Jean-Paul Roux, Un choc de religions : La longue guerre de l'islam et de la chrétienté 622-2007, Fayard, 2007




Initialement spécialisé dans l’étude de la civilisation de l’Asie centrale turque, Jean-Paul Roux a ensuite élargi ses investigations à l’histoire de l’Asie des steppes considérée dans son ensemble et, plus récemment, à celle du monde iranien. Il se propose aujourd’hui d’établir le bilan de l’histoire des relations conflictuelles entre le monde musulman et la Chrétienté et ce au long de quatorze siècles, de l’Hégire qui voit Mahomet gagner Médine pour s’y transformer en chef de guerre, aux derniers développements de la guerre engagée au cours de ces dernières années entre le terrorisme islamiste et l’Occident rassemblé derrière les Etats-Unis. L’auteur présente d'abord son analyse de la doctrine des deux religions à propos de la guerre. Le message évangélique et les recommandations ambiguës du Coran ne peuvent épuiser le débat relatif au caractère belligène de l’une et l’autre religion et il en appelle à l‘histoire pour décrire ce que fut cet affrontement multiséculaire sur des théâtres très différents, le Proche Orient des Croisades, les eaux méditerranéennes, la péninsule ibérique ou le front du Caucase…

Il nous propose un survol complet qui ne néglige aucun des « fronts secondaires ». Jean-Paul Roux n’oublie aucun épisode significatif, de l’expulsion des Morisques décidée par Philippe III d’Espagne à la guerre de Candie, qui vit l’Empire ottoman s’emparer au XVIIe siècle de la Crète, à l’issue d’une guerre longue de vingt-quatre ans. Le lecteur peu familiarisé avec l’histoire de certaines régions du globe découvrira aussi ce que fut la lutte de l’Ethiopie chrétienne contre l’Islam, celle qui opposa les populations tcherkesses du Nord Caucase aux Russes ou le combat des Mourides réunis derrière l’imam Schamyl contre le même adversaire dans les montagnes du Daghestan, pour ne rien dire des insurrections balkaniques contre l’occupant ottoman ou de la dissidence larvée entretenue au sud des Philippines par la minorité des Moros. Il analyse les diverses formes de domination qui ont été engendrées par ce conflit perpétuel, à l’époque d’Al Andalus, quand les Musulmans occupaient la majeure partie de l’espace ibérique, ou aux temps de la colonisation quand la France dominait un Maghreb où elle ne chercha pas à réduire l’influence de l’Islam. L’auteur ne manque pas de signaler qu’il ne convient pas de réduire à leur seule dimension conflictuelle les rapports de la Chrétienté et de l’Islam mais estime que l'histoire de ces affrontements est un élément de lisibilité du présent, au moment où le monde musulman apparaît partagé entre la tentation de la modernité et l’aspiration à un repli identitaire qui constitue aujourd’hui le terreau de la montée en puissance de l’islamisme combattant.