Les archives du Forum Catholique
Forum | Documents | Liens | Q.F.P. | Oremus

Les archives du Forum Catholique

JUILLET 2003 A MARS 2011

Retour à la liste des messages | Rechercher

Afficher le fil complet

À l’attention de Monsieur l’abbé de la Rocque Imprimer
Auteur : Morgane
Sujet : À l’attention de Monsieur l’abbé de la Rocque
Date : 2005-04-15 16:35:28


Je remercie dès à présent XA ou tel liseur qui le jugera bon, de faire parvenir ce post à son destinataire.

__________________________


Monsieur l’abbé,

Depuis ma place de laïque fraîchement revenue dans l’Amour du Christ, je vous observe, tous, depuis plusieurs mois, non sans effarement je l’avoue. Vous vous affrontez entre frères sur des histoires de statuts, de séminaires, de sainteté particulière (de laquelle, non sans outrecuidance, vous vous sentez revêtus), de société sacerdotale prise pour ordre régulier ; vous vous battez honteusement et sous la ceinture ou plutôt sous le cordon, à coup de mots redondants, au nom de l’exquise charité chrétienne. Au milieu de cet ahurissant champ de bataille, votre texte « les enjeux d’une crise » est venu prendre une place fort honorable. Il a retenu toute mon attention. Non pas pour le fatras susnommé auquel je n’entends rien, c’est une affaire de clerc, mais pour une phrase, une simple toute petite phrase, comme ça, en passant, qui est venue m’atteindre comme un coup que vous m’auriez asséné dans le dos. La blessure a vrillé si profond que je ne vous la révélerai pas à visage découvert préférant la confier à ce Forum où je suis certaine qu’elle sera accueillie et comprise.

Croyant décocher à vos confrères une flèche bien sentie, vous préjugez (à tort ou à raison ce n’est pas mon propos) de leurs intentions et de la qualité de leur spiritualité. Ce faisant, voilà ce que vous me dites, à moi : « Ravalés au rang de moyens (…) ces Statuts furent non seulement considérés comme facultatifs, mais plus encore comme une entrave, un repli sur soi empêchant d’accéder aux foules d’âmes étrangères à la Tradition, mais sûrement assoiffées d’Amour divin ».

Avec quel talent vous maniez l'ironie Monsieur l'abbé !

Accéder aux foules d’âmes étrangères à la Tradition, mais sûrement assoiffées d’Amour divin… J’ai fait partie de ces foules, permettez-moi de vous ouvrir mon âme : je m’étais éloignée de ma religion juste après le concile, je vivais en dehors de l’Amour divin, et cet « en dehors » m’était une béance jamais comblée. Oh je ne dirais pas que j’étais malheureuse, non, ma vie humaine était plutôt dense et riche, je travaillais et mon travail me vivifiait, j’aimais et j’étais aimée, tout allait bien… mais rien n’allait.

Ne croyez pas que je me sois arrêtée au bord du chemin : sitôt le plaisir du refus épuisé, je me suis mise à chercher, chercher, chercher… Je me suis plongée dans les livres depuis ceux des chantres du bonheur jusqu’à ceux des moralistes les plus exigeants ; j’ai voyagé, de Rome à Jérusalem, Jérusalem surtout où j’ai fait tant de rencontres, échangé tant d’idées avec les religions qui s’y croisent ; j’ai aussi écouté et scruté les œuvres d’art avec un bonheur sans cesse renouvelé ; je me revendiquais résolument catholique romaine et la FSSPX m’apparaissait dans sa dimension politique d’identité traditionnelle ; et puis surtout, j’ai approché mes semblables qui m’ont beaucoup appris, j’ai approché des religieux qui jamais ne me parlaient de Dieu. Durant toutes ces années, jamais une main humaine ne m’a manquée mais, comme en un miroir grimaçant, aucune voix spirituelle, ne s’est élevée. Aucune. Bien sûr, ne sachant pas ce que je cherchais, je ne pouvais le trouver et, années après années, la quête se révéla de plus en plus lancinante, de plus en plus fiévreuse, jusqu’au cri de l’âme.

Visiblement, vous ne savez rien de tout cela Monsieur l’abbé. Rien par expérience personnelle et c’est tant mieux pour vous, mais rien non plus, et c’est plus grave, par empathie, par accès direct de cœur à cœur. Vous ne savez rien de cette recherche, ni de l’être qui se cabre en refus de la lumière ; rien de cet appel que l’on sent bien au-delà de soi-même et qui n’est en aucune façon l’appel intérieur que nous chantent les nouveaux théologiens, car l’appel intérieur, lui, n’ouvre pas de béance : on peut toujours merveilleusement lui répondre par l’art, ou par l’amour, ou même par la mort. Rien, vous n’en savez rien, et c’est bien dommage, parce que j’étais une de ces « âmes assoiffées » qui vous sont aujourd’hui prétexte à persiflage.

