L’universitaire Romano Amerio était proscrit. Dix ans après sa mort, il est réhabilité.
Une petite révolution vient d’avoir lieu à Rome. Après La Civiltà Cattolica – la revue des jésuites italiens imprimée après révision préalable des autorités du Vatican —, l'Osservatore Romano — qui a changé de directeur — a décidé de parler d’un intellectuel catholique peu connu en France : le Suisse Romano Amerio, mort à Lugano en 1997 à 92 ans.
Cet universitaire de grande envergure auteur entre autre d’un maître ouvrage intitulé Iota unum. Studio delle variazioni della Chiesa cattolica nel secolo XX, était « officieusement » à l’index. Lorsque le livre paraît, en 1987, le journal du Saint-Siège refuse d’en publier la critique. Depuis il était « officieusement » mis au ban de l’Église, accusé d’être un emblème de la « réaction anti-conciliaire ». À L’occasion d’un congrès organisé à Ancône, par le Centro Studi Oriente Occidente, dix ans après sa mort, le journal officiel du Vatican rompt donc le silence.
La question que pose Amerio dans Iota unum – et dans sa suite posthume Stat Veritas (1997) – à propos du problème de l’état actuel de l’Église se résume ainsi :
« L’essence du catholicisme est-elle préservée ? Les variations introduites le font-ils perdurer dans des circonstances variables ou bien le transforment-elles en quelque chose d’autre? [...] Notre livre tout entier est un recueil de preuves de cette transformation. »
Autrement dit, ce que l’on a appelé « l’esprit du concile » est-il bien celui de l’Esprit Saint ou celui de ses commentateurs ?
Il faut dire que cette thématique est aussi celle de Benoît XVI dans son discours à la curie, du 22 décembre 2005, centré justement sur la juste interprétation des « variations » de l’Église avant et après le Concile Vatican II.
Dans un article signé par Raffaele Alessandrini, l'Osservatore Romano reconnaît aujourd’hui chez Amerio une critique « prévoyante… du processus de sécularisation qui est aussi en cours au sein du monde chrétien" et les "risques du relativisme envahissant ». La critique conduite par Amerio repose sur la « primauté de la vérité sur l’amour » dont le renversement conduit à une confusion qui met toutes les religions au même niveau. Pour Amerio, dit encore Alessandrini, « seule la vérité rend libre et non l’inverse… la fidélité de l’Église à son essence originelle se fonde sur cet ordre ».
L’interprétation du Concile comme « rupture et nouveau début » serait-elle sur le point de disparaître des cercles ecclésiastiques les plus influents de l’intelligentsia romaine ?
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