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Le laborieux retour liturgique (II) - J.Madiran Imprimer
Auteur : XA
Sujet : Le laborieux retour liturgique (II) - J.Madiran
Date : 2006-04-06 13:02:34

La première partie de cet article de Jean Madiran a été diffusée ici.

Le laborieux retour liturgique (II)
Le système de l’« indult » est tombé en désuétude


La messe catholique traditionnelle, latine et grégorienne selon le missel romain de saint Pie V : on appelle « communautés Ecclesia Dei » les chapelles, monastères, troupes scoutes, groupes atypiques (etc.) qui la célèbrent en vertu de la lettre Quattuor abhinc annos du 3 octobre 1984 et du motu proprio Ecclesia Dei adflicta du 2 juillet 1988 ; c’est-à-dire d’un « indult » accordé par l’évêque du diocèse.

Mais désormais ces indults sont inadéquats : par définition, ils ont perdu toute signification. Voici comment.

 Un «indult » est une dérogation à un règlement ou une loi en vigueur. Le 3 octobre 1984, la congrégation romaine pour la doctrine avait adressé aux évêques la lettre Quattuor abhinc annos qui disait :

« Le Souverain Pontif [Jean- Paul II] lui-même, désireux d’aller au devant de ces groupes [« tradis »] concède aux évêques diocésains la faculté d’user d’un indult par lequel les prêtres et les fidèles (…) pourront célébrer la messe en utilisant le missel romain selon l’édition typique de 1962. »

Quatre ans plus tard, par le motu proprio Ecclesia Dei adflicta, Jean-Paul II recommandait aux évêques de faire « une application large et généreuse » de l’indult concédé en 1984.

L’indult, quand il était accordé par l’évêque du diocèse, précisait par quels prêtres, dans quelles conditions de lieu et de fréquence, pouvait être célébrée la messe traditionnelle : c’était une dispense de l’obligation imposant la messe nouvelle de Paul VI.

 L’obligation de célébrer seulement selon le rite nouveau était par le fait même une interdiction du rite ancien.
Cette interdiction résultait (notamment) des ordonnances de l’épiscopat français du 12 novembre 1969 et du 14 novembre 1974 ; de la lettre du cardinal Villot, secrétaire d’Etat, du 11 octobre 1975 ; du discours consistorial de Paul VI, le 24 mai 1976.

 En sens contraire, le cardinal Ottaviani avait déclaré le 9 juin 1971 à Louis Salleron : « Le rite traditionnel de la messe selon l’Ordo de saint Pie V n’est pas, que je sache, aboli. »
Mais depuis trois ans le Cardinal était à la retraite, et l’on ne tint pas compte de sa déclaration.

 En 1986 Jean-Paul II, qui apparemment trouve douteuse la validité de l’interdiction, institue une commission de neuf cardinaux pour tirer la chose au clair et répondre à la question :

La célébration de la messe tridentine a-t-elle été interdite ?

La réponse de la commission fut :

Elle n’a jamais été [valablement] interdite.

Mais on n’en sut rien à l’époque, plusieurs conférences épiscopales ayant exigé du Pape que rien n’en soit publié.

 Le premier à en parler en public fut le cardinal Stickler, le 20 mai 1995, lors d’une conférence aux USA. En 1998, dans son « enquête sur la messe traditionnelle », la revue La Nef publia en outre une lettre très détaillée qu’Eric de Saventhem avait écrite à ce sujet en 1994. Enfin, en 2005, le livre de l’abbé Paul Aulagnier sur La bataille de la messe rassembla, en une quinzaine de pages, tout ce que l’on peut savoir sur la sentence (et aussi les propositions) de la commission des Cardinaux.

 La hiérarchie ecclésiastique dans son ensemble avait cru pendant quinze ou vingt ans qu’il fallait considérer la messe traditionnelle comme interdite. Peu à peu, les présidents des conférences épiscopales ayant eu connaissance du jugement des Cardinaux (et aussi du sentiment personnel de Jean-Paul II), la plupart des autorités hiérarchiques furent amenées à changer d’avis, sans trop le dire. Mais enfin cela fut dit de plus en plus, ici où là. Et notamment le 24 mai 2003, à Sainte-Marie-Majeure, quand le cardinal Castrillon Hoyos déclara le « droit de cité » de la messe traditionnelle partout dans l’Eglise.

 Un indult, nous l’avons dit, est la dispense d’une loi ou d’une interdiction. S’il n’y a pas de loi, si l’interdiction n’existe pas, si elle n’a « jamais [valablement] existé », si cette inexistence est maintenant reconnue, il n’y a pas matière à consentir dispense d’une obligation qui n’existe pas.

Il n’y a donc aucune raison de continuer à laisser croire aux « communautés Ecclesia Dei » que si elles peuvent célébrer la messe traditionnelle, ce serait seulement en vertu d’un indult, d’ailleurs révocable, ce qui permet des pressions indiscrètes tendant à leur imposer de célébrer aussi la nouvelle messe. Sous le régime de l’indult, la messe traditionnelle ne paraissait légitime que si elle restait à l’écart de la vie des diocèses, en quelque sorte enfermée dans les limites de quelques fraternités sacerdotales, de quelques chapelles et de quelques monastères. Elle a vocation à sortir de cet enfermement.

J.M.

PRESENT n°6062 daté du Vendredi 7 avril 2006 , p.1

Les dates surlignées renvoient aux textes cités.


La discussion

  Le laborieux retour liturgique (II) - J.Madiran , de XA [2006-04-06 13:02:34]