favoriser cette pratique. Nous ne pouvons pas dire à nos sœurs de quitter le voile. Cette loi encourage le racisme et l’exclusion des musulmans d’Europe. Nous utiliserons tous les moyens légaux pour leur permettre de retrouver leurs droits. Nous demandons aux pays européens de respecter les textes sur les droits de l’homme, qui permettent à chacun de pratiquer librement sa religion. »
Le député Verts Noël Mamère, invité d’une table ronde sur le thème des libertés religieuses, enfonce le clou : « Je considère que toutes les religions ne sont pas traitées de la même manière dans notre pays. La loi sur le voile ne fait que stigmatiser la deuxième religion de France. Elle prend le risque d’allumer le feu dans certaines parties de notre pays et de nous amener, en septembre, à une situation de conflit. »
Noura Jaballah, présidente de la Ligue française de la femme musulmane (LFFM), association satellite de l’UOIF, renchérit : « Oui, il y a une différence de traitement entre les religions. On voit la tolérance pour la petite croix et l’intolérance pour le petit foulard. Je crains que cette blessure cicatrise mal si les pouvoirs publics ne font rien. »
Saïda Kada, présidente de Femmes françaises et musulmanes engagées (FFEME) : « Cela fait quinze ans que l’on exclut en France, en toute impunité, que l’on détourne le droit. Une communauté est prise en otage. On a fait de l’islam un problème et de l’interdiction du foulard une solution au problème. On attend tous le mois de septembre. »
Claude Pernès, maire UDF de Rosny- sous-Bois (Seine-Saint-Denis), intervient prudemment : « Est-ce que, malgré tout, le voile n’est pas un frein à l’intégration ? (Sifflets dans la salle). J’essaie seulement d’être honnête avec vous. Si je me fais cette réflexion, imaginez ce que pense la majorité de mes concitoyens ! Pour moi, l’intégration, c’est l’école et le mariage. Est-ce que l’on ne doit se marier qu’entre musulmans ? »
Saïda Kada : « En tant que citoyenne française, je n’ai pas à me poser la question de l’intégration. On n’intègre pas des Françaises. » (Applaudissements)
Claude Pernès : « C’est parce que je n’ai pas de leçons à recevoir que je pose ces questions. Vous êtes dans une autre histoire, il faut que vous en preniez conscience ! »
Noël Mamère : « Non, l’histoire de l’islam et l’histoire de l’Europe se mélangent. »
Une voix chuchote derrière moi : « Oui, même Chirac a dit que l’Europe avait des racines musulmanes et chrétiennes ! »
« Il ne faut pas se leurrer, confie Abdelkader rencontré dans les allées du forum. Il y a bien un choc de civilisations. Le jour où les jeunes appliqueront le Coran à la lettre il y aura un vrai problème, car il y a dans le Coran des choses que le système occidental ne peut pas comprendre. Moi-même, j’ai quitté la banque dans laquelle je travaillais parce que l’on y pratiquait des choses interdites par le Coran. Une partie devra plier, et ce n’est pas à l’islam de le faire. Si l’autre côté ne plie pas, il y aura des tensions. Moi, je suis contre la violence, mais il y a des groupes de jeunes qui y sont prêts et qui s’y préparent. »
La visite de Dominique de Villepin au CFCM, le 5 avril, est aussi très commentée : le ministre de l’Intérieur a souhaité que la rentrée scolaire se déroule au mieux. Invités à se prononcer sur l’application de la loi sur les signes religieux, les présidents des CRCM proches de l’UOIF réagissent : « La décision qui a été prise a été prise sans nous, explique Kamel Kebtane, recteur de la grande mosquée de Lyon, président du CRCM de Rhône-Alpes. On nous demande aujourd’hui de jouer les pompiers de service. Il n’en est pas question ! Lors de la commission Stasi, de pseudo-spécialistes de l’islam se sont tous entendus pour “déshabiller” nos filles. Nous sommes respectueux de la loi, mais nous devons aussi l’être de l’islam. »
Cet islam est-il seulement soluble dans un pays de tradition chrétienne ? À cette question, Aïda, vingt-huit ans, répond froidement, le regard encadré par son voile blanc : « Pour vous, la France n’est que ce qu’elle représente par le passé. Prenez-la comme elle est aujourd’hui. Elle n’est plus chrétienne. » Son voisin ajoute : « La France est aujourd’hui un département de l’Europe. Demain, elle n’existera plus. Même au plus haut niveau on ne veut pas parler de christianisme dans la Constitution européenne. »
« Cette loi a fait réagir, poursuit Aïda. On va utiliser tous les moyens de droit pour la changer. On fait en ce moment un énorme travail dans les quartiers pour réveiller les jeunes, les amener à persévérer dans les études. On a mis en place des cours de soutien. Il faut encadrer la nouvelle génération pour qu’elle soit armée pour demain, pour qu’elle puisse défendre ses droits. Cela prendra du temps, peut-être des années, mais cela finira par porter ses fruits. »

Bertrand de Lesquen

Valeurs Actuelles n° 3516 paru le 16 Avril 2004


La discussion

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