Je vous ai tant attendu Monsieur l’abbé, je vous ai tant attendu et je vous ai tant appelé… Des années. Je vous ai appelé de toutes mes voix : ma voix des rires et ma voix des pleurs ; ma voix du calme et ma voix de tempête ; ma voix murmurée d’apaisement et mes cris d’angoisses, ma voix du bonheur et ma voix des drames, ma voix de vertu et ma voix des chutes.

Mais jamais vous n’êtes venu : j’avais faim, vous ne m’avez pas rassasiée ; j’avais soif, vous ne m’avez pas désaltérée ; j’avais froid, vous ne m’avez pas réchauffée ; j’étais malade, vous ne m’avez pas visitée ; j’étais perdue, vous ne m’avez pas cherchée.

Je comprends aujourd’hui pourquoi, cette crise me le révèle crûment : vous étiez bien tranquille dans votre chapelle, occupé à votre propre sanctification, et vous vous en faites une gloire ! Du coup, pour ne pas risquer de vous déranger, il a fallu que notre Seigneur Christ lui-même s’y colle et, prenant enfin pitié, qu’Il jalonne ma route de signes tous plus évidents les uns que les autres jusqu’à ce que, menée par cette main aussi invisible que délicieusement impérieuse, contre ma volonté consciente qui n’en voulait surtout pas, je finisse par pousser la porte de St Nicolas où là, je trouvai enfin un pasteur pour accepter de prendre le relais.

Ne croyez pas que je vous juge, vous ou vos confrères : qui serais-je pour cela ? Je ne vous juge pas, je sais bien que je partage avec vous l’humaine médiocrité, mais ayez au moins la pudeur de ne pas vous vanter de votre inaction, de votre abandon, sous prétexte de sanctification, et de ne pas ironiser sur ces âmes à vous confiées. Lorsque le Christ a choisi Pierre, il ne lui a pas dit « Sanctifie-toi » . Non : Il lui a d’abord fait lancer son filet dans le lac de Tibériade. « Désormais tu seras pêcheur d’hommes » lui intima-t-il en réponse à son émerveillement. N’êtes-vous pas émerveillé d’être prêtre Monsieur l’abbé ? N’avez-vous donc pas envie de partager ce que vous avez reçu avec les foules d’âmes assoiffées d’Amour divin ?

Ma soif s’étanche doucement malgré le triste spectacle de vos querelles. Sachez que, depuis que je vous ai lu, il m’est arrivé de prier pour que jamais cette phrase ne soit retenue contre vous. Sachez aussi que, parfois, il me vient bizarrement à l’esprit que je dois peut-être ma re-conversion à l’un de vos mérites cachés : les voies de Dieu sont tellement mystérieuses…

Morgane : catholique, attachée à la Tradition, intervenante du FC.


La discussion

 À l’attention de Monsieur l’abbé de la Rocqu [...], de Morgane [2005-04-15 16:35:28]
      Morgane , de JacqHou [2005-04-15 16:59:57]
          Anonymat, de Morgane [2005-04-15 17:18:50]
              Considérez alors votre demande, de JacqHou [2005-04-15 17:24:32]
              Morgane vous exagérez, de JacqHou [2005-04-15 18:02:01]
                  [réponse], de Morgane [2005-04-15 19:10:53]
                      Chère Morgane, votre combat est honnorable, de JacqHou [2005-04-16 10:29:14]
          Vous me surprenez !, de Rita [2005-04-15 17:21:19]
              Vous avez raison, de JacqHou [2005-04-15 17:30:42]
                  Que veut dire, de Rita [2005-04-15 17:39:17]
                      Mais justement chere Rita, de JacqHou [2005-04-15 17:47:08]
                          j'aurais dû précisé, de Rita [2005-04-15 18:03:51]
                              Je maintiens, de JacqHou [2005-04-15 18:14:19]
                                  Désolée, de Rita [2005-04-15 18:53:53]
                                      J'ai fait une confusion, de JacqHou [2005-04-16 10:12:13]
                                      Je vous ferai remarquer aussi , de JacqHou [2005-04-16 11:05:22]
                      Chère Rita, de JacqHou [2005-04-15 17:53:11]
      Chère Morgane, de Danver [2005-04-15 17:18:18]
          La soif de l'Amour Divin, de Morgane [2005-04-15 17:26:28]
      Merci, de Florilège [2005-04-15 18:11:02]
          Gracieuse mais sans grâce, de Morgane [2005-04-15 19:18:56